♪ Quaaand je jouuue ♪ Impressions, questions et discussions JV

Pas le moral récemment, et ça se ressent dans les jeux auxquels je joue : régression totale vers des jeux auxquels je jouais il y a 20 ans. S’y rajoute le côté encore plus rassurant d’avoir ces jeux sur Steam, autrement dit disponibles tant que Valve ne meurt pas, au lieu d’avoir à m’inquiéter de ressortir une console à moitié décomposée des cartons ou acheter un remaster qui ne durera que tant que Sony/Nintendo ne décide pas qu’il est temps de me faire repasser à la caisse. Ah ! Que mes arrières-petits-enfants seront contents quand je leur léguerai Unlimited:Saga !

Mais donc, plus proche de nous, Saga Frontier 1. N’ayant pas rejoué au jeu depuis sa sortie, qui m’avait laissé un mauvais souvenir, je suis bien rassuré de voir que rien n’a changé : c’est toujours aussi incroyablement moche, ambiance « on découvre la 3D » façon personnages de FF6 dans le manuel plutôt que Donkey Kong. Ajoutons à cela des environnements incroyablement fouillis et illisibles, et on a du mal à croire que c’est les mêmes gens qui ont créé les cartes claires et bien agencées des meilleurs RPG SFC. Je me suis souvent demandé en rejouant si les gens avaient joué à leur propre jeu à l’époque. Est-ce que ces gens ont oublié comment faire des jeux entre la SFC et la PS1 ? Oui, je sais, développement difficile, nouveaux outils, mais enfin, ça n’excuse pas tout : quand une des améliorations majeures du remaster est « ajout de flèches à l’écran pour montrer ce qui est une porte et ce qui ne l’est pas », c’est que le problème était déjà là il y a 20 ans.

L’autre problème du jeu est purement structurel : le jeu reprend un concept à Saga 1 et 2, un univers éclaté en mini-mondes délibérément disparates, samurai et robots et Bladerunner et vampires gothiques et suburbia américaine contemporaine. L’idée se marie bien avec le fait de jouer 7 persos différents ayant leurs propres scénarios rigides (une chose que RS1 et 3 ne pouvaient pas faire avec leur open world) : chaque perso ne voit qu’une facette de ces mondes, la majorité n’ont absolument rien à faire dans la moitié des régions disponibles, et certaines régions n’existent que pour un seul personnage sur les 7 du jeu. Cette variété se reflète dans les scénarios du jeu : une sorte de Lord of the Ring, un Sentai, Drôles de dames, une histoire de jumeaux magiciens (retourné à l’envers de façon typique pour la série : tous les autres personnages n’interagissent qu’avec le jumeau héroïque, mais celui avec lequel on joue est le héros connard qui préfère assassiner les gens au lieu de les recruter pour aller plus vite), et surtout le scénario d’Asselus, qui commence comme Dracula-du-point-de-vue-de-Mina-Harker, sauf que Mina vient de binger l’intégralité d’Utena la fillette révolutionnaire et décide d’aller tuer le vampire pour sauver sa meuf (j’avais d’ailleurs oublié qu’il y avait un embranchement à la fin et qu’on pouvait finir humaine, demi-vampire en happy end avec la fiancée des roses, ou Dracula-à-la-place-de-Dracula à se créer son propre harem lesbien pendant que la bonne Shirobara reste damnée à jamais pour vous avoir aidé).

Là où ça tourne à l’aigre, c’est que le budget n’est pas au rendez-vous, et chaque région est en fait limitée à une poignée d’écrans qui peuvent se compter sur les doigts d’une main (à l’exception des principales où tous les persos vont). Un monde représenté comme une sorte d’enfer de Dante est limité aux trois écrans du château du maître des lieux, entièrement vide à part un seul personnage ne servant que pour une quête annexe. Le monde des diseurs de bonne aventure fait 4 écrans dont un de transition. Le monde des contrebandiers est un écran plus le bar (et je ne crois pas que qui que ce soit ait quoi que ce soit à faire là?). Le monde du Japon traditionnel est une seule carte avec 4 écrans dont un seul sert pour la quête d’un seul perso. Etc, etc. Difficile de donner la moindre sensation organique dans ces conditions…

Mécaniquement, les combats sont une évolution de ceux de RS2 et 3 donc ça va encore, sauf qu’ils ajoutent une dimension spatiale aux AOE qui ne fonctionne absolument pas, parce que les personnages restent en 2D sur un plan 3D avec une caméra totalement aux fraises. Ajoutons à cela l’autre résurgence de Saga 1 et 2 : les personnages appartiennent à 4 familles, humains, robots, monstres et fées, chacune obéissant à des règles totalement différentes (seuls les humains devenant plus forts de façon linéaire au fil des combats). Idée pas inintéressante, mais l’implémentation des trois races non-humaines laisse franchement à désirer (c’est absolument impossible de faire quoi que ce soit avec les monstres sans un wiki, notamment).

