J’ignore si @Kanu était toujours motivé pour tout parcourir (ou s’il l’a déjà fait), mais à titre de souvenir du défunt topic homonyme, et consécutivement à la générosité du support technique, revoici mon top 73 metal de 2020.
N°73 à 71
- CATATONIC PROFANATION - Contaminated omniscience
(15/10/2020 - Autoproduction)
Anthony Leasgang semble entièrement dévoué à la cause du brutal death. Passé par quelques figures confidentielles du sous-genre, cet Américain a monté Catatonic Profanation, projet quasi-solo dont il assure la co-écriture, l’interprétation de tous les instruments et la production. Avec ce deuxième album, il confirme son attachement viscéral à la double grosse caisse forcenée, aux guitares épaisses et aux confluents vocaux du rot et du dégueulis (avec en prime quelques cris de cochon pour cocher toutes les cases). L’ensemble est globalement téléphoné mais s’en tire avec quelques honneurs, d’une part via la production qui reste à sa place et ne s’autorise aucun excès, d’autre part via l’inclusion judicieuse de quelques guitares aériennes qui donnent l’impression que le psychédélisme peut s’inviter absolument n’importe où. Si Leasgang a l’intelligence de creuser à l’avenir ce deuxième point, Catatonic Profanation pourra peut-être devenir une figure vraiment intéressante du brutal death, et pas simplement un artisan compétent.
Catatonic Profanation - Contaminated Omniscience [Official Album Stream](2020) - YouTube
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FLOOD OF MUTINY - Declamation
(13/10/2020 - Autoproduction)
Flood Of Mutiny nous vient d’Inde et livre cette année son premier album. Manifestement très marqué par les années 90, le groupe emprunte ainsi au groove metal (le morceau d’ouverture repompe largement ‹ Welcome to Planet Motherfucker › de White Zombie) et au death metal avec une approche très majoritairement mid-tempo. Le résultat n’invente strictement rien, se voit parasité par moments par les vocaux (façon Pestilence période ‹ Consuming impulse ›) qui auraient mérité d’être un peu plus fondus dans le mixage, et ne garnira probablement pas d’autres tops metal au-delà du mien. Mais il est fort bien mis en valeur par le rendu très naturel du son (ce n’est probablement pas par hasard si la jaquette de l’album utilise une photo tirée d’un concert du groupe), et a l’intelligence de ne pas s’éterniser (31 minutes). Flood Of Mutiny s’en sort donc honorablement, mais doit développer à l’avenir davantage de personnalité pour espérer se distinguer véritablement de la masse.
Darkness Spills (Official Video) - YouTube
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ECCLESIA - De ecclesiae universalis
(13/11/2020 - Aural Music)
Ayant échoué à dénicher un album de power metal trouvant grâce à mes oreilles cette année, je suis néanmoins tombé sur un groupe français qui a partiellement compensé cette absence. Ecclesia pratique un doom hérité de Candlemass ou Solitude Aeternus, avec un souffle épique ouvertement assumé, et même décuplé par une production très ample qui le distingue de ses inspirateurs, et le rapproche spirituellement du power metal. Le premier véritable morceau de ‘De ecclesiae universalis’ laisse d’ailleurs croire à un disque de heavy/power classique avant que les tempi ne ralentissent et révèlent la véritable nature du sextet, que certains ont qualifiée de ‘power doom’. On regrettera malgré tout quelques riffs assez conventionnels, mais pas au point de gâcher le potentiel évident d’Ecclesia, qui avec ce premier long-format porte en lui la possibilité d’un renouvellement de l’Epicus Doomicus Metallicus. Continuez, Messieurs.
Ecclesia - Behold the Heretic Burning - YouTube
N°70 à 61
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SIX FEET UNDER - Nightmares of the decomposed
(02/10/2020 - Metal Blade Records)
Descendu en flammes par une partie de la critique et la majorité des metalleux qui lui ont prêté l’oreille, ce dix-septième album des Américains pourrait accéder à la postérité par le biais du motif principal de son rejet : la voix de Chris Barnes, qui évolue tour à tour entre le Saint-Bernard terrassé par le poids des ans (quand elle se mêle aux instruments), le papier abrasif usagé (quand elle émerge en solo par intermittences) et la vioque acariâtre dont l’agonie inculquerait le relativisme à une souche de platane centenaire cramée par la foudre (quand elle ose des gargouillis suraigus à pisser de rire par hectolitres). Néanmoins, le sens du riff de Jack Owen, embarqué dans le groupe depuis trois ans et passé par Cannibal Corpse à l’instar de Barnes, parvient globalement à sauver les meubles et maintenir Six Feet Under au rang de sympathique groupe de death metal à l’ancienne de seconde zone, ce qui relève presque de l’exploit herculéen considérant le handicap initial. ‹ Nightmares of the decomposed › est clairement l’album nanar de cette année, et probablement au-delà, dans le sens affectueux du terme.
Six Feet Under - Amputator (LYRIC VIDEO) - YouTube
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IMPERIAL TRIUMPHANT - Alphaville
(31/07/2020 - Century Media Records)
Énorme sensation cette année chez de nombreux observateurs, Imperial Triumphant a nettement gagné en visibilité grâce à sa signature chez Century Media, de laquelle est issu ce quatrième album. Sans doute était-ce nécessaire pour mettre au premier plan une musique aussi viscéralement radicale, technique et avant-gardiste que celle pratiquée par le trio, sorte de death/black atonal déstructuré, chaotique et inhospitalier au possible. ‘Alphaville’ (clin d’oeil au film du même nom de Jean-Luc Godard) se subit bien plus qu’il ne s’assimile, tant ses dissonances, ses rythmiques changeantes et ses architectures dénuées d’itérations se veulent en phase avec le cadre dystopique qu’il dépeint. L’ensemble fascine et montre, pour qui osera s’y frotter, une maîtrise technique impressionnante de la part des Américains, néanmoins je pense qu’il y a eu bien plus intéressant dans le même esprit cette année. J’y reviendrai.
IMPERIAL TRIUMPHANT - Rotted Futures (OFFICIAL VIDEO) - YouTube
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THE FUNERAL ORCHESTRA - Negative evocation rites
(01/06/2020 - Ablaze Productions)
Bien que The Funeral Orchestra donne de ses nouvelles de temps à autres via des singles, EPs et autres splits, son deuxième véritable long-format débarque dix-sept ans après le premier. C’est donc la discrétion qui prévaut pour ce trio, auquel un peu de reconnaissance ne serait pourtant pas usurpée. Comme l’indique son nom, c’est sur les terres du funeral doom que le groupe a installé ses quartiers, dont il n’embrasse cependant pas les contours dépressifs : la musique pratiquée par les Suédois est avant tout lourde et sombre, parfois tribale, scrutant même quelque paysage industriel avec sa poignée d’accords dissonants. Le seul bémol que l’on pourrait signaler porte sur la production, qui manque d’un léger mordant pour donner à ‘Negative evocation rites’ ce caractère marquant qu’il approche pourtant de près. Espérons donc que The Funeral Orchestra donnera de ces nouvelles un peu plus souvent désormais, car si sa musique reste imparfaite, ce qui s’en dégage ne manque pas d’intérêt.
Negative Evocations - YouTube
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KADAVERFICKER - Kaos nekros kosmos
(06/08/2020 - Rotten Roll Rex / Supreme Chaos Records)
Si Kadaverficker peut s’enorgueillir d’une carrière bien remplie, cela tient avant tout aux innombrables splits sur lesquels il a posé sa patte, car avec ‘Kaos nekros kosmos’, le groupe ne signe que son quatrième album en vingt-cinq ans d’ancienneté. Embrassant le metal extrême au sens large, les Allemands sont majoritairement dévoués au death, mais lorgnent également du côté du black, du grind, du crust et parfois même du thrash. La brièveté des morceaux trahit une approche directe, frontale et peu subtile, pondérée toutefois par un certain sens de la légèreté qui contrebalance la thématique macabre définissant ce quatuor. Bien plus animé par le potache que par le sordide, Kadaverficker affiche une efficacité certaine, résultat vraisemblable de sa longue expérience. Si l’on évitera de s’envoyer cet opus à fortes doses, le plaisir coupable qu’il peut constituer ne se refusera certainement pas de temps à autres.
KADAVERFICKER - Adrenochrome Orgy (Official Video) - YouTube
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CZAR - Gore en regalia
(04/09/2020 - Cracknation Records)
Czar est un trio qui compte dans ses effectifs deux anciens membres des très mésestimés Acumen Nation, ce qui est déjà une source de curiosité suffisante pour s’y intéresser de près. Néanmoins, on passe clairement à autre chose dans le cas présent : la musique pratiquée ici s’éloigne du metal industriel de leur ancien groupe car adoptant une approche plus organique et technique, mêlant une énergie brute entre sludge et metal alternatif, à des structures prog voire math/rock au vu de la complexité de certaines rythmiques. Ce troisième album semble d’ailleurs renforcer le deuxième point, signe que ces Américains n’en font qu’à leur tête et n’entendent pas édulcorer leur manière de faire pour ratisser plus large. ‘Gore en regalia’ est un album tout à fait intéressant, riche en mélodies inspirées (ce qui ne surprendra pas ceux qui ont suivi le parcours d’Acumen Nation avec attention), mais que seules les oreilles les plus tenaces sauront apprécier à sa juste valeur.
https://czarchicago.bandcamp.com/album/gore-en-regalia
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DOPELORD - Sign of the devil
(10/03/2020 - Green Plague Records)
Trois ans après le remarquable ‘Children of the haze’, Dopelord revient avec un quatrième album tiraillé entre conservatisme et versatilité. Les Polonais semblent avoir atteint une étape charnière de leur parcours, sans en être nécessairement conscients : leur envie d’injecter du sang neuf dans leur musique est à la fois palpable et freinée par une certaine peur de l’inconnu. En conséquence, ‘Sign of the evil’ s’apparente à un album de transition, au sein duquel se succèdent des passages très voire trop classiques (‘The witching hour bell’), de beaux morceaux de bravoure (‘Doom bastards’), et des expérimentations parfois quelconques (le final de ‘Hail satan’), parfois très réussies (le hardcore furibard de ‘Headless decapitator’). Le résultat est au final plutôt digne d’intérêt, mais ne peut prétendre à l’impact et à la cohésion de son prédécesseur (sans compter l’effet de surprise pour qui avait, comme moi, découvert le groupe avec ce dernier). Rendez-vous est pris pour le prochain opus, afin de vérifier si le groupe usera davantage des portes de sortie que cet album a le mérite d’avoir bâties.
