Les remixes qui ont marqué Barbo, numéro 1/20
KILLING JOKE - MILLENIUM (BACK TO ORION MIX)
Ce remix a plus que jalonné mon parcours musical : il en a été l’une des pierres angulaires.
Lorsque j’ai commencé à écouter de la musique sérieusement, soit vers mes 14-15 ans, ma connaissance de la musique électronique était inexistante et se limitait essentiellement à l’euro dance abominable de la période Dance Machine, qui a été, très sérieusement, une étape majeure de la perte de mon innocence. Je croyais que tout ce qui était électronique se bornait à des synthés surexpressifs et du boum-boum plus abrutissant tu meurs, et j’étais sidéré que des gens puissent trouver ça supportable et prendre du plaisir à écouter un machin de ce calibre.
C’est avec ce remix que j’ai découvert que la musique électronique pouvait être subtile, porteuse d’atmosphéres intriguantes et de motifs obsédants. Pourtant, avec le recul, retravailler un chef d’oeuvre tel que Millenium, formidable morceau de Killing Joke tiré de leur neuvième album Pandemonium, sorti en 1994, pouvait s’avérer périlleux.
Néanmoins, la période s’y prêtait pleinement : les années 90 assistèrent au triomphe du CD, qui permettait plus aisément encore la diversité de formats déjà entrevue avec le vinyle et la cassette audio : album, single (je trouve d’ailleurs très dommage que le mini-CD n’ait pas été le standard pour les sorties 2 titres : au moins aussi esthétique, plus facile à manipuler, un peu plus écolo puisque moins de matière première, et sans doute un peu moins cher) et dans le cas qui nous intéresse, maxi-single.
Killing Joke fut d’ailleurs un témoin majeur de cette époque, pourvoyeur de nombreux maxis blindés de remixes plus ou moins pertinents de leurs morceaux. Avec Pandemonium, le groupe plongeait la tête la première (mais à sa manière) dans le metal industriel, que Ministry et Nine Inch Nails avaient fraîchement révélé au grand public, en héritiers des terrains défrichés dans les années 80 par la bande à Jaz Coleman dans un registre post-punk, aux côtés des Swans, de Fall Of Because (futur Godflesh) ou encore des Young Gods (dont j’espère reparler un jour si des efforts improbables me motivent à continuer cette série).
Certains des remixes en question étaient signés ou co-signés Martin Glover alias Youth, bassiste originel du groupe qui avait quitté celui-ci en 1982 puis est devenu plus tard un producteur de haut rang, travaillant entre autres avec Depeche Mode, U2 ou encore The Verve. J’ai d’ailleurs longtemps cru que c’était le cas de ce « Back to Orion Mix » avant de découvrir que ce n’est rien moins que Ben Watkins alias Juno Reactor, pionnier de la trance avec son album « Transmissions » en 1993, dix ans avant d’assister Don Davis sur les frénétiques Mona Lisa Overdrive et Burly Brawl pour la B.O. de Matrix Reloaded, qui s’en était chargé. Cela n’a rien d’un hasard puisque Watkins avait déjà collaboré avec Youth peu après que ce dernier se soit séparé de Killing Joke, d’abord sur une B.O. de film (oui, là aussi, déjà) puis au sein de Brilliant, groupe pop à l’existence brève auquel participa aussi Jimmy Cauty, future moitié de The KLF.
Et donc, 29 ans plus tard, ce remix se porte comme un charme. Il prend certes pas mal de libertés avec l’original, entre autres par son caractère entièrement instrumental, mais n’oublie pas qu’il est un remix : la tonalité de mi est conservée, le riff principal imparable du morceau est intelligemment travesti pour l’adapter aux 135 à 140 BPM dont la trance est si friande, le pré-refrain est rehaussé de trois tons. Le lien avec l’original est donc maintenu et permet à Watkins d’évoluer à son aise, alternant mélodies accessibles et moments plus tortueux. Une belle réussite, bien plus inspirée à mes yeux que les autres remixes du morceau pondus pour l’occasion.
(je ne promets pas de blablater autant pour les 19 remixes restants, si je parviens à gribouiller quelques lignes pour chacun d’entre eux, ce sera déjà très bien)