(je déplace la conversation ici)
Jamais lu Les extraterrestres dans l’histoire mais j’imagine que tu as forcément lu le grand classique absolu et best-seller du genre, Le matin des magiciens, de Bergier et Pauwels. C’est pile dans ce que tu décris, l’espèce d’ivresse d’imaginer grâce à la physique quantique un nouveau paradigme ébranler le rationnalisme du XIXe, et sauver miraculeusement la foi dans le paranormal. C’est complètement nawak, mais c’est teeeeeeeellement bien écrit, je pense que je l’aurais lu à 14 ans, je serai en train de parler poésie avec les Martiens aujourd’hui.
D’une manière générale je suis un peu jaloux-nostalgique sans l’avoir connu de mon vivant (c’est quoi le mot suédois pour ça ?) de toute la scène conspi/new age des années 1970, à qui on ne peut pas reprocher une certaine inventivité et un certain talent de plume. A côté, j’ai l’impression que ses succédanés contemporains c’est vraiment le fond de bouteille, une littérature souvent assez premier degré, plate, éculée, sans finesse ni pouvoir d’évocation - alors que s’il y a bien quelque chose à aller consommer là-dedans, c’est un peu de douce rêverie.
Pour le coup, ce bouquin est écrit par un vrai de vrai —et supposé espion— communiste
Note que si les proches de Moscou étaient hermétiques à la pensée magique et aux théories du complot, ça se saurait. Outre qu’il y a tout un courant historique assez intéressant qui défend la thèse que la paranoïa est intrinsèque à tout mouvement révolutionnaire ; et que la tradition mystique se pose là en Russie, c’est pas non plus rare de voir des espions analyser systématiquement les choses sous le prisme de la conspiration - déformation professionnelle, j’imagine.
A ce propos, je ne sais plus si j’en avais parlé, mais il faut lire KGB-DGSE. 2 espions face à face, dialogue entre deux retraités du renseignement. Je spoile, mais plus on avance, plus on se rend compte à la fois du mélange de banalité de leur boulot à leurs yeux au quotidien, et de l’imprégnation mentale de celui-ci, qui leur survit bien après la retraite, voire probablement s’exprime en roue libre, vu qu’ils n’ont plus que leur imaginaire détaché des dossiers pour analyser le monde. Par exemple, Sergueï Jirnov, ancien du KGB, y explique le plus naturellement du monde qu’à ses yeux, ce ne serait pas étonnant que Poutine soit mort et ait été remplacé par un clone. Et comme ça tombe vers la fin du bouquin, ça arrive relativement naturellement, et il faut se pincer soi-même pour se rappeler qu’à partir d’un certain moment, il ne parle plus de ce qu’il a connu mais de la manière dont il envisage le monde maintenant qu’il est un espion retraité. C’est franchement fascinant.