World Beneath Us - YouTube
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DKHARMAKHAOZ - Proclamation ov the black suns
(31/07/2020 - Iron Bonehead Production)
En provenance du Belarus, Dkharmakhaoz est un duo qui, sur son premier album, forge un black metal assez singulier pour une entité aussi jeune. Partisan d’une certaine efficacité, le groupe s’attelle néanmoins à bâtir des fondations épaisses pour sa musique, issues du djent, ce qui est peu courant pour le genre et donne même l’impression initiale d’avoir affaire à du black metal industriel, ce que les climats très sombres dessinés par cette approche ne démentent pas. Dkharmakhaoz ne chasse pourtant pas sur les terres d’Aborym ou de Spektr, ayant simplement (si l’on peut dire) fait le choix d’une modernisation de leur genre fétiche à leur manière. Et si le duo n’a pas encore démontré sur ce ‘Proclamation ov the black suns’ une véritable propension à l’écriture de morceaux capables de s’imprimer dans l’esprit, les perspectives qu’il ouvre rendent malgré tout le résultat intriguant, source potentielle d’inspiration pour un genre avide de renouvellement perpétuel.
Dkharmakhaoz - The Way With The Serpent Entwined - YouTube
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SUBTERRAEN - Rotten human kingdom
(20/11/2020 - Transcending Obscurity Records)
Subterraen avait retenu mon attention dès la sortie début 2020 du sampler de leur label, où non content de se rendre coupable du plus long des cinquante-deux morceaux qui le composent (quatorze minutes et trente secondes), affichait explicitement ses intentions : malaxer les conduits auditifs des récepteurs avec un sludge-doom pesant au possible. Dix mois plus tard, les Nantais confirment avec ce premier album qu’ils n’ont guère dévié de leur trajectoire, fermement décidés à refléter les travers de ce monde via trois immenses pièces (dont celle du sampler) et un intermède de deux minutes. Noirceur, lourdeur et douleur sont les maîtres mots de ‘Rotten human kingdom’, qui dresse un constat à l’image de son nom : la désolation régnera, l’espoir sera réduit à néant, et la déliquescence fera figure de dernière étape avant la fin absolue. Une prédiction un poil trop monolithique dans sa forme, mais reconnaissons que cela cadre bien avec une telle ambiance.
SUBTERRAEN (France) - For a Fistful of Silver (Blackened Sludge/Doom Metal) Transcending Obscurity - YouTube
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CHRONUS - Idols
(24/04/2020 - Listenable Records)
Découvert pour ma part sur le sampler 2020 de Listenable Records, Chronus nous vient de Suède et pratique un metal entre heavy et stoner, plutôt convaincant. Sur ce deuxième album, le quatuor bénéficie d’une solide production (peut-être un poil trop propre d’ailleurs) qui permet à son talent de s’exprimer au mieux, ce dont il essaye de profiter autant que possible. Entre mélodies élaborées, rythmiques frénétiques et vocaux enjoués, le groupe a de l’énergie à revendre et cherche, pour l’essentiel, à la déverser de façon efficace et fédératrice. Ça ne marche pas à tous les coups et les tentatives de variation relèvent parfois plus de la baisse de rythme que de la richesse de propositions, mais il y a suffisamment de satisfactions à tirer de ce ‘Idols’ pour y trouver son compte, d’autant plus qu’avec trente-cinq minutes, il n’est pas demandé de s’y éterniser. Pas de grande nouveauté donc, mais un enthousiasme communicatif, preuve d’une volonté de bien faire et donc d’un potentiel qui ne demande qu’à être exploré davantage.
CHRONUS - Mountains Of Madness Official Video - YouTube
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SHATTERED HOPE - Vespers
(06/11/2020 - Solitude Productions)
Shattered Hope avait déjà attiré mon attention en 2014 avec son deuxième album ‘Waters of lethe’, dont le death doom aux relents funéraires, sans me marquer au fer rouge, avait tout de même montré suffisamment de qualités pour tenir le coup durant six morceaux et soixante-dix-neuf minutes, ce qui n’était pas un mince exploit. Pour cette troisième livraison, les Grecs se sont montrés un peu moins casse-cous en se contentant (?) de cinq titres pour une durée totale de soixante-trois minutes, et ont profité de ces six années pour changer légèrement de braquet. Comme le laisserait supposer un regard sur les pochettes des deux albums côte-à-côte, ‘Vespers’ est légèrement moins hostile et accentue davantage, mais sans excès, la facette mélancolique du quintette. L’ensemble reste soutenu par des riffs et passages atmosphériques à l’avenant, et constitue ainsi pour votre serviteur une honnête compensation à sa recherche infructueuse d’un disque de death doom pur millésime 2020 prompt à le satisfaire.
In Cold Blood - YouTube
N°60 à 51
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BENEDICTION - Scriptures
(16/10/2020 - Nuclear Blast)
Cela faisait déjà douze ans que Benediction ne s’était plus fendu d’un album studio. Ces vétérans du death metal, qui ont contribué à faire de 1991 et 1993 deux des plus grandes années du genre pour nombre d’observateurs (avec respectivement, ‘The grand leveller’ et ‘Transcend the rubicon’), n’ont toujours pas dit leur dernier mot. Celui-ci aura certes un goût très familier : les Anglais ne dévient absolument pas de ce qui les définit depuis trente ans, à savoir un death metal classique dénué de toute fioriture, qu’elle soit d’ordre technique ou atmosphérique. Mais le quintette, fort de son passif, exécute son art avec la conviction et le mordant nécessaires pour balayer toute suspicion d’opportunisme. La sincérité affichée sur ‘Scriptures’ est incontestable et emporte l’adhésion, portée par une production dosée comme il faut. Ce huitième album de Benediction n’atteindra pas l’aura de ses prédécesseurs les plus illustres, mais il assure au groupe le maintien de sa respectabilité.
BENEDICTION - Rabid Carnality (OFFICIAL MUSIC VIDEO) - YouTube
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SKARZ - What remains
(21/04/2020 - Satanath Records)
À l’écoute de ce tout premier album, l’évidence saute inévitablement aux oreilles : Skarz admire, vénère, déifie Chuck Schuldiner. Le duo grec pourrait être considéré comme étant à Death ce que leurs compatriotes de Suicidal Angels sont à Slayer : des descendants directs, trop respectueux de leurs aînés pour ne pas être affublés du statut d’épigones, mais suffisamment compréhensifs et assimilateurs de leurs qualités pour les restituer adroitement. Ainsi en est-il de ce ‘What remains’, brûlot de trente-cinq minutes qui revisite la première moitié du parcours de leur géniteurs (jusqu’à ‘Human’, grosso modo), avec une nuance toutefois : les deux membres de Skarz ont, en amont de ce projet, traîné leurs guêtres dans de discrets mais multiples groupes de la scène grecque. On comprendra donc que des riffs tronçonnés jusqu’aux vocaux donnant l’illusion d’un Schuldiner ressuscité en passant par la production abrasive, ‘What remains’ est un hommage plus que convenable.
Skarz - Family Obligation - YouTube
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PESTIFER - Expanding oblivion
(13/03/2020 - Xenokorp)
Le death technique actuel a généralement tendance à me plonger dans des tréfonds d’ennui, tant il s’est englué selon moi dans la démonstrativité clinique et parfois inutilement surproduite, même quand il s’agit de groupes acclamés par les critiques. Merci donc à ces Belges d’être venus remettre les choses à plat avec ce troisième album : d’une part, ils alternent des riffs hautement complexes avec d’autres plus directs et efficaces, se payant même le luxe de mêler les deux par moments. D’autre part, ils s’autorisent quelques escapades plus atmosphériques qui nuancent et enrichissent leur propos. Enfin ils s’en tiennent à une production dénuée d’artifices, qui ne prend jamais l’ascendant sur la musique, et aurait même probablement pu se permettre une plus grande présence. Si tout dans ce troisième album n’est pas parfait, Pestifer apporte un réel vent de fraîcheur sur un sous-genre qui devrait parfois oublier que dextérité rime avec stérilité.
PESTIFER "Ominous Wanderers" - YouTube
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SODOM - Genesis XIX
(27/11/2020 - Steamhammer)
Pour ce seizième album, l’un des Big Four of Teutonic Thrash a choisi de mettre le modernisme sonore de côté au profit d’une production nettement plus brute, en phase avec le retour aux sources qu’il a décidé d’opérer. Grand bien lui en a pris : loin de la production clinique de leurs aminches de Kreator, Sodom signe un opus naturel, qui désarçonnera peut-être les approbateurs de leurs dernières fournées, mais où c’est la musique qui prime, sans parasitage par un ingénieur du son excessivement zélé. On peut bien sûr convenir qu’avec cinquante-quatre minutes au compteur, ‘Genesis XIX’ manque de concision pour un disque de thrash, d’autant plus que les morceaux les plus longs ne témoignent pas d’influences progressives. Pourtant, bien que laissant un peu dubitatif à la première écoute, l’ensemble se tient à l’usage, soutenu par de bons riffs et un nouveau batteur (Toni Merkel) dont la dextérité laisse admiratif. En attendant de voir si la suite sera plus ancrée dans son époque, Sodom aborde cette nouvelle décennie avec une certaine assurance.
SODOM "Indoctrination" (Official Lyric Video) - YouTube
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DRAGUNOV - Arkhipov
(31/01/2020 - Autoproduction)
Dragunov est un groupe parisien, composé d’un guitariste et d’un batteur, qui tous deux s’abstiennent d’user de leurs voix. Cette configuration minimaliste n’empêche le duo ni de croire en son projet (ils en sont à leur troisième disque) ni de montrer une certaine ambition artistique : le post-metal qu’ils pratiquent aime prendre ses aises avec des morceaux dépassant fréquemment les six minutes, et affiche une réelle personnalité, au-delà de la thématique soviétique commune à toutes leurs sorties. Teintée de samples trahissant des influences industrielles, la musique de Dragunov prend appui sur des riffs simples mais menaçants, assénés en symbiose avec une batterie omniprésente. Durant près de trois quarts d’heure, le duo joue avec ses tripes, à l’instinct, et fait montre d’une détermination sans faille. ‘Arkhipov’ est certainement l’une des sorties post-metal les plus solides et incisives de 2020, sur laquelle tout amateur du genre devrait se pencher sans hésitation.
