29/30 Les hooligans qui repeignent le ciel bleu en rouge sang
Il y a quelques semaines est sortie ce 1CC commenté de Sōkyūgurentai, un shmup assez réputé de Raizing sorti à l’origine sur ST-V (1996), ce qui explique son format horizontal malgré son défilement vertical (Raizing voulait s’assurer un portage simple sur Saturn). « Les hooligans qui repeignent le ciel bleu en rouge sang » est grosso modo la traduction la plus fidèle des astuces de double-sens dans la lecture du titre 蒼穹紅蓮隊 en japonais.
Le commentaire mentionne, à un moment, cette excellente interview de Raizing confiée au mook ShootingSide Vol.1 en 2010, et revenant, vers la fin, en moult détails sur le développement de Sōkyūgurentai. Shmuplations l’avait traduite il y a deux ans.
La révélation la plus intéressante de cette interview est sans doute que le jeu avait démarré avec l’objectif de changer d’angle de caméra pour donner plus de dynamisme aux scènes en fonction des situations, façon Raystorm, avant que les développeurs n’abandonnent l’idée face à l’ampleur du défi technique.
C’est intéressant car ① Sōkyūgurentai avait clairement été influencé par Rayforce, le prédécesseur se Raystorm ② Raystorm est sorti en août 1996, quelques semaines avant Sōkyūgurentai ③ Raystorm est sorti sur PlayStation à peu près au même moment que Sōkyūgurentai sortait sur Saturn, début 1997, renforçant leur rivalité et ④ Raystorm est finalement sorti sur Saturn en octobre 1997, sous le nom Layer Section II, histoire de prouver que l’idée de Raizing n’était ni infondée sur le papier, ni réellement rendue impossible par le hardware.
Mais je n’en veux certainement pas à Raizing car je pense qu’ils ont fait les bons choix, et que Sōkyūgurentai est un meilleur jeu que Raystorm (et a fortiori meilleur que Layer Section II).
L’équipe a clairement cerné les immenses possibilités mais aussi les limites du hardware, permettant une 3D discrète mais efficace, et surtout des assets 2D tape-à-l’œil, avec d’énormes sprites, des zooms, des rotations, l’affichage impressionnant d’immenses polices de texte… On a l’impression de revoir le Mode 7 de la Super Famicom mais sous coke.
Il est d’ailleurs raisonnable de penser que les choix techniques de Raizing inspireront Treasure pour le shmup le plus connu et réputé du ST-V, Radiant Silvergun, deux ans plus tard.
Deux aspects non mentionnés dans l’entretien, toutefois. D’abord, le fait que le jeu soit compatible avec tous les sticks analogiques officiels de Sega. Aucune idée si jouer en analogique rend les bons joueurs particulièrement meilleurs, mais c’est rigolo.
Ensuite, le nom US. Comme vous pouvez le voir sur la cartouche au dessus, Sōkyūgurentai a en fait un nom d’exploitation internationale, et même une traduction dispo dans la ROM de la version ST-V : il s’appelle(rait) Terra Diver.
Le truc, c’est qu’on n’a strictement aucune trace tangible d’une sortie en Occident. Je pense surtout que le nom est dû au partenariat de Raizing avec Electronic Arts Victor (filiale éphémère d’EA et Victor) pour ce jeu. EAV était alors dirigé par un type au long passif, Sameshima Yasuhiko.
Je ne vais pas revenir sur son parcours complet ici mais, histoire de boucler la boucle, cette version d’EAV n’a survécu qu’une grosse année ou deux aux décisions anachroniques de son patron telles que signer des jeux Eighting/Rizing ; Sameshima a ensuite bourlingué dans l’industrie japonaise avant de devenir, autour de 2016… le PDG d’Eighting.