Avant de toucher aux nouveautés plébiscitées du mois de mars comme Kirby, Triangle Strategy ou Gran Turismo 7, je m’étais promis de dégager au moins deux ou trois jeux de mon backlog.
Ys IX ~Monstrum Nox~
J’ai lancé cette tentative enthousiaste, ambitieuse et un peu fauchée de monde ouvert dans la foulée d’Elden Ring ; il a donc fallu quelques heures d’adaptation pour retourner au monde réel de la production japonaise de second plan.
Le pitch est assez cool : au lieu d’explorer une île mystérieuse, Adol se retrouve coincé dans une grande ville-prison divisée en plusieurs quartiers et construite par dessus un gigantesque dédale de ruines et de catacombes. Tout le jeu se passe donc dans cette ville et dans ses campagnes avoisinantes. La ville est sous l’emprise d’une sombre malédiction dont les habitants sont totalement inconscients : on peut déclencher des combats en pleine rue, ce qui nous téléporte dans une dimension parallèle façon Wingman (le monde est figé et le quidam ne sait pas qu’on se tape à côté de lui).
La meilleure idée du jeu, c’est qu’Adol est coincé dans cette ville parce qu’il a été arrêté par les flics. Et pourquoi il a été arrêté ? Parce que ça fait huit jeux qu’il détruit des reliques millénaires et au minimum trois fois qu’il embarque sur un bateau qui coule en chemin. Du coup, les autorités locales trouvent ça vachement louche. Je ne m’attendais pas à ce genre de méta-blague truculente dans un petit jeu traditionnel de Falcom mais on sent que leur nouvelle génération de développeurs a grandi avec les mèmes internet/2ch et développé un amour sincère mais irrévérencieux pour la série.
Adol s’échappe « évidemment » mais en chemin, il se retrouve affligé d’une malédiction qui le transforme en monstre et l’empêche de quitter la ville. Il rejoint alors les Monstrums, cinq autres pauvres âmes de divers horizons mais victimes du même sort, dont les origines respectives vont nourrir les premiers chapitres du jeu. Le scénario a un petit côté X-Men / Mutants de Marvel puisque les Monstrums sont clairement des super-héros œuvrant pour le bien de la ville mais pourchassés par les autorités et détestés par une partie de la population.
On se retrouve avec le même système de trio de personnages introduit dans Ys Seven et désormais standard de la série : on choisit une équipe de trois Monstrums (parmi les six), et on peut zapper à tout moment entre les trois pour éventuellement tirer partie de meilleures affinités en combat, chaque ennemi étant plus sensible à un type d’attaque précis. La nouveauté, c’est que chaque Monstrum supplémentaire débloque un super pouvoir lié à l’exploration de la carte. Un Monstrum peut grimper sur les murs, l’autre peut se téléporter sur les perchoirs, l’autre à une vision « détective » etc. Fort heureusement, les pouvoirs sont mutualisés par l’équipe : pas besoin de changer de personnage pour utiliser son talent.
Étonnamment, tout l’aspect traversal est assez cool et relativement bien foutu. Les pouvoirs sont bien pensés et parfois grisants, les contrôles sont pas tip top et la caméra part parfois en cacahuète mais on finit par s’en sortir et franchement je trouve la balade plus fun et nerveuse que n’importe quel assassin lourdeau.
En plus, je n’ai jamais trop adhéré à cette mécanique de trio (pourquoi Adol aurait-il besoin d’aide ?) mais elle fonctionne thématiquement assez bien ici ; le groupe est obligé de s’entraider pour briser la malédiction et chaque Monstrum apporte à la fois son pouvoir et sa personnalité à la dynamique d’équipe. Pareil pour l’aspect social link qui semblait un peu forcé dans Ys VIII mais fonctionne bien dans un contexte urbain.