DRAGUNOV - Kolesnikov's Letter (Official Audio) - YouTube
- KHOST - Buried steel
(13/03/2020 - Cold Spring Records)
Khost fut l’un des principaux émergents de la scène doom industrielle des années 2010, ce qui n’est pas forcément surprenant quand on sait que l’un des deux membres de cette entité est Damian Bennett, vétéran de la scène indus metal passé par Deathless, à qui l’on doit un très bon premier album sorti en 1992. Moins organique que ce dernier, Khost est en revanche (ou par corollaire, c’est selon) plus sinistre et glauque. Sa musique exceptionnellement glaçante plonge quiconque s’y aventure dans le pessimisme le plus profond, comme si l’on se retrouvait enfermé de nuit dans un internat où le temps ne s’écoule pas, sans autre lumière qu’un clair de lune assombri par les nuages. Et si ce cinquième opus n’est pas aussi marquant que ‘Governance’, son excellent prédécesseur sorti trois ans auparavant, la faute notamment à quelques cassures de rythme malvenues, les Anglais restent néanmoins en pleine possession de leurs capacités vitrificatrices. Si vous cédez à la tentation, priez pour votre salut.
We Will Win - YouTube
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SKJULT - Lucifer hominum salvator
(17/03/2020 - Satanath Records)
Projet solo d’un dénommé Conspirator, Skjult se montrait déjà convaincant sur son album précédent, ‘Progenies ov light’, bon représentant d’un black metal à l’ancienne direct et menaçant. Sur ce troisième opus, le Cubain, qui en écrit, interprète, arrange et produit l’intégralité, semble avoir disposé de davantage de moyens, optant dès lors pour un rendu sonore plus clinique et léché. Ce choix a les avantages de ses défauts (ou inversement), puisque le résultat final est plus percutant que ‘Progenies ov light’, mais perd un peu de son atmosphère évocatrice. C’est donc sur les riffs que ‘Lucifer hominum salvator’ doit compter pour remporter l’adhésion, un point sur lequel Conspirator se contente au global de maintenir l’approche simple mais judicieusement mise en place de son prédécesseur, ce qui suffit à faire défiler rapidement et plaisamment ses 47 minutes. Skjult confirme ainsi que Cuba est une escale crédible pour les metalleux curieux et défricheurs.
Skjult - The Sight - YouTube
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VVILDERNESS - Dark waters
(10/01/2020 - Vvilderness Records)
Le Hongrois Vvildr est un parfait exemple de couteau suisse humain, celui qui assomme le quidam lambda de complexes d’infériorité qui lui font demander ce qu’il a fait de sa vie. Son projet post-black Vvilderness en est le plus implacable témoin, puisqu’il en est le compositeur, l’interprète, le producteur et même le talentueux illustrateur. Et ce deuxième album est la preuve qu’il ne montre pas de réelle faille sur l’un ou l’autre de ces aspects. Seulement accompagné par une chanteuse pour le titre d’ouverture, Vvildr étale pendant près de quarante minutes sa polyvalence, mêlant à la facette post-rock de sa musique des influences folk bienvenues. ‘Dark waters’ est assez codifié mais n’a pas grande difficulté à transporter, autant vers les paysages tourmentés dessinés par ses passages extrêmes, que vers les terres apaisées promises par ses moments plus atmosphériques. Sans vraiment tutoyer les sommets du post-black metal, il s’érige en digne représentant de ce courant.
Vvilderness - Danu's Tears (Full Single) - YouTube
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REALIZE - Machine violence
(25/09/2020 - Relapse Records)
Après une première démo en 2017, ce trio américain franchit cette année le cap du premier album, au titre on ne peut plus approprié. Boîte à rythmes assommante, basse annonciatrice de supplices, filtre vocal crispant et mur de guitares que même la pire des tornades laisserait indifférent : Realize signe avec ‹ Machine violence › un manifeste compact, haineux et ultra-dense à la gloire du metal industriel à l’ancienne, comme si le groupe déconstruisait dans une acception moins immédiate, mais plus ambitieuse, l’album ‹ Dorsale › de Pore, l’un des premiers descendants directs de Godflesh. Justin Broadrick et G.C. Green peuvent dormir sur leurs deux oreilles : à une conclusion acoustique près, les trente-trois minutes de ‹ Machine violence › montrent que leur héritage a toutes les chances de leur survivre. Je ne serais toutefois pas contre une plus grande variété dans la composition à l’avenir.
REALIZE - Disappear (Official Music Video) - YouTube
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DEFTONES - Ohms
(25/09/2020 - Reprise Records)
Dix ans après ‘Diamond eyes’, vingt ans après ‘White pony’ et un quart de siècle après ‘Adrenalin’ ; qu’importe les anniversaires concomitants à sa sortie, le neuvième album des Deftones porte encore et toujours la même obsession compulsive des Californiens : exister, se mouvoir, évoluer dans leur propre monde. Éternellement tiraillé entre furie libératrice et escapades éthérées, le quintette ne cesse de cultiver son art du compromis, jouant soit de l’alternance soit de la cohabitation entre les deux grandes facettes de sa personnalité. ‘Ohms’ est une nouvelle incarnation de cette diplomatie musicale, et si l’on pointera sévèrement du doigt le simplisme de certains riffs, réminiscences peu discrètes d’une sphère neo-metal dont ils n’ont presque toujours été que satellitaires, le groupe a toujours en réserve ce qu’il faut de mélodies sophistiquées et d’atmosphères évasives pour préserver sa pertinence et son unicité. Certes faut-il plus d’une écoute de l’album pour s’en convaincre pleinement, mais n’est-ce pas une marotte quasi-systématique chez les Deftones ?
Deftones - Genesis [Official Music Video] - YouTube
N°50 à 41
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ANNIHILATOR - Ballistic, sadistic
(24/01/2020 - Silver Lining Music)
Jeff Waters se porte plutôt bien depuis quelques années, ce qui, il est vrai, est fortement recommandé quand on écrit, produit et mixe soi-même un album, sans oublier de s’occuper tout seul en studio du chant, de la basse et de toutes les guitares (seule la batterie, tenue par le très compétent Fabio Alessandrini, échappe à son contrôle intégral). Déjà en bonne possession de ses moyens sur le très satisfaisant ‹ For the demented ›, le leader d’Annihilator signe avec ‹ Ballistic, sadistic › un dix-septième album nanti d’une agressivité dont la quasi-constance et le degré avaient jusqu’ici rarement atteint un tel niveau. Mais loin de fatiguer l’oreille, ce déchaînement, tempéré juste comme il faut par le très bon boulot de production de Waters, n’a aucun mal à convaincre, sauf peut-être si l’on compte parmi les spécialistes de la discographie d’Annihilator (ce qui n’est pas mon cas), ces derniers ayant détecté quelques cas d’auto-plagiat plutôt gratinés. Cet impair mis de côté, les riffs du Canadien naviguent avec aisance dans cet océan sonore au sein duquel s’immerger reste un plaisir indéniable.
ANNIHILATOR - Armed To The Teeth (Official Video) - YouTube
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WARFECT - Spectre of devastation
(13/11/2020 - Napalm Records)
La Suède est beaucoup plus réputée pour sa scène death que pour sa scène thrash, aussi quand un trio digne d’intérêt se manifeste dans cette dernière, cela mérite d’être mis en lumière, a fortiori quand les gus en sont déjà à leur quatrième album. Warfect s’inscrit dans une lignée moderne, mais contrairement à bien d’autres, en évite les principaux pièges. Adepte d’une production épaisse comme une enceinte de centrale nucléaire, mettant l’accent sur les graves, le groupe en tire un thrash testostéroneux, caractère redoublé par la voix de Fredrik Wester qui évolue dans des registres plus gutturaux que la moyenne du genre. Ce qui pourrait paraître caricatural à première vue est pourtant très maîtrisé, et fait étalage d’une efficacité difficile à mettre en défaut. Warfect a largement mérité sa signature chez Napalm Records pour la sortie de ce ‘Spectre of devastation’, et s’affiche comme un groupe à suivre absolument pour tout amateur de thrash.
WARFECT - Into The Fray (Official Lyric Video) | Napalm Records - YouTube
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TYRANNO - March of death
(31/08/2020 - Helldprod Records)
Originaires de Rio de Janeiro, Tyranno pratique un black metal mâtiné de thrash et d’une pincée de death, avec des influences qui couvrent majoritairement la période d’émergence des différents sous-genres. Le trio pousse d’ailleurs ce référencement temporel jusque dans la production, frugale sans pour autant céder à l’indigence. Ne reste plus aux Brésiliens qu’à démontrer leur compétence, ce qu’ils réussissent avec une relative aisance sur ce deuxième album, fourmillant de riffs efficaces et menaçants. Les quarante minutes de ‘March of death’ défilent à toute vitesse et ne font quasiment pas de quartier, ne s’autorisant des pas de côté qu’à titre très exceptionnel, comme un piano dissonant ou une signature de riff en bend. L’avenir nous dira si ces touches marginales de légèreté sont l’affirmation d’un groupe prêt à s’aventurer un peu plus en dehors des terrains ultra-balisés qu’il parcourt ici, et qu’il semble déjà connaître sur le bout des doigts.
TYRANNO - March Of Death / Anger (2020) - YouTube
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HYPERION - Into the maelstrom
(21/04/2020 - Fighter Records)
Ce groupe italien a signé en 2020 son deuxième album, et témoigne sans réserve de sa dévotion au heavy metal traditionnel. Mais contrairement à ce que laisse supposer le rendu visuel de sa jaquette, ‘Hyperion’ n’adopte pas une posture passéiste. Le quintette n’a certes pas l’ambition de tracer de nouvelles voies pour son genre fétiche, mais la compétence démontrée tout au long des quarante-trois minutes d’’Into the maelstrom’, alliée à sa production impeccable, sont la preuve qu’il se sent très à l’aise dans le compromis entre tradition et modernité que les stéréotypes associent généralement à un tout autre pays. Agréable à l’écoute, exécuté de main de maître, cet opus se hisse parmi les meilleures livraisons de 2020 dans un genre qui, s’il ne semble plus évoluer depuis longtemps, trouve encore et toujours des fans prêts à le défendre sur disque avec une foi et un talent qui lui font honneur.