Bref, c’est pas un accident industriel absolu comme RS1, c’est pas injouable comme Unlimited, il y a un certain fun à avoir en suivant le flow totalement absurde du jeu comme si on était dans un hôtel à Las Vegas et qu’on redescendait d’un trip en essayant d’inventer une narration cohérente en zappant au hasard sur les milliers de chaînes disponibles à la télé.

Clairement, c’est pas un bon jeu, mais c’est tellement BIZARRE que je suis forcé de lui reconnaître une identité unique.

Il faut dire que le remaster aide énormément. Ce n’était pas possible de rendre le jeu beau à moins de tout refaire à la Trials of Mana (ce qui, personnellement, aurait peut-être été pour le mieux…?), mais la technique d’upscalling utilisée fonctionne parfaitement bien avec la façon dont les graphismes ont été créés à l’époque (alors que ça n’aurait pas du tout marché s’ils avaient fait ça sur des sprites 16 bits), avec en plus des retouches manuelles pour améliorer l’aspect. Bon, c’est toujours moche, mais techniquement, c’est irréprochable.

Le jeu fait de son mieux pour améliorer les aspects les plus mauvais du jeu : cartes rendues lisibles comme je l’ai dit, menu supplémentaire pour indiquer où aller (le jeu laissant le joueur se perdre comme si c’était un open world à la RS1-2-3, sauf qu’il n’y a rien à faire dans 80 % des zones visitables), et NG+, une addition particulièrement adaptée au jeu puisqu’il invite à rejouer encore et encore pour voir tous les persos. Un NG+ bien négocié permet d’accélérer sensiblement les autres runs : par exemple, faire Blue tôt permet aux autres d’avoir accès à un mage totalement craqué, identifier les personnages faciles à recruter comme Emelia, Gen ou Fuse et les grinder au premier run permet d’avoir accès à des persos endgame dès le départ, se taper un wiki pour faire un truc bien avec un monstre comme Coon, Coton ou Thunder permet de ne plus avoir à interagir avec le système après et de rouler sur le jeu avec un phœnix ou un black dragon, garder T260-G comme 3e ou 4e perso permet d’avoir accès à tous les équipements récupérés par les autres tout en en faisant une tueuse à peu de frais, etc. En faisant un peu attention, on peut donc boucler les 7 persos plus les nouveaux scénarios de Fuse en 20h au total, ce qui n’est pas franchement dégueulasse. Je suis juste déçu qu’ils aient laissé la fin du scénario de Coon intacte : c’était injouable à l’époque, c’est toujours injouable dans cette version, quelle purge et quelle perte de temps. Points bonus pour les scénarios ajoutés, Fuse est un aspect vraiment rigolo du remaster, mais ce n’est pas ça qui change particulièrement la donne.

J’avais chanté les louanges des gens en charge des remasters de RS2 et 3 à l’époque, et force est de constater qu’ils sont vraiment les meilleurs sur ce type de jeu : ils ont parfaitement identifié les problèmes du jeu, réparé ce qui pouvait l’être dans les limites de leur budget, mettent bien en valeur les qualités uniques du jeu, donnent aux gens qui aimaient le jeu à l’époque exactement ce qu’ils voulaient sans rien retrancher de l’expérience, tout en rendant le jeu moins abrasif aux autres… En d’autres termes, c’est un remaster qui pense avant tout à ce dont le jeu a besoin pour être meilleur tout en restant lui-même, au lieu de penser à quels bullet points pourraient être plus faciles à régurgiter par le département marketing qui va devoir vendre le jeu ensuite comme la majorité des autres remasters SQEX (et pas qu’eux…). Bref, c’est un excellent remaster d’un mauvais jeu. Ça me rend d’autant plus intrigué par ce qu’ils vont faire à Frontier 2 (dont je n’ai aucune idée des défauts à part d’être sorti au mauvais moment et d’avoir un début incroyablement chiant, donc je n’ai jamais avancé), et surtout à Unlimited, dont les défauts sont criants, mais la façon de les résoudre en laissant les bons côtés du jeu beaucoup moins faciles à identifier.

