R?MJ THE MYSTERY HOSPITAL
Happy Hallowe’en Fêtons les fantômes et les histoires qui font peur avec cette Horror Adventure de Bandai sortie sur Saturn et PlayStation pour la fin d’année 1997. Un jeu qui donnera peut-être la chair de poule pour les mauvaises raisons.
Imaginez un peu cet improbable scénario-catastrophe : qu’est-ce qui se passerait si un virus virulent, volatile et terriblement contagieux se répandait dans Tokyo ?
Des esprits imaginatifs proposeraient peut-être la gestion catastrophique d’un navire de croisière en quarantaine, l’organisation inutile de Jeux Olympiques ou une piteuse et tardive campagne de vaccination. Mais dans le futur proche et optimiste de l’été 1999 (c’est pour bientôt), sachez qu’il aura suffi d’un verrouillage complet d’un gigantesque hôpital du centre-ville pour contenir l’épidémie. Simple comme bonjour !
Manque de bol, le brave Hajime (c’est vous) et un pote un peu racaille, tous deux fraîchement sortis du lycée, rendaient justement visite à leur copain le skateboardeur maladroit et chétif. Les trois lascars se retrouvent donc coincés dans l’hôpital géant avec une infirmière docile et bien gaulée, ainsi qu’ une gyaru caractérielle. Il va falloir aider la bande des cinq à s’échapper – et peut-être au passage dévoiler une conspiration digne des meilleures hypothèses du Youtube médico-sceptique.
Nous sommes donc en face d’un 脱出ゲーム (dasshutsu gēmu), ou Escape Game, un de ces jeux demandant de fouiller le décor et d’interagir avec un inventaire (assez mal foutu) pour progresser dans une série de salles plus ou moins retorses. Le jeu est tout en CG pré-calculée et semble du coup très fortement inspiré par le D de Warp (1995), même si la thématique « horreur et survie face à la menace d’un virus issu d’un laboratoire maléfique caché sous l’hôpital » (pardon je spoile) rappelle forcément aussi Bio Hazard / Resident Evil (1996) qui venait de faire sensation.
Le développement du jeu a été en grande partie assuré par nos amis de System Sacom qui fréquentent souvent le topic Saturn et qui s’étaient spécialisés dans les jeux d’aventure à fort usage de cinématiques CG (on pense notamment à Torico ou à Mansion of Hidden Souls). R?MJ cumule tout de même quarante minutes de vidéo, modélisées chez divers petits studios en sous-main. Notez d’ailleurs que le jeu est séparé sur deux CD-ROM sur Playstation mais tient sur un seul disque sur Saturn, probablement grâce à différents formats propriétaires de codec vidéo.
Voilà pour les artisans en charge de livrer le produit final, mais l’impulsion créative vient d’ailleurs. Cela devient un fil rouge accidentel de mes présentations récentes mais voici encore un projet de créateur externe au monde du jeu vidéo, attiré par le medium, les possibilités du format CD-ROM et les promesses du mot-buzz multimedia au milieu des années 90.
Il s’agit cette fois d’Imazeki Akiyoshi, un type qui a manifestement peu marqué la culture du pays mais qui a connu pas mal de succès commerciaux pour la branche Bandai Visual en se spécialisant dans les films et séries TV de lycéennes au cœur pur vivant leur premiers émois et atermoiements du passage à l’âge adulte – le coming of age, comme disent les Anglo-saxons. Avec, généralement, une jeune idole populaire du moment dans le rôle principal du moment.
Sans doute pas le Kore-Eda de son époque, donc, mais surtout pas grand chose à voir avec la thématique horrifique du jeu (je m’attendais à un type un peu plus calé en film d’exploitation VHS). Bien à lui d’élargir ses horizons. Le voici qui introduit une petite vidéo de promotion du projet.
Soyons franc : un quart de siècle après sa sortie, R?MJ est une expérience assez médiocre. Le jeu avait au moins un certain cachet visuel à l’époque – même si les jeux d’aventure en 3DCG faisaient déjà débat de leur contemporain – mais l’aspect technique a évidemment pris un coup de vieux. Les scènes sont assez maladroites, le scénario est franchement absurde, on grille devant certains enchaînements abruptes que plusieurs scènes ont été coupées pour des raisons de calendrier ou de budget, et n’importe quelle erreur commise par le joueur est généralement fatale puis oblige à reprendre la partie depuis le début du chapitre.
L’exploration est plutôt fluide malgré le format, et les mouvements sont assez limités dans chaque chapitre, donc on ne peine pas à trouver le bon chemin mais le ressenti d’exploration, d’interactions et d’implication du joueur est assez faible. Contrairement aux escape games modernes, les énigmes proposées sont assez peu complexes et le casting à la fois restreint et peu intéressant. Bref ! C’est pas ouf’.
Malgré tout, le jeu propose quelques idées qui valent peut-être quand même les quelques heures de vadrouille demandées, un week-end frisquet d’octobre.
D’abord, les mauvaises fins sont nombreuses et assez rigolotes. Il y a pas mal de façons de zigouiller malencontreusement les cinq membres du groupe et certaines morts sont assez grotesques, notamment quand on se plante de vaccin pour soigner une des différentes variantes du virus. C’est parfois poilant de découvrir comment on a malencontreusement torturé un de nos ados.
Ensuite, R?MJ a tenté un truc (et raté – mais j’apprécie l’effort) avec le bouton Gokan, autrement dit le bouton des « cinq sens ». Sur Saturn, le bouton A sert aux interactions normales et le bouton X ouvre l’inventaire, mais le bouton B doit être utilisé quand le scénario réclame qu’Hajime utilise un de ses cinq sens (vue, ouïe, toucher, goût, odorat) pour détecter un danger imminent. Généralement, le jeu nous donne un gros indice avec une ligne de dialogue bien appuyée d’un des compagnons du groupe, et on n’a même pas besoin de choisir quel sens on compte utiliser. Dans les faits, c’est donc une espèce de QTE primitif déguisé, mais l’idée n’est pas inintéressante et la mécanique oblige à rester sur ses gardes malgré l’aspect un poil fadasse de l’exploration.
Adressons enfin « l’éléphant dans la pièce » : qu’est-ce que c’est que ce titre débilos !?
Sachez d’abord que le R est silencieux (!) et qu’on est censé lire ce « mot » エムジェイEmujei. Pas de problème pour la partie MJ : c’est l’abréviation de Mutant Jack, l’expérience ADN foireuse à l’origine du virus. Mais pourquoi ce R… Une recherche Google assidue propose « Revenge », même si honnêtement je trouverais la justification assez faiblarde vis-à-vis du scénario. Le R est-il silencieux car c’est une revanche silencieuse ? Le point d’interrogation est-il là pour signifier le manque de conviction des personnes en charge de trouver le titre ? En tout cas, c’est sans aucun doute l’aspect le plus terrifiant du jeu.