HyperioN - Into The Maelstrom (Official Video) - YouTube
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DEPRESSION - Ära der finsternis
(01/09/2020 - Rotten Roll Rex)
Je ne m’étais jamais intéressé à leur cas, et pourtant Depression est un vétéran de la scène death/grind, qui a récemment atteint la trentaine. Cet anniversaire les a clairement incités à marquer le coup : avec ce ‘Ära der finsternis’, sixième album d’une discographie surtout bardée de splits, les Allemands affichent avant même que l’on daigne tendre l’oreille, une impressionnante générosité. Avec trente morceaux pour soixante-dix minutes (les quatre derniers titres étant toutefois des bonus, relecture d’un split de 1998), le trio célèbre en grandes pompes cette étape qu’ils ne s’imaginaient probablement pas atteindre, à grands renforts d’accords joyeusement gras, de vomissures vocales incandescentes et de tempi effrénés. Le plus remarquable dans tout cela est que Depression parvient à ne pas lasser, variant suffisamment ses tonalités d’un titre à l’autre pour maintenir l’intérêt au fil de l’écoute. Malgré ses allures de mastodonte inhabituel pour le genre, ce jubilé constitue une très bonne entrée en matière pour découvrir le groupe.
DEPRESSION - "Knochenfäule" (OFFICIAL LYRIC VIDEO feat. Marc Grewe) - YouTube
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FORMING THE VOID - Reverie
(08/05/2020 - Ripple Music)
Quatre albums, quatre réussites : tel est le parcours sans faute mené jusqu’ici par Forming The Void, à l’instar de leurs compatriotes de Windhand, pour citer un autre groupe qui a surgi dans les années 2010. Le stoner doom puissant et aéré développé sur les précédents opus ne perd rien de sa superbe et ouvre une décennie prometteuse pour ses auteurs. Peut-être encore un peu plus haut en altitude qu’auparavant, le quatuor enchaîne les riffs, certains plutôt originaux, d’autres moins, mais toujours avec ce rendu sonore propice au survol de gigantesques étendues. Paradoxalement, ‘Reverie’ est loin d’étirer son propos (trente-six minutes pour sept morceaux), préférant proposer un voyage fort mais concis. Ce choix constitue une aubaine pour les retardataires, lesquels n’ont à présent que peu d’excuses pour ne pas plonger à leur tour dans l’univers d’un groupe qui, malgré des changements de label systématiques à chaque sortie, évolue constamment, patiemment, pertinemment.
FORMING THE VOID - "Trace The Omen" (Official Video) - YouTube
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EXPANDER - Neuropunk boostergang
(21/08/2020 - Profound Lore Records)
On pourrait parler de sludgecore teinté de psychédélisme, de metalcore gonflé aux hormones crust ou tout bêtement de metal alternatif. En attendant, Expander qualifie sa musique de metalpunk et cela convient également. Seule certitude acquise : ce quatuor évolue à la croisée de genres viscéralement furax. Complètement enragés, les Américains hurlent, grattent et tambourinent leur fiel à toute berzingue, convaincus que le futur sera dystopique ou ne sera pas. Ce deuxième album en est une parfaite expression, de ses visuels chaotiques ou bardés de circuits imprimés jusqu’aux textes évoquant des expérimentations scientifiques à sombres desseins. Invraisemblablement intenses, les quarante-deux minutes de ‘Neuropunk boostergang’ alertent d’un chaos imminent, prêt à balayer d’une bourrasque impitoyable toute trace de conscience ou d’émotion que l’humanité oserait encore manifester. Si vous êtes en manque de mandales en pleine tronche, voici qui devrait combler votre sado-masochisme.
EXPANDER - Hyper-Flesh Aedificium (official audio) - YouTube
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CLOSE THE HATCH - Modern witchcraft
(22/05/2020 - Autoproduction)
Close The Hatch fait partie de ces combos qui sont venus contribuer au renouvellement du doom dans les années 2010, en y injectant des influences post-metal et shoegaze. Les Américains se distinguent toutefois par un gimmick de composition récurrent, qui les voit taire ou étouffer leurs distorsions de guitares durant les couplets, ne les laissant s’exprimer essentiellement que lors des refrains, ce qui a valu au quatuor le qualificatif de ‘Grunge doom’ par New Noise. Ce quatrième album en est un bon exemple, et se révèle très agréable durant les trente-quatre minutes nécessaires à son écoute, bien qu’aucun morceau ne s’en détache réellement, conséquence probable d’une très grande homogénéité liée à l’approche d’écriture du groupe. Peut-être est-ce également lié à la production étrangement douce de ce ‘Modern witchcraft’, qui semble indiquer que Close The Hatch aspire beaucoup plus à l’évasion qu’à la débauche d’énergie. De quoi accentuer plus encore sa singularité.
Close The Hatch - Cordial Medusa (Official Visualizer) - YouTube
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ETERNAL CHAMPION - Ravening iron
(06/11/2020 - No Remorse Records)
Invité relativement récurrent des tops metal de 2020, Eternal Champion est de ces rares groupes dont les qualités musicales sont aussi convaincantes que ses visuels sont bassement aguicheurs (mon dernier souvenir en la matière remonte à 2017 avec ‘Sermon ov wrath’ d’Antropomorphia). Mené par un chanteur (Jason Tarpey) qui a surtout officié dans le crossover thrash, et comptant parmi ses membres des musiciens passés par Power Trip (R.I.P. Riley Gale), le quintette affiche un talent évident en matière de heavy metal, porté par une production un poil forcée qui demandera un temps d’adaptation à quelques-uns. ‘Ravening iron’ se veut en effet épique, ce qui paraît inévitable quand on le garnit de textes inspirés de récits pulp, Tarpey ayant été marqué de manière indélébile par Conan Le Barbare. Riche en mélodies élaborées, traversé par un souffle aventurier qui ne faiblit jamais de bout en bout, ce deuxième album porte haut le flambeau du genre qu’il incarne.
ETERNAL CHAMPION - Ravening Iron (Official Audio) - YouTube
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FISTULA - The process of opting out
(10/05/2020 - Behind The Mountain)
Vingt-deux années au compteur pour ce discret taulier du sludge, qui continue tranquillement son bonhomme de chemin. Si les Américains ont pu, par le passé, s’aventurer dans des sphères audacieuses (les morceaux-albums d’une heure ‘Lessons in lamentation’ et ‘Inverted black star’ en 2008), ils ont le plus souvent appliqué le b.a-ba de leur genre de prédilection, ce que confirme ‘The process of opting out’. Fréquentes intros en larsens, instruments furibards et hurlements maladifs : en dix morceaux et vingt-neuf minutes chrono, le quintette explose les potards, assène un tintamarre de tous les diables et déverse des torrents de fiel qu’approuveraient sans réserve leurs aînés d’Eyehategod. En attendant le prochain long-format de ces derniers, ‘The process of opting out’ est un solide palliatif, trop codifié pour ouvrir de nouvelles perspectives au sludge, mais toujours prompt à fusiller le stress accumulé lors d’une journée de merde.
Costa Doing Business - YouTube
N°40 à 31
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AFTERBIRTH - Four dimensional flesh
(13/03/2020 - Unique Leader Records)
Étonnante trajectoire que celle de ce groupe américain qui,après deux démos durant la première moitié des années 90, se sépare et revient une vingtaine d’années plus tard pour développer un brutal death riche et original, ce qui n’est pas commun. Bousculant les codes du sous-genre, Afterbirth le fait dévier vers le death old-school et le prog, s’autorisant en outre sur ce deuxième album (clairement supérieur à son prédécesseur, au passage) quelques moments aérés que des combos psyché ou post-metal ne renieraient pas. Exigeant, ambitieux et décomplexé, le quatuor apporte sa pierre à l’édifice sans jamais lésiner sur la violence bestiale qu’il s’est heureusement abstenu de surproduire, ce qui tranche avec la moyenne ultra-clinique et sans âme de l’immense majorité des disques édités par son label. Une agréable surprise, que l’on aimerait bien voir influencer les productions des années à venir.
Afterbirth - "Spiritually Transmitted Disease" (Official Promo Video) - YouTube
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LOU KELLY - Genres that don’t exist
(12/02/2020 - Autoproduction)
Se présentant lui-même comme un créateur de musique de fond distrayante, Lou Kelly est surtout un énergumène parfaitement imprévisible. Issu de suggestions de ses amateurs, que le bonhomme a lui-même encouragées sur sa page Facebook, ‘Genres that don’t exist’ est un exercice de style dont toute la substance est résumée dans le titre. Inspiré par vingt-et une propositions, le Californien donne vie à des mariages le plus souvent improbables, dont une majorité impliquant des grosses guitares. L’ensemble est très réussi, mais comme je l’ai dit, il se limite à un exercice de style : avec tout juste douze minutes au compteur, Kelly donne effectivement naissance à de multiples genres mais s’abstient de les développer sur une durée pouvant donner quelque indice quant à leur potentiel. Et c’est dommage car qu’il s’agisse de muzak-lounge death metal ou de reggae post-prog, l’étonnante fluidité de la plupart des mélanges montre que certains d’entre eux mériteraient d’être creusés. ‘Genres that don’t exist’ est donc une réussite plutôt relative compte tenu de l’approche paradoxalement timide de son concept, mais l’exécution souvent impeccable de son auteur/interprète en fait une curiosité précieuse et fort bienvenue.
Genres That Don't Exist | Lou Kelly
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DROWN - Subaqueous
(28/02/2020 - Lupus Lounge)
Drown est l’un des multiples projets de Markov Soroka, un multi-instrumentiste ukrainien également tête pensante de Tchornobog. Avec Drown, Soroka cherche (et pense d’ailleurs être parvenu) à bâtir une musique qu’il nomme lui-même ‹ Aquatic doom ›. Chacun jugera de la pertinence de l’appellation, qui après tout n’est pas plus absurde que ‹ Dream pop ›, ‹ Space rock › ou ‹ Cosmic black metal ›, et coupe l’herbe sous le pied des étiqueteurs aux côtés desquels se tient votre serviteur. En attendant, ce deuxième album, quelque part entre funeral doom (la structure et la mélancolie), death doom (les vocaux d’outre-tombe et l’agressivité dont les instruments sont parfois capables), et gothique (les quelques mélodies éthérées en arrière-plan) est d’une écoute fort agréable. En deux morceaux d’une vingtaine de minutes chacun, ‹ Subaqueous › alterne tensions et suspensions, le tout porté par la clarté et la limpidité du son, probablement les plus en mesure d’appuyer le qualificatif de doom aquatique. Pas de grande nouveauté néanmoins, juste une musique intriguante dans son concept, personnelle dans son approche et concluante dans son exécution. Et c’est déjà remarquable.