À l’opposé du spectre, Megaten 3 est un remaster pourri d’un des meilleurs jeux qu’Atlus ait jamais fait. Je ne suis pas particulièrement gêné par le côté technique (les gens crachaient sur les samples super compressés de la bande son, mais ma foi, c’était comme ça à l’époque et ça ne m’a pas particulièrement dérangé), mais le reste est impressionnant de balec. Megaten 3 était un jeu difficile qui prenait plaisir à cracher à la gueule du joueur (c’est bien pour cela que Dark Souls est principalement connu comme « le Megaten 3 des action RPG », n’est-ce pas), donc je ne voulais pas que le remaster rendre le jeu plus facile, mais certains endroits particulièrement mal foutus n’ont pas été touchés alors qu’il aurait suffit d’un rien pour rendre l’expérience plus agréable. Par exemple, un mini-jeu exige de finir 20 niveaux d’un jeu de puzzle pour une magatama. Dans le jeu original, il fallait les finir d’un coup : impossible de quitter au milieu sous peine de devoir tout refaire depuis le début (alors que les niveaux sont assez longs et carrément retors). Vous pensez que le remaster allait permettre d’interrompre et de faire les jeux petit à petit, quand on a envie ? Même pas ! C’est toujours tout ou rien !

L’autre truc absolument incroyable en termes de design est le donjon bonus. Après avoir tué un certain boss, on gagne une clé, qui ouvre le premier niveau du donjon. En finissant ce niveau, on débloque l’apparition d’un autre boss dans le monde extérieur. Il faut alors revenir à pieds à l’extérieur, trouver le boss, prendre sa clé, revenir dans le donjon, le finir à nouveau, utiliser la clé pour débloquer le niveau 2… et là on découvre un raccourci pour revenir au début. Je répète : les raccourcis sont au début des niveaux, juste après la porte, pas à la fin des niveaux avant la porte ! À chaque fois il faut se retaper le donjon que l’on vient de finir à l’envers, trouver la clé, puis revenir à travers le donjon une troisième fois pour pouvoir accéder au niveau suivant ! Il aurait suffit de déplacer chaque raccourci avant leur porte, mais non, ça aurait demandé trop de boulot. Absurde.

Autre chose surprenante dans ce remaster : je trouve le doublage assez naze, ce qui est plutôt rare dans un jeu jap. Lucifer (enfin, la femme qui parle à sa place) est très bon, les 5 persos avec lesquels on interagit à travers le jeu sont OK sans être exceptionnels, et par contre la plupart des autres persos sont médiocres à nuls. Je ne vois pas l’intérêt de faire doubler les boss qui n’ont que deux phrases, surtout si c’est pour une performance aussi molle. Vraiment un cas où faire moins d’effort aurait rendu le jeu meilleur (ou, juste, utiliser ce budget pour embaucher un gars pour bouger la porte de ces putains de raccourcis).

Ces problèmes mis à part, le jeu reste pour moi le meilleur de toute la galaxie Megaten. L’univers est cool, la patte graphique inimitable, le système de combat indémodable… Bon, ça aide que je me souvenais de ce qu’il fallait faire (booster l’esquive contre le matador, aller chercher le Piśāca dans la première kalpa aussi tôt que possible pour ne pas avoir à penser aux sorts pour progresser sur la carte, investir dans les attaques physiques mais préparer une équipe de magiciens jetables dès qu’on arrive à Yoyogi contre le Girimekhala, chopper un singe pour le faire évoluer en Seitentaisei, les esprits élémentaires, etc).

Un truc qui m’a beaucoup arrêté : je me souviens que j’avais beaucoup aimé la présentation des 4 idéologies de base du jeu, et étonnamment, cet aspect n’a pas pris une ride, surtout l’idéologie ultra-individualiste que l’on peut recontextualiser telle quelle comme l’idéologie keyboard warrior/incel en 2021. L’idéologie de la liberté absolue (qui est dans le jeu une suite d’échecs par faute de réflexion de son porte-drapeau) reste un des aspects les plus intéressants de l’histoire, je trouve.
Par contre, ce qui m’a le plus donné matière à réflexion est l’idéologie purement fasciste. En jouant au jeu en 2021, c’est d’une clarté absolument limpide : c’est l’idéologie de la loi du plus fort, les faibles n’ont aucun droit, la force (ou plutôt les démonstrations de force) est équivalente à la plus haute vertu alors même que c’est l’idéologie qui se fait battre 2 fois au cours du jeu de façon humiliante, sans que les convaincus s’arrêtent pour remarquer la dissonance interne de leur propre idéologie… Bref, c’est des fafs. Et pourtant, je me souviens qu’à l’époque, c’était l’idéologie qui m’avait le plus plu. À l’époque, j’étais pas dans une situation particulièrement assurée, j’étais carrément un peu dans la mouise à tous les niveaux en fait, et en y réfléchissant maintenant, ça me fait enfin comprendre l’attraction que le fascisme peut avoir sur les gens en bas de l’échelle économique et sociale, la projection de soi dans une idée simple où on nie la réalité en se projetant comme étant « le plus fort » et tous les gens au-dessus de soi sont en fait des faibles usurpant sa place… Tous les cas récents de gens qui votent contre leurs propres intérêts (républicains aux USA, Brexit, Bolsonaro, etc) peuvent être reconnus dans le jeu.
Et alors, par contre, pas très bravo aux gens qui auraient dû me donner une éducation politique dans mes jeunes années pour que je n’aie pas compris ça y’a 20 ans, parce que vraiment, le jeu est tout sauf subtil : c’est des fafs, c’est des connards et des hypocrites, ils racontent n’importe quoi. Heureusement que je m’étais contenté de jouer à ma PS2 dans ma chambre pourrie au lieu de sortir dans le monde réel, tiens.

