26/30 La bataille du rail, le challenge le plus difficile de Shining Force III
Shining Force II étant mon jeu préféré, vous pensez bien que j’attendais Shining Force III de pied ferme. Et attendre, j’ai dû, car la première partie du jeu n’est sortie qu’en décembre 1997 au Japon, soit trois ans après la sortie de la Saturn et plus de trois après Shining Force II (sorti en octobre 1993 au Japon et l’été suivant en version PAL).
J’aurais un peu plus de temps et un peu moins de posts de retard, je vous aurais fait un cours magistral inutile sur toutes les péripéties expliquant pourquoi il a fallu attendre autant de temps avant la sortie de Shining Force III. Résumons : Sega est un éditeur compliqué, Camelot est un développeur compliqué, et le jeu était tellement ambitieux qu’il a finalement fallu le diviser en trois « scénarios », poussant le bouchon encore plus loin que Super Robot Taisen F.
À l’époque, je ne vous cache pas que j’avais été un peu déçu par Shining Force III: Scenario 1 (décembre 1997). C’est en partie de ma faute : j’étais possiblement le seul type au monde à avoir été déçu par Dark Souls parce que j’en attendais beaucoup trop après Demon’s Souls.
Mais Shining Force III souffrait aussi de la comparaison avec ses voisins direct du dernier gros Noël de la Saturn : il n’offrait ni les possibilités tactiques effarantes de Super Robot Taisen F, ni l’emballage technique de Grandia, qui était une espèce d’idéal du RPG 32 bits avec ses décors 3D magnifiques, ses sprites expressifs au lieu des polygones affreux de FF7, ses nombreuses scènes doublées et la bande-son phénoménale d’Iwadare (c’est Sakuraba sur SF3 mais je n’ai jamais été fan du taf de Sakuraba post-Super Famicom).
Plus grave à mes yeux, le jeu abandonnait la grande force de Shining Force II : la possibilité de se balader librement dans le monde à la manière d’un JRPG classique, et donc de découvrir le monde à son rythme. À la place, un modèle plus classique pour le Simulation RPG à la Fire Emblem, avec une succession de combats à réussir dans l’ordre. La seule souplesse conservée des Shining Force précédents étant un bien plus grand effort que la compétition sur les phases de village entre chaque bataille, avec des villages beaucoup plus grands et riches en contenu que la moyenne, et souvent blindés de secrets.
Mais, sans surprise, le véritable brio de Shining Force III se révèlera avec les deux scénarios suivants, sortis respectivement en avril puis en septembre 1998. Non seulement le côté Rashōmon des trois points de vue différents des trois protagonistes fonctionne à merveille dans le contexte d’un conflit épique entre royaumes d’un heroic fantasy, mais les trois scénarios s’emboîtent assez bien question progression du scénario, sans donner l’impression de repartir au début de l’aventure.
Et d’un point de vue ludique, nombre de choix du joueur dans le Scenario 1 (quel objet vous avez trouvé, quel personnage vous avez sauvé ou épargné) ne deviennent importants que dans Scenario 2 ou Scenario 3. C’est une utilisation intéressante de son medium (le combo CD-ROM + mémoire interne) et de cette nouvelle génération de consoles. A posteriori, « l’œuvre » complète Shining Force III est donc un monument du Simulation RPG. Mea culpa.
Mais un truc qui était évident dès le Scenario 1, c’est qu’encore une fois, Camelot allait se creuser la tête pour proposer des batailles très originales pour le genre, avec un gimmick rigolo à chaque chapitre ou presque. Et le plus illustre de ces gimmicks, pour le meilleur et pour le pire, c’est l’infernale huitième baston du jeu : sauver ces putains de villageois sur ces putains de chemins de fer.
Le concept de la baston est qu’une bande de villageois tentent de fuir le conflit entre la République et l’Empire en sautant comme des vagabonds dans le prochain train, mais se retrouvent coincé par des miliciens zélés qui vont les trucider pour oser fuir et donc trahir la patrie. Il va falloir non seulement buter le chef de la milice, mais aussi sauver un maximum de civils, pendant qu’un train arrive sur la voie, puis un deuxième sur la voie opposée. Voici grosso modo à quoi ressemble la carte (via le guide officiel de Sega Saturn Magazine). On part de l’espèce de T de Tetris, en haut de la carte.
Il y a cinq civils à sauver. La plupart d’entre eux meurent en un coup, deux max. Un seul des civils a ramené une herbe médicinale. Il n’est absolument pas nécessaire de les sauver. La plupart des joueurs en sauveront sans doute un ou deux à la deuxième tentative, après la défaite inéluctable de compréhension de la carte. Le véritable défi est de tous les sauver, a fortiori quand les joueurs découvriront bien plus tard que réussir à sauver tous les réfugiés sur cette carte débloque une arme pétée dans Scenario 3.
Vous l’avez sans doute deviné en voyant la carte mais la bifurcation des rails au sud joue un rôle crucial dans la réussite de l’entreprise ; d’ailleurs, je ne crois pas qu’on puisse sauver un seul réfugié sans la manipuler. Il faut donc qu’une partie de la Shining Force (c’est le nom de notre bande de compagnons dans les jeux) fonce au milieu activer un levier pendant que les autres commencent à nettoyer la carte vers l’ouest. Voici la même carte dans le guide sorti par Famitsu, avec le positionnement des cinq réfugiés au sud et un parcours idéal (les flèches bleues) pour les deux groupes du joueur.
Même en sachant ce qu’il faut faire, c’est débilement difficile. Je rappelle que sauver ces clampins est totalement facultatif, hein. Mais à la huitième carte, on a encore très peu d’options et des stats un peu flingués. Le joueur est à la merci du moindre caprice de RNG. Voici un tuto de l’exécution idéale.
Je donne l’impression de me plaindre, mais la baston est iconique ; c’est sans doute le moment le plus mémorable du Scenario 1 (mise à part la disparition brutale d’un personnage important qui revient ensuite dans Scenario 2), et le jeu exploite très habilement la thématique sur un chapitre entier, avec cette carte ferroviaire suivie de deux bastons dans un wagon du train puis sur le toit du train.
Je vous laisse avec cette chouette rétrospective de Shining Force III par Inglebard Gaming, calée au moment de cette bataille.