Drowned VI: Mother Cetacean - YouTube
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PYRAWEED - 420
(13/11/2020 - Robustfellow)
Parler de metal en provenance d’Azerbaïdjan est pour le moins exceptionnel, aussi quand la proposition est de qualité, il est d’utilité publique de signaler son existence. Initialement porté sur le sludge tout en y distillant quelques influences folk, Pyraweed a lentement glissé vers des contrées plus proches du stoner doom, dans lesquelles évolue majoritairement ce cinquième album. Malgré une production un peu timide, le duo n’a pas grande difficulté à convaincre, n’ayant rien perdu de son art du riff accrocheur, parfait catalyseur d’une éternelle obsession pour la fumette, comme en témoignent le nom du groupe, son logo, et son imagerie. C’est donc un voyage en apesanteur qui nous est proposé durant trente minutes, ce qui contraste évidemment avec la lourdeur du son, mais cela fait bien longtemps que le stoner doom nous a familiarisés avec ce paradoxe. S’il est peut-être moins marquant que son prédécesseur (l’excellent ‘Green jinn’), ‘420’ reste l’une des propositions les plus solides du genre en 2020.
System Failure - YouTube
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GRIN - Translucent blades
(17/01/2020 - Crazysane Records)
Grin est de ces quelques groupes venus grossir les rangs du post-doom, se distinguant de la majorité de ses congénères par un aspect que seuls quelques iconoclastes de la scène doom cultivent en continu : la très large prééminence de la basse. Cette dernière se manifeste dès l’ouverture de ce deuxième album, comme si un diplodocus sous stéroïdes sortait des enceintes. Les racines stoner doom des Allemands semblent évidentes, mais les climats qu’ils développent par la suite montrent que leur psychédélisme peut fortement varier en altitude, ce qui n’empêche pas les guitares d’être essentiellement additionnelles. Cette expérience de montagnes russes, que le duo, selon ses propres termes, veut « à la fois spirituellement apaisante et intensément charnelle », fait de « Translucent blades » un opus à découvrir absolument. Ne vous laissez pas berner par la jaquette (magnifique, nous sommes d’accord) que l’on croirait tout droit issue d’un album de Baroness : Grin évolue dans sa propre sphère. Pourvu que ça dure.
GRIN - Helix (New Single/Official Audio) - YouTube
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HÖWLER - No more circus!
(14/09/2020 - Ragnarök Records)
Chemicide était jusqu’à présent le seul groupe de thrash originaire du Costa Rica auquel je m’étais intéressé. Höwler vient désormais leur tenir compagnie, avec de sérieux arguments à faire valoir. Particulièrement exigeant, ce quatuor a développé un sens de l’écriture remarquablement sophistiqué, tant sur le plan mélodique que structurel, qui leur permet d’intégrer le cercle très fermé du thrash progressif. Cependant, leur musique se mérite : nombre de riffs du groupe sont iconoclastes et ne fédèrent pas à la première écoute. Un minimum d’insistance est nécessaire pour saisir le talent et l’originalité qui s’expriment sur ce troisième album, qui mériterait de voir ses auteurs décrocher une signature sur un label d’importance. ‘No more circus!’ est vivement recommandé pour qui aime le thrash moins codifié que la moyenne. Et si vous n’adhérez pas malgré tout, jetez une oreille à ‘Fallen but not forgotten’, leur précédent album, plus accessible et tout aussi soigné.
Höwler - Behind The Green Mask (Official Lyric Video) - YouTube
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INVOCATION - Attunement to death
(21/02/2020 - Iron Bonehead Productions)
Officiellement, ‘Attunement to death’ est le deuxième EP d’Invocation, mais comme il atteint la demi-heure d’écoute, je le considère à titre personnel comme un album. Originaire du Chili, le groupe témoigne d’un goût prononcé pour l’occulte sous toutes ses formes. Il en émerge un black/death très efficace, soutenu et dont chaque expression prend son temps (hors introduction, comptez cinq à sept minutes par morceau). Malgré une caisse claire de batterie un peu en retrait dans le mixage, la production porte impeccablement les ambiances noires que les Allemands érigent à grands renforts de vocaux tétanisés par la souffrance et de guitares en tremolo-picking si malsaines qu’elles font penser à des vers parkinsoniens se promenant sous la peau. Et si l’inventivité n’est clairement pas le fort du trio, atteindre une telle force d’évocation n’est certainement pas donné au premier venu, ce qui fait d’Invocation un groupe à surveiller attentivement.
Invocation - Flying Ointments - YouTube
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VADER - Solitude in madness
(01/05/2020 - Nuclear Blast)
Seizième album pour les vétérans du metal extrême polonais, qui ne semblent pas franchement décidés à quitter le territoire death-thrash qu’ils se sont accaparés dès leur premier opus en 1992. Ce conservatisme voit d’ailleurs certains observateurs plutôt tentés de quitter le navire, mais ce n’est pas encore le cas de votre serviteur, qui a eu grand plaisir à s’envoyer de nouveau les vingt-neuf minutes de ‘Solitude in madness’ au moment de la préparation de ce top. Entouré par les trois mêmes musiciens chevronnés depuis quasiment une décennie, le fondateur et chanteur/guitariste Peter administre des riffs en veux-tu en voilà et vocifère des textes apocalyptiques en mode force tranquille. Si l’ensemble ne trahit quasiment aucune excentricité (citons quand même le chouette couplet à contre-temps de ‘And Satan wept’), il se parcourt avec délice et remplit sans accroc sa mission de défouloir éclair.
VADER - Into Oblivion (OFFICIAL MUSIC VIDEO) - YouTube
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TAR POND - Protocol of constant sadness
(20/03/2020 - Autoproduction)
Malgré l’expérience de certains de ses membres (un batteur passé par Coroner et Apollyon Sun, tout de même), cinq années auront été nécessaires à Tar Pond pour sortir son premier album, délai malheureusement lié au décès en 2017 de son bassiste Martin Ain, ancien membre de Celtic Frost. Le quatuor suisse n’a pas baissé les bras pour autant, et bien lui en a pris : avec ‘Protocol of constant sadness’, il nous livre un disque singulier, rangé à la va-vite dans la case ‘post doom’ alors que je parlerais davantage de doom traditionnel atmosphérique, voire ambiant. Les trois plats de résistance de l’opus (auxquels s’ajoute un dernier morceau dénué de saturation) laissent la basse et la voix plaintive de Tom Ott dominer les couplets, les rugissements de guitares n’intervenant essentiellement que lors des refrains et des ponts. Le groupe exploite avec finesse cette approche rappelant inévitablement tout un pan du grunge, et parvient ainsi à mettre en place des climats qui lui sont propres avec peu d’éléments, sans recours à de quelconques artifices. Certainement l’une des sorties doom les plus originales et intéressantes de cette année.
TAR POND - Please (OFFICIAL VIDEO) - YouTube
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THE RITE - Liturgy of the black
(23/07/2020 - Iron Bonehead Productions)
Qu’obtient-on en mêlant Candlemass et Darkthrone ? Telle est la question qu’un amateur de Jeopardy devrait poser si la réponse était ‘Liturgy of the black’. Avec un chanteur danois et trois instrumentistes italiens, The Rite surgit dans le sous-genre du black doom, empruntant aux Suédois l’art du riff épique, le rendu sonore très frontal ainsi que la production carrée, tout en se délectant des atmosphères sombres, des vocaux éraillés et des quelques accélérations dont les Norvégiens sont coutumiers. Malgré une faible propension à varier ses tonalités de base, le groupe n’a aucune difficulté à réussir son mélange sur ce premier album. Sûr de ses qualités, il capte immédiatement l’attention avec des attaques black metal efficaces puis développe lentement, mais sûrement, l’autre facette de sa musique. D’une solidité à toute épreuve, ‘Liturgy of the black’ devrait, dans un monde idéal en tout cas, placer ses auteurs parmi les plus en vue d’un sous-genre à la productivité plus modeste que la moyenne.
The Rite - Famadihana - YouTube
N°30 à 21
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MULLA - مَوْلَى
(21/01/2020 - Narcoleptica Productions / Scorched Earth Records / Cianeto Discos / Careless Records)
« Nous ne sommes ni un groupe terroriste ni des fanatiques religieux : nous essayons de vous donner une idée musicale de l’atmosphère effrayante au Moyen-Orient de nos jours, avec tous les stéréotypes modernes. Si vous la ressentez, alors nous avons tout fait correctement. » C’est en ces termes que se présente Mulla (‘sire’ ou ‘suzerain’ en arabe), combo irakien dont on ne sait pas grand-chose, ce qui suscite d’ailleurs quelques doutes chez certains vu qu’on n’a pas à faire à ce genre d’entité tous les quatre matins. En attendant, la note d’intention est respectée à la lettre sur cette première livraison éponyme d’une demi-heure, théâtre d’un black-metal incroyablement rude et primitif, mais pourtant accrocheur, dont l’extrême froideur contraste violemment avec le climat des terres natales du groupe. Si le potentiel de ce dernier reste incertain, deux autres EPs à mon sens moins marquants étant sortis par la suite, ‹ Mulla › (مَوْلَى) est à découvrir absolument. Non content de faire son effet, il n’a pas trouvé d’équivalent dans sa niche en 2020.
Mulla - مَوْلَى (Full album) - YouTube
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KNEEL - Ailment
(16/10/2020 - Raging Planet)
Kneel est le projet de Pedro Mau, multi-instrumentiste portugais qui se charge à lui seul d’en écrire, interpréter, produire, mixer et masteriser la musique, laissant à son acolyte Filipe Correia la responsabilité des paroles et du chant. Signé sur l’éclectique Raging Planet, Kneel se situe quelque part entre djent et metalcore, ponctuant ses missives d’un peu de crust de-ci de-là, le tout emballé dans une production relativement crue. Corollaire de cette alchimie : l’ensemble est fort énervé, venimeux, et ne laisse aucune place à la plaisanterie. ‘Ailment’ prend à la gorge tout quidam qui en fait l’expérience et maintient la pression sur lui durant quarante-trois minutes, déterminé à lui hurler sa catharsis sur fond d’aliénation et d’incapacité de l’être humain à contrôler son existence. Et on se laisse porter par l’exercice, séduit par le talent et l’implacabilité dont le duo fait étalage sur ce deuxième album.