Autre concept repris d’Ys VIII : on zappe par moments (généralement entre chaque gros chapitre) avec le point de vue d’un mystérieux personnage, mais cette fois, c’est un autre Adol coincé dans la prison pendant que notre Adol gambade dans les rues de la ville. Le principal mystère du jeu va donc tourner autour de l’identité de ces deux persos : qui est le vrai Adol, quelle est l’identité de l’imposteur et qu’est-ce qui se passe au juste dans cette prison de plus en plus bizarre ? Je vous le floute parce que je n’étais pas au courant et que j’ai trouvé cette petite ficelle scénaristique assez engageante, si jamais vous comptez le faire bientôt.
Auquel cas, il faut comprendre où vous mettez les pieds. Techniquement, c’est malheureusement compliqué. On arrivera effectivement peut-être un jour à faire @aliochou tomber amoureux de Xenoblade mais j’abandonne illico tout espoir pour Ys IX, ses rues constamment trop étroites pour placer la caméra correctement, ses animations qui auraient fait tiep’ sur PS2, sans parler du framerate catastrophique de la version Switch (et pourtant je ne suis pas regardant : j’en avais rien à battre dans Hyrule Warriors: L’Ère du Fléau ou dans Elden Ring, par exemple).
J’avais affectueusement blagué « Assassin’s Creed mais sur Dreamcast » à l’époque de l’annonce et, franchement, on s’en approche. On sent le jeu d’abord imaginé sur PS Vita, puis finalement sorti sans optimisation sur PS4, puis porté à grand peine sur Switch (par les Néerlandais de Engine Software, ancien groupe de demomakers MSX).
Autre problème plus subjectif : ils ont refoutu le système de Tower Defense d’Ys VIII. Déjà, je déteste les Tower Defenses, et n’importe quelle mécanique de « limitation des dégâts » – même FTL ou Into the Breach me gonflent. Mais dans Ys VIII, ça faisait au moins sens thématiquement avec l’histoire du camp de fortune, les Robinsons sur l’île attaqués par des bêtes sauvages bla bla bla. Ici, c’est complètement gratuit et ça n’a franchement pas grand intérêt : les options stratégiques étant terriblement limitées, chaque combat se ressemble, les ennemis sont lents, y a zéro défi en difficulté normale… Bleh.
Vous ne serez également pas surpris d’entendre que l’histoire est souvent stupide « à la japonaise ». Une des premières vignettes apprend ainsi à la jeune bourgeoise du groupe que cela ne sert à rien de voler sa propre famille riche pour nourrir les quartiers pauvres car ces feignasses vont s’y habituer et arrêter de bosser pour se sortir de la misère ; mieux vaut ouvrir un magasin de fleuriste (!?!?) dans les taudis pour égayer le quartier et leur redonner espoir. Euh, OK ? Je ne sais pas avec quel argent les miséreux vont s’acheter ces bouquets de jacinthes qui ne pourraient pas les nourrir mais godspeed, mon enfant.
Voilà pour les défauts. Y en a plein, c’est pas le GOTY – cela fait 30h que je culpabilise de ne pas plutôt jouer à Triangle Strategy. Malgré tout, je passe un chouette moment. Les donjons sont plaisants et jamais trop longs. Les combats sont nerveux même quand on pige rien. Le crafting est bien équilibré. C’est peut-être une coïncidence mais je remarquais que j’ai toujours eu un faible pour les rares jeux japonais s’accrochant plus ou moins à une unité de lieu : Dark Savior, London Seirei Tanteidan, The Last Story etc. Ça fonctionne encore une fois ici.
Mais surtout, je trouve assez enthousiasmant que cette génération de devs chez Falcom tente des trucs, même parfois au delà de ce que devrait permettre leur budget et leur moteur. J’étais un peu blasé par la génération Ys Seven → Celceta → VIII qui avait mis trois jeux à trouver sa formule. Ils ont secoué le cocotier avec Ys IX et j’ai hâte de voir dans quelle direction ira Ys X.