Troisième remaster : Legend of Mana. Le jeu est passé au filtre HD (en laissant les sprites en SD ce qui donne un rendu absolument dégueulasse) mais laisse intacts les nombreux problèmes du jeu.

Et franchement, je peux pas dire que pour le coup je leur jette la pierre : LoM est un jeu avec beaucoup de qualités, musique superbe, ambiance de livre de contes, narration éclatée totalement unique (qui peut plaire ou déplaire, mais comme les histoires racontées sont absolument charmantes, pour moi, c’est un plus)… et combats chiants comme la pluie.

Le jeu a aussi de nombreux systèmes de craft extrêmement complexes et nécessitant une soluce, mais les combats étant linéaires, mous, inintéressants et statiques (avec en plus du backtracking quasi-permanent!), il n’y a pas grand intérêt à s’y lancer à part à pour l’intérêt diégétique. Du coup, peut-être que le choix des développeurs d’ajouter un mode ultra-facile qui désactive carrément les combats est la meilleure façon de régler le dilemme : c’est un peu jeter le bébé avec l’eau du bain, mais quand le bébé est aussi difforme, parfois, c’est peut-être pour le mieux ? Je suis tenté de dire que jouer sans combats est la meilleure façon d’apprécier tout ce que le jeu a à offrir, malgré ce que ça implique. Je n’ai pas assez progressé pour savoir si le mode baisse les HP des derniers boss qui en avaient 10 fois trop vu à quel point ils étaient peu intéressants à combattre… bah, on verra.

En plus de ce mode, ils ont aussi rappelé Shimomura pour réorchestrer la musique, et vu que c’est sans doute ma BO préférée parmi toute sa discographie, je suis aux anges. Elle ne s’est pas moqué du monde. Et ils ont même rajouté la Pocket Station dans le jeu !

Bref, à part le (gros) problème de résolution disparate entre les sprites et les décors, ils s’en sont plutôt bien sorti pour un jeu aussi bancal. GJ SQEX !

Entre ça, j’ai joué à deux petits Zelda-like.

Bon, sans surprise, c’est adorable. Juste la longueur qu’il faut (moins de 10h), assez intéressant dans l’approche du problème « un zelda sans combat, comment faire », très cohérent sur son thème même si évidemment on aime ou pas. La musique est étonnamment bien (c’est la meuf de Céleste je crois ? Je sais pas si c’est à cause de LoM, mais ça m’a beaucoup rappelé Shimomura).

Petite note : même si le jeu a l’air très enfantin, je déconseille aux parents d’enfants plus jeunes. Les boss (car il y a des boss) ont tout ce qu’il faut pour traumatiser un gamin (à base d’ombres terrifiantes désincarnées, pleines d’yeux, de griffes et de crocs). Ils peuvent aussi être un peu retors (il faut gérer le personnage avec le stick gauche tout en visant avec le stick droit comme si on jouait un twin shooter, alors que le reste du jeu est super chill). L’histoire est tout à fait sympathique-Pixar, douter de ses propres capacités, believe in yourself, tout ça. Peut-être que le parent peut prendre la manette quand on arrive à un boss et passer ça pendant que le gamin regarde en se cachant les yeux ?

Enfin bref, ceci mis à part, c’est mignon. Mais pas plus. Je sais pas pourquoi, j’en attendais davantage…

À côté, ça, c’était exactement ce à quoi je m’attendais :

Un mini-zelda (bouclé en moins de 2h, ça fait cher la blague même en solde… mais en même temps je vais pas retourner au cinéma de si tôt donc c’est équivalent) qui se termine avant que la blagounette soit frelatée. Pas grand-chose d’autre à en dire à part que ça fait le job. SensibleChuckle.gif.

1 « J'aime »