KNEEL - ACUITY (Official Audio) - YouTube
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MACABRE - Carnival of killers
(13/11/2020 - Nuclear Blast)
Neuf ans après ‘Grim scary tales’, les excentriques de Macabre remettent le couvert (et le visuel intérieur de leur album donne tout son sens à l’expression). Si les Américains ne sauraient se vanter d’une productivité débordante (c’est leur sixième album en trente-cinq ans d’existence), ils restent toujours aussi férus de death metal mâtiné de grand-guignol. ‘Carnival of killers’ est d’ailleurs l’occasion pour eux d’appuyer ce dernier aspect, mêlant ainsi à leurs accès de férocité des passages mélodiques légers et virevoltants, aussi bien sur le plan vocal qu’instrumental, qui contrastent avec les thématiques bien moins accueillantes et chères au ‘murder metal’ (c’est ainsi qu’ils nomment leur musique). L’ensemble est remarquablement cohérent et s’écoute d’une traite sans que l’ennui ne vienne poindre un seul instant. Si l’on notera quelques étranges soucis de synchronisation, heureusement rares, l’inspiration du trio ne s’est guère étiolée avec les années. Si seulement Ultra Vomit pouvait ressembler à ça…
Joe Ball Was His Name - YouTube
Le metal de 2020 selon Barbo, numéro 27.
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PSYCHOSOMATIC - The invisible prison
(28/08/2020 - Nefarious Industries)
Énième groupe de plus de trente ans d’ancienneté dont je ne découvre l’existence que cette année, Psychosomatic est originaire de Sacramento, et fait dans le thrash tendance crossover. À l’écoute des trente-six minutes de ‘The invisible prison’, cinquième album du quatuor, il me tarde de combler mon retard au plus vite. Si le chanteur/bassiste Jeff Salgado est aujourd’hui le seul membre originel restant du combo, il a su s’entourer d’instrumentistes très compétents (dont le batteur Toby Swope, qui a tout de même dépanné pour des concerts de Skeletonwitch et Revocation), qui se sont chargés de lui pondre des salves si efficaces qu’ils semblent avoir le même passif que lui, au point qu’il s’est essentiellement contenté d’écrire les paroles. Traitant entre autres de persécution, de guerre civile ou d’esprit critique, ‘The invisible prison’ est une brillante démonstration d’agressivité vénéneuse, d’une solidité à toute épreuve.
Psychosomatic - The Invisible Prison - "We Don't Trust You" (Lyric Video) - YouTube
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DIE KREATUR - Panoptikum
(22/05/2020 - Napalm Records)
Collaboration entre Dero Goi (chanteur de Oomph!) et Chris Harms (chanteur et guitariste de Lord Of The Lost), Die Kreatur a sorti au printemps dernier un premier album au contenu moins prévisible que ce que ses deux premiers (très bons) singles laissaient supposer. On aurait pu croire que Dero était la pièce maîtresse du duo, considérant le démarrage de l’opus qui rappelle inévitablement le groupe dont il porte la voix depuis trois décennies. Mais la contribution de Harms se révèle au fur et à mesure de l’écoute de ‘Panoptikum’, qui enrichit d’éléments folk et gothiques le metal industriel des deux Allemands, développant ainsi un profil moins frontal, plus baroque et raffiné que les uppercuts dont la bande à Dero est davantage coutumière. S’il peut désarçonner à la première écoute par certaines audaces mélodiques, le disque séduit à terme par la richesse et la variété de ses approches, lesquelles n’entament en rien la cohésion d’ensemble. Si Die Kreatur ne s’aventure pas au-delà de ce premier pas, Goi et Harms pourront au moins se vanter d’avoir signé un album remarquablement abouti, et pas un simple exercice de style.
DIE KREATUR - Kälter Als Der Tod (Official Video) | Napalm Records - YouTube
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ADX - Bestial
(24/01/2020 - Ultim’ Records)
Il aura fallu onze albums à ces vétérans de la scène française pour que votre serviteur finisse par y jeter une oreille. J’espère qu’il n’en faudra pas onze autres pour qu’il se décide à explorer le reste de la discographie de ce groupe de heavy metal qui, trente-huit ans après ses débuts, se porte comme un charme. Guère usés par le temps, les Parisiens font étalage durant trois gros quarts d’heure d’un sens phénoménal de la mélodie, que tout respectable groupe de la New Wave Of British Heavy Metal approuverait sans réserve. Et si le chant, intégralement en français, semble par moments trahir quelques faiblesses, sa pertinence globale n’est certainement pas à remettre en cause. Souvent épique, parfois sombre avec des intonations voisines du thrash, constamment véloce, ‘Bestial’ n’a aucun mal à justifier son titre et s’avère une excellente porte d’entrée vers l’univers du quintette, qui se montre ici sous son meilleur jour.
ADX - Au dessus des croix noires (Official Lyric Video) - YouTube
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SEPULTURA - Quadra
(07/02/2020 - Nuclear Blast)
Sepultura poursuit indéfectiblement sa route et ce n’est pas votre serviteur qui s’en plaindra. Visiblement très satisfait du travail de production de Jens Bogren sur ‘Machine messiah’, le quatuor rempile avec lui pour ce quinzième album où les différentes ères musicales du groupe sont revisitées, piochant dans le death/thrash, le groove, le neo ou le hardcore, sans oublier les pas de côté progressifs ou expérimentaux dont le groupe est ponctuellement friand. Remarquablement au point techniquement, porté par la férocité d’un rendu sonore dans la droite lignée du précédent opus, riche en moments de bravoure, ‘Quadra’ est le témoignage d’un combo en grande forme, plus déterminé encore qu’un Moïse ouvrant la mer Rouge, qui n’a fini ni d’en découdre ni d’épuiser ses possibilités. De même que je n’ai pas fini d’en avoir rien à foutre que Max Cavalera ne fasse plus partie du groupe depuis bientôt un quart de siècle.
SEPULTURA - Isolation (OFFICIAL MUSIC VIDEO) - YouTube
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NECROBODE - Sob o feitiço do Necrobode
(21/02/2020 - Iron Bonehead Productions)
En provenance du Portugal, Necrobode nous propose son premier album, succédant à une démo sortie en 2018. Le trio se présente comme totalement dévoué au ‹ metal noir de la mort › (‹ metal negro da morte ›, aussi le titre de ladite démo), ce que l’on pourra difficilement contester puisque c’est dans le registre du black/death qu’évoluent ces gaillards, sans fioritures ni subtilités. Necrobode pratique une musique caverneuse, très directe et compacte, qui déverse un torrent de noirceur et de violence primale dans les tympans. Entre blast beats féroces, gutturalités néanderthaliennes en langue du pays et guitares malsaines serpentant tout au long de ses 30 minutes, ‹ Sob o feitiço do Necrobode › happe la moindre âme qui ose s’en approcher, et l’emporte vigoureusement dans ses contrées aussi nébuleuses qu’étouffantes (et infernales puisque le groupe, pétri d’inventivité, affirme que c’est Satan qui gouverne). Un voyage oppressant mais qui peut compter sur le talent de ses trois organisateurs pour fasciner, tant ces derniers font montre d’une efficacité… de tous les diables, évidemment.
https://www.youtube.com/watch?v=20IGx3xFBTA
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GREEN CARNATION - Leaves of yesteryear
(08/05/2020 - Season Of Mist)
Ce n’est qu’avec la sortie de ce sixième album que j’ai découvert ce sextet norvégien, qui à ma décharge n’avait plus donné de ses nouvelles en studio depuis 2006, sans oublier une longue séparation décidée l’année suivante. Il va bien falloir que je me penche davantage sur la discographie de ce groupe un beau jour, car avec ‹ Leaves of yesteryear ›, Green Carnation délivre trois quarts d’heure d’un metal progressif qui respire, lévite et ventile l’esprit. De la majesté du morceau-titre jusqu’à la mélancolie éthérée de sa reprise du ‹ Solitude › de Black Sabbath, en passant par deux imposants mastodontes franchissant la barre fatidique des dix minutes, le groupe séduit par son allant, livrant une fresque musicale ambitieuse mais jamais démonstrative, aux climats paradoxaux car amers et pourtant sereins à la fois. Assurément l’une des plus belles sorties que le genre ici représenté nous ait soumises cette année.
https://www.youtube.com/watch?v=X0BD5KGuZ1M
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[STÖMB] - From nihil
(31/01/2020 - Autoproduction)
[Stömb] a sorti en 2020 son deuxième long-format, pensé comme un concept-album à dimension cosmique. Ce n’est vraisemblablement pas ce qui explique que l’opus ait pris la forme d’un colosse de 71 minutes, dans la mesure où ‘The grey’, en 2015, n’en était déjà pas très loin, mais la capacité des Parisiens à transporter très loin reste remarquable. Toujours instrumentale, l’alchimie dont le groupe est friand, quelque part entre djent, prog et post-metal se porte à merveille, assise sur une production lui assurant puissance, intelligence et limpidité. S’il est certain que le quatuor survend son bébé en promettant un bouleversement des repères de ses auditeurs, ses ambitions techniques, mélodiques et atmosphériques sont d’une envergure largement proportionnelle à la thématique du disque. Et si, comme son nom l’indique, ‘From nihil’ évoque également le néant, ça ne l’empêche guère de vibrer de toutes ses forces, décidé à faire écho vers l’infini et au-delà.
