@Bricsou Merci pour les retours ! La PV de Croak me rappelait effectivement d’avantage Celeste que Cuphead mais elle semble aussi promettre un poil plus de variété dans les phases de jeu que les hardcore platformers sur ce créneau. Comme toi, Celeste me laisse assez froid (enfin surtout : pourquoi Celeste plutôt que leur vrai chef d’œuvre, Towerfall ?) mais bon, vox populi…
En parlant de vox populi, impossible de ne pas repenser toute la journée au cataclysme Concord et je me demandais, en parallèle avec l’exploitation saugrenue du mème El Shaddai de l’autre côté du Globe, si Concord pourrait au moins connaître le même destin populaire de futur mème Internet.
Car après tout, entre sa première bande annonce autour de l’été 2010 et sa sortie le 28 avril 2011, El Shaddai avait lui aussi été la risée d’Internet : au final un four monumental qui a stoppé net les ambitions d’UTV Ignition (éditeur japonais financé par des millionnaires indiens), mais surtout un carambolage au ralenti, deviné dès la première annonce, alimenté à chaque bévue de communication, complètement ignoré par le grand public mais suivi avec ferveur ironique par une communauté de trolls sur Internet (moi le premier).
Je me souviens avoir posté ici-même, sur la troisième ou quatrième incarnation du forum, un long commentaire sur la qualité étonnante du jeu final vis à vis de son traitement pendant des mois sur Internet et les réseaux sociaux encore balbutiants. Pas un chef d’œuvre, mais un beat’em up compétent avec une direction artistique assez impressionnante et exploitant habilement les possibilités de la haute définition. Sauf que tout le monde s’en foutait : le jeu ne collait pas aux critères populaires de l’époque (c’est sorti pile entre Red Dead Redemption et Skyrim), et Internet avait adjugé par avance que c’était une daube.
Notez que le destin d’El Shaddai n’a pas vraiment changé : c’est resté un mème, alimenté de son plein gré avec des goodies et des tampons LINE ou ce genre de pub parodique débilo-nostalgique, et El Shaddai est désormais un souvenir sympathique de l’époque, traité avec une relative bienveillance par la génération qui l’a connue, mais le HD Remaster ressorti le 28 avril dernier s’est encore une fois totalement planté. La persistence culturelle d’El Shaddai n’a plus rien à voir avec le jeu El Shaddai.
Il y a malheureusement une différence fondamentale entre El Shaddai en 2010-2011 et Concord en 2024, qui me laisse fort pessimiste quand à une éventuelle mèmification bonhomme du jeu, ici McDo qui annule ses hamburgers goût Concord au bout de deux semaines, ou là Astro Bot 4 sur PS7 qui fait des vannes au sujet de Concord dans quinze ans. Cette différence, c’est qu’Internet est devenu viscéralement plus méchant. Et veule et endoctriné, certes, mais surtout incroyablement méchant.
Les peu de gens qui en avait quelque chose à foutre d’El Shaddai en 2010 se foutaient tous de la gueule d’El Shaddai, mais personne n’interprétait dans El Shaddai un ennemi ou une idéologie à abattre. On se foutait de la gueule du jeu car on se rendait bien compte qu’on était, au fond, les seuls à en avoir quelque chose à foutre. Le simple fait de se préoccuper du jeu nous ramenait à une certaine forme d’humilité, i.e. fallait quand même vraiment être un gros nerd pour en avoir quelque chose à cirer du destin du jeu biblique accidentellement queer avec des collabo EVISU qui siphonnent du flouze indien au Tokyo Game Show. Je soupçonne que cette autodérision plus ou moins tacite est un élément fondamental de la nostalgie positive que peut provoquer la reproduction d’une PV du jeu dans une pub Nissin opportuniste en 2024.
Ce qui me désole et me sidère avec la foule qui s’acharne sur Concord, c’est qu’ils ne se rendent même pas compte qu’ils sont, cette fois encore, absolument les seuls à faire exister Concord culturellement. Ce jeu n’a pas été rejeté parce qu’il est woke, il a été rejeté parce que littéralement personne d’autre n’a calculé qu’il existait. Cette fois, les seuls nazes qui parlent de Concord, c’est ceux qui sont persuadés de se battre contre Concord.
Et ce, sans même aborder toutes les incohérences idéologiques du mouvement, genre prendre Wukong en contre-exemple, ou célébrer l’échec d’un jeu multi premium qui suivait finalement exactement le même modèle commercial que Monster Hunter World plutôt que les lootboxes et battle passes qui sont habituellement visés. Concord devait mourir, mais sans cette vindicte, il n’aurait eu aucun mérite d’exister. Restera-t-il à ces gens, dans quinze ans, de toute cette énergie dépensée, un quelconque souvenir positif ou familier ? Ce n’est pas moi qui pose la question, c’est l’agence marketing en charge de Cup Noodle.