https://www.youtube.com/watch?v=oi6rL0LSUak
N°20 à 11
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PROMETHEUS - Resonant echoes from cosmos of old
(23/10/2020 - I, Voidhanger Records)
À l’instar de [Stömb], Prometheus est obsédé par le cosmos, mais les prismes adoptés sur ce deuxième album (comme [Stömb], décidément) pour l’évoquer sont tout autres. Thématiquement, ces Grecs affichent un intérêt plus que prononcé pour Lovecraft, de toutes manières difficile à dissimuler quand les mots ‘Yog-Sothoth’, ‘Azathoth’ ou ‘Astrophobos’ (dont les paroles reprennent intégralement le poème en vers du même nom) affublent certains titres des six morceaux. Musicalement, le trio verse dans un black/death d’excellente tenue, travaillé avec soin, dont les guitares réverbérées enveloppent et étreignent immédiatement, résolues à propulser durant quarante-trois minutes quiconque s’en approche vers l’inconnu, l’insondable et l’indescriptible (sauf pour Lovecraft, évidemment). ‘Resonant echoes from cosmos of old’ est un superbe disque, à la puissance débridée, énième itération de l’héritage laissé par l’écrivain de Providence, mais certainement pas la moins intéressante.
https://www.youtube.com/watch?v=CmOgSVAlvRw
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WITCHES - The fates
(05/06/2020 - Mighty Spell Records)
Ce n’est qu’en 2020 que j’entends parler pour la première fois de ce groupe, pourtant vétéran du metal extrême hexagonal, mais qui en près de trente-cinq ans d’une carrière morcelée n’en arrive qu’à son troisième album (les précédents étant sortis en 1994 et 2007). Mené par la chanteuse-guitariste Sibylle Colin-Tocquaine (seule membre originelle restante, et soit dit en passant sœur d’Alex Colin-Tocquaine, le fondateur et mentor d’Agressor), Witches administre sur ‘The fates’ vingt-neuf minutes d’un black/thrash d’une efficacité phénoménale et sans pitié aucune. Vocaux, cordes et batterie bouillonnent, fulminent et attaquent sans la moindre retenue, en totale osmose avec des textes où souffrance et mort se taillent la part du lion. Espérons vivement que le trio donnera de ses nouvelles un peu plus souvent, car à ce niveau de maîtrise et de capacité à faire mouche, autant se lâcher complètement dans l’enthousiasme et parler de trésor national.
https://www.youtube.com/watch?v=v35O2h44SBg
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CHAOS E.T. SEXUAL - Only human crust
(20/11/2020 - Chien Noir)
Chaos E.T. Sexual ne manque pas de particularismes, qu’il s’agisse de son nom, de sa musique ou même du qualificatif qu’il donne à celle-ci : ‘Gangsta doom’. Entre doom industriel, post metal et rythmiques hip-hop, le trio travaille sa mixture iconoclaste depuis dix ans, et trouve son expression la plus aboutie sur ce troisième album. Plus inspiré que leurs deux premiers essais, ‘Only human crust’ voit les Parisiens évoluer dans des climats plus sombres et menaçants, résultat probable d’un plus grand équilibre entre ses différentes influences. Il en résulte que le nom ‘Chaos E.T. Sexual’ devient beaucoup plus compréhensible, car si l’on ne sait pas toujours auquel des trois éléments pourrait être relié tel instant du disque (sauf à être trop basique en s’en tenant au fait qu’ils désignent chacun l’un des membres du groupe), les moments d’exception qu’il réserve pourraient très bien être considérés comme chaotiques, orgiaques, ou venus d’ailleurs. Une des sorties les plus originales et réussies de cette année.
https://www.youtube.com/watch?v=9a8d_j0mJoA
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CURSE THE SON - Excruciation
(12/06/2020 - Ripple Music)
Curse The Son fait partie de ces groupes que je découvre via un avis mitigé des pisse-froids d’Angry Metal Guy (ceci n’est pas une critique mais un constat) avec lequel je me retrouve plus ou moins régulièrement en désaccord. Ce quatrième album des Américains est en effet de grande qualité, inversement proportionnel à sa pochette, certainement l’une des plus laides qui soient venues décorer ce top. Loin d’être aussi banal que ce que prétendent certains, le stoner doom de Curse The Son est porté par des riffs de très bonne tenue, et si l’héritage du Sabbat Noir est aisément constatable, le trio se permet quelques instants iconoclastes, comme le bien nommé ‘Devil doctor blues’ ou les choeurs du refrain de ‘Novembre’, qui participent à faire de ce dernier morceau l’une des pièces métalliques les plus belles et marquantes que j’ai entendues cette année, ni plus ni moins. ‘Excruciation’ est une écoute indispensable à tout amateur du genre qu’il représente.
https://www.youtube.com/watch?v=OV5q2eLTRxQ
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LASCAILLE’S SHROUD - Othercosmic divination I
(30/08/2020 - Autoproduction)
Fruit d’une gestation très lente, liée entre autres à l’émergence de la pandémie de Covid, le cinquième album de Brett Windnagle alias Lascaille’s Shroud ne prétend certainement pas à la même audace que son prédécesseur, qui se constituait d’un unique morceau de 43 minutes. Néanmoins, l’Américain témoigne toujours d’un grand amour pour les longs développements (un seul des cinq morceaux sous la barre des dix minutes, de peu qui plus est) et d’une approche thématique où chaque morceau est consacré à une œuvre qui l’a marqué (dans le cas présent, trois nouvelles et deux jeux vidéo). Pour ne rien gâcher, l’inspiration du Monsieur est elle aussi au rendez-vous, avec près de cinquante-trois minutes d’un excellent death metal progressif mâtiné de doom, qui à l’exception de quelques rares mélodies convenues n’a aucun mal à transporter l’auditeur dans son monde magnifié par une superbe jaquette signée Tithi Luadthong. ‘Othercosmic divinations I’ est un très beau disque, qui mériterait d’être couronné par une sortie physique.
https://www.youtube.com/watch?v=HNWAk016a1w
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RAVEN - Metal city
(18/09/2020 - Steamhammer)
Comment vont les frères Gallagher ? Pas Liam et Noël, mais John et Mark, fondateurs en 1974 de Raven, cet indéracinable second couteau de la New Wave Of British Heavy Metal ? À en juger par ce quatorzième album, ils tiennent une forme olympique, rappelant durant trente-huit minutes comment, à grands renforts d’énergie débordante, de richesse mélodique et d’une production simple, on porte le heavy metal traditionnel à son meilleur. Accompagnés par un solide batteur (Mike Heller, qui tint notamment les baguettes sur ‘Genexus’ de Fear Factory), les Britanniques font parler leur expérience avec brio, et déblatèrent du riff chiadé aussi nonchalamment qu’ils tailleraient le bout de gras au pub du coin, tout en se fendant d’un hommage à Lemmy Kilmister (sur le bien nommé « Motorheadin’ »). Orné de visuels comics reflétant parfaitement sa vigueur, ‘Metal city’ est le témoin d’un groupe qui, malgré la soixantaine atteinte par les deux frangins, veut encore et toujours en découdre.
https://www.youtube.com/watch?v=I6tuJfLowJQ
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WHEELFALL - A spectre is haunting the world
(04/12/2020 - Autoproduction)
Bien que Wheelfall n’ait pas toujours montré de la constance qualitative à mes yeux, suivre leur cheminement est très intéressant tant le groupe n’a de cesse d’évoluer. En témoigne ce quatrième long-format, qui nourrit d’influences djent son mélange sludge/indus qui avait fait merveille sur ‘Glasrew point’, mais manquait d’un quelque chose pour me convaincre sur ‘The atrocity reports’. Les Français reprennent tout de même la concision de ce dernier, et signent avec ‘A spectre is haunting the world’ un disque impressionnant, où les torrents de guitares inondent, les martèlements de percussions bousculent, les hurlements vocaux enveniment et les montées de claviers enveloppent, tous réunis dans ces atmosphères où nul bipède doué de conscience ne s’aventurerait s’il y était confronté dans le réel. Le quintette a su reprendre le meilleur de ses derniers actes et l’emmener dans une direction pertinente. Que demande le peuple ? Une suite, forcément.
https://www.youtube.com/watch?v=j86nAersY84
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DARK BUDDHA RISING - Mathreyata
(13/11/2020 - Svart Records)
Si Oranssi Pazuzu m’a plutôt déconcerté cette année avec ‘Mestarin kynsi’, ce ne fut pas du tout le cas des hauts-perchés de Dark Buddha Rising, qui ont selon moi mieux négocié que leurs compatriotes l’après Waste Of Space Orchestra. Confirmant le tournant pris cinq ans auparavant sur ‘Inversum’, les Finlandais délaissent l’exploitation du format CD, se contentant désormais d’une grosse quarantaine de minutes pour administrer leur morphine auditive. Commençant par écraser les tympans avec des riffs aussi gracieux qu’un pachyderme (merci aux quelques vocaux qui viennent élever l’atmosphère), ‘Mathreyata’ éclaire ensuite progressivement le coeur du périple, avant de le faire hurler à plein poumons dans un gigantesque final orgiaque où le quintette, mettant de côté la morphine pour les amphétamines, uni dans un même élan de jubilation ultime, se lâche dans l’hypothétique espoir d’atteindre le nirvana absolu. Probablement le meilleur album du groupe à ce jour.
https://www.youtube.com/watch?v=fXWrOuQIygw
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FRAYLE - 1692
(14/02/2020 - Aqualamb Records / Lay Bare Recordings)
Succédant à deux EP, ‘1692’ est le premier album de ce quintet originaire de Cleveland, et déjà la marque d’une réelle personnalité pour ce dernier. Il est déjà appréciable d’entendre le groupe pratiquer un stoner doom de très bonne tenue et impeccablement produit ; la chose devient véritablement réjouissante lorsqu’intervient sa chanteuse Gwyn Strang. Éthérée, délicate, ensorcelante, sa voix donne à la musique de Frayle une consonance qui a rapidement valu à cette dernière l’épithète ‘Post-ce-que-vous-voulez-derrière’. Si l’on excepte le superbe morceau de fin (qui pour le coup s’en rapproche), l’appellation est à mes yeux erronée, tant les Américains restent sur le plan instrumental solidement ancrés dans des canons efficaces, mais depuis longtemps balisés, du stoner doom. Simplement, les recettes dont ils font usage prennent une dimension inhabituelle pour le genre, tant elles sont magnifiées par la performance de Strang, se révélant alors plus subtiles et envoûtantes que la force tranquille d’une machine à riffs. ‘1692’ est un formidable bol d’air frais dans un sous-genre menacé par la sursaturation.
https://www.youtube.com/watch?v=hy6Kyw_pG2I
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SICKENING HORROR - Chaos revamped
(29/06/2020 - Pathologigally Explicit Recordings)
Sickening Horror ne donne pas très souvent de ses nouvelles, et bon sang que c’est regrettable. Le groupe a largement montré, notamment via ses deux premiers albums, que sa maîtrise du death technique et parfois expérimental était remarquable, et mériterait bien plus de considération. Avec ce quatrième long format en dix-huit ans d’existence, les Grecs ont cependant mis de l’eau dans leur vin, délaissant cet horizon pour une approche plus conventionnelle, sans toutefois relâcher leur exigence. En résulte ce ‘Chaos revamped’, formidable salve de missiles death plutôt à l’ancienne, mâtinée de diverses escapades plus mélodiques. L’équilibre trouvé entre ces deux tendances permet au trio d’indiquer immédiatement où l’on met les pieds, sans que sa musique ne paraisse codifiée jusqu’à l’os. L’efficacité des riffs et le rendu sonore intelligemment travaillé font le reste, et scellent ‘Chaos revamped’ parmi les meilleurs albums de death metal de 2020.
https://www.youtube.com/watch?v=RPxTf6pQ_0Q
N°10 à 1
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MASTER BOOT RECORD - C:>DEFRAG
(26/10/2020 - Autoproduction)
Toujours aussi invraisemblablement productif, Victor Love signe avec ‘C:>DEFRAG’ le neuvième long-format en cinq ans d’existence, et le troisième cette année, de son projet Master Boot Record. Je n’ai pas écouté ‘Virtuaverse.OST’ et n’ai pas été convaincu par ‘Floppy disk overdrive’, sa première sortie chez Metal Blade Records, mais cette dernière livraison en date compense largement. Visiblement désireux de s’extirper de ses techniques de composition habituelles, l’Italien s’est fendu d’un deux titres de trente-sept minutes. Ce qui avait tout de l’exercice casse-gueule sur le papier sied au final à merveille à Master Boot Record, dont le power-tune entièrement synthétique laisse libre cours à son caractère épique et grandiloquent, captivant par son opulence mélodique et technique, que le mentor du projet modère par des plages atmosphériques. Malgré quelques longueurs, ‘C:>DEFRAG’ remporte son pari avec éclat, et mériterait une sortie physique pour couronner sa réussite.
https://www.youtube.com/watch?v=fACI9LoqmkI
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BULL ELEPHANT - Created from daeth
(14/08/2020 - Eat Lead And Die Music)
Tout au long de l’écoute de cet album, on n’a de cesse de s’interroger sur la nature exacte de la musique pratiquée par ces Londoniens, qui curieusement, tiennent à l’anonymat. Non pas qu’elle soit avant-gardiste, mais la personnalité qui en émerge est incontestable et mériterait l’attention d’un large public dans la sphère metal. Piochant dans le doom, le metal progressif, le sludgecore, le stoner ou le death, Bull Elephant s’autorise également des passages atmosphériques oscillant entre post-rock et gothique. Et non content de ces influences multiples, le groupe parvient à les amalgamer pour un résultat original, cohérent, accrocheur et pugnace. Pour tenter de le situer, ‘Created from death’ est une possible incarnation de ce que serait devenu Mastodon si ces derniers n’avaient laissé au stoner qu’une place modeste voire marginale. Mais il est fort probable que cette description reste bien imprécise et ne puisse rendre justice aux qualités de ce deuxième opus qui, une fois encore, mériterait à ces auteurs un auditoire bien plus conséquent qu’il ne l’est.
https://www.youtube.com/watch?v=tC49rHxmg4k
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MCCLANE - Sale contre tous
(26/01/2020 - Autoproduction)
Voilà une sacrée découverte pour votre serviteur que ce McClane. Sévissant depuis quelques années déjà, le Français trace sa propre route selon le leitmotiv suivant : prendre le black metal industriel, lui retirer ses guitares, les remplacer par des synthés, le tout en intensifiant les facettes darkwave et techno hardcore dont le genre est parfois friand. Sous le nom autoproclamé de ‘Black synth rave’, ce mélange ouvre de nouvelles possibilités à un sous-genre plus discret que la plupart de ses cousins, et n’a aucun mal à monopoliser enceintes et tympans avec ses martèlements et sa froideur inversement proportionnel à sa puissance de feu (peut-être à titre d’avertissement, l’intro s’appelle « -792 »). Complètement survolté, ‘Sale contre tous’ est un chien enragé qui cherche à tout prix à contaminer son compère ornant la pochette de la toute première compilation Thunderdome. Inutile de dire qu’en trente minutes, l’affaire est expédiée facilement et efficacement.
https://www.youtube.com/watch?v=UoWArzUr8Bc
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HORIZON OF THE MUTE - Voidscope
(05/06/2020 - Autoproduction)
Moins d’un an après ‘Sole dogma’, qui avait investi les hautes cimes du top 2019 de votre serviteur, Jani Koskela remet le couvert avec ce cinquième album de son projet Horizon Of The Mute, et semble prendre un virage audacieux.Abonné jusqu’à présent aux codes du doom, le Finlandais les délaisse en grande partie pour embrasser ceux du black metal. Le changement de direction est aussi inattendu que pertinent : les atmosphères martiales dont Horizon Of The Mute est coutumier se marient impeccablement avec la production plus rêche et les blast beats caractéristiques du genre auquel Koskela se consacre en majorité sur cet opus. Ajoutez-y un mur de guitares proche du drone par moments, ainsi que d’autres ambiances moins guerrières mais plus cauchemardesques, et vous obtenez un album fascinant de bout en bout, qui voit Horizon Of The Mute manoeuvrer vers d’autres rivages sans rien perdre de sa singularité. L’archétype d’une évolution réussie, en somme.
https://www.youtube.com/watch?v=hxFqzO9Ylso
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MRTVI - Omniscient hallucinatory delusion
(06/11/2020 - Transcending Obscurity Records)
Damjan Stefanović alias MRTVI m’avait déjà perturbé il y a de cela trois ans avec ‘Negative atonal dissonance’ ; le revoilà qui persiste et signe un véritable coup d’éclat avec ce troisième album. Toujours aussi épris d’atonalités foncièrement dérangeantes (pléonasme ?), le Serbe délaisse néanmoins les compositions étirées à l’extrême de son précédent méfait, pour un résultat d’une remarquable richesse. ‘Omniscient hallucinatory delusion’ alterne moments de rage délurée et plages de tension suspendue, sans jamais se départir de sa nature maladive et outrancièrement torturée, que même un séjour prolongé en asile psychiatrique ne saurait guérir dans son entièreté. Bien plus ouvert et varié que le dernier Imperial Triumphant, il est à marquer d’une pierre blanche dans l’histoire du black metal dissonant et versatile, voire au-delà car c’est à mes yeux ce que le genre a produit de meilleur cette année.
https://www.youtube.com/watch?v=3u2Bp8DDHGE
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BLOOD FROM THE SOUL - DSM-5
(13/11/2020 - Deathwish Inc)
27 années auront été nécessaires à Shane Embury pour donner une suite à ‘To spite the gland that breeds’, premier album de son projet indus metal Blood From The Soul, qu’il avait à l’époque mis sur pied avec l’aide de Lou Koller. Le chanteur de Sick Of It All n’ayant visiblement pas pu se rendre disponible, le bassiste de Napalm Death s’est adjoint les services de Jacob Bannon, vociférateur chez Converge, et auteur du superbe visuel de ce nouvel opus. L’ajout de deux membres supplémentaires, dont un batteur en lieu et place de la boîte à rythmes, fait de ce ‘DSM-5’ un album plus organique que son prédécesseur, et qui rééquilibre la balance des influences industrielles et hardcore (ces dernières étaient minoritaires en 1993). Le résultat est, quoi qu’il en soit, d’une efficacité absolument imparable, mené tambour battant jusqu’à un étonnant final atmosphérique, et justifie sans la moindre contestation possible la résurrection de Blood From The Soul.
https://www.youtube.com/watch?v=5UnKQGuMors
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SELF HYPNOSIS - Contagion of despair
(21/08/2020 - Svart Records)
Le doom industriel est déjà un genre de niches parmi les genres de niches. Mais quand on décide de l’affubler de tournures progressives (entre autres par des changements de rythmiques fréquents), d’accordages djent et de ponctuelles touches gothiques, on joue clairement à l’ermite. Ainsi en ont décidé Gred Chandler et Kris Clayton, membres d’Esoteric, qui aux côtés du batteur Tom Vallely développent in extenso leur concept sur l’opus inaugural de ce projet parallèle. Intégralement écrit par Clayton, qui n’a rejoint Esoteric qu’après leur dernière livraison en date, ‘Contagion of despair’ affiche son unicité pendant 78 minutes, et n’est pas du genre, comme vous l’aurez sans doute compris, à se laisser dompter dès la première écoute. Mais en injectant à cette mixture iconoclaste l’immense force évocatrice et tourbillonnante (comme le subodore la pochette) dont Esoteric s’est fait une marque de fabrique, le trio donne à sa création une dimension incroyablement fascinante et un irrésistible goût de reviens-y. Donnez absolument une chance à Self Hypnosis, ne serait-ce que par simple curiosité.
https://www.youtube.com/watch?v=W2myYwRMULA
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IGORRR - Spirituality and distortion
(27/03/2020 - Metal Blade Records)
Si le terme ‘maturité’ est largement galvaudé en musique, il sied pourtant à merveille au Igorrr millésimé 2020. Le quatuor est solide sur ses appuis, sûr de ses atouts, et se montre ambitieux en signant son album le plus long et dense de son parcours, avec quatorze morceaux pour cinquante-cinq minutes. Et cerise sur le gâteau, sa musique semble couler de source : plus organique que précédemment, elle n’explore pas vraiment de nouveaux horizons, mais des mélodies ingénieuses jusqu’aux triturations de Gautier Serres en passant par les atmosphères baroques et les prestations vocales impeccables de Laurent Lunoir et Laure Le Prunenec, ‘Spirituality and distortion’ est un disque d’un naturel remarquable, au moins aussi enthousiasmant que ‘Savage sinusoid’, qui s’était déjà hissé dans le top 3 2017 de votre serviteur. C’est donc en toute logique que les Français réitèrent la performance cette année, en attendant de voir si, après un opus aussi abouti, ils seront en mesure de renouveler leur approche.
https://www.youtube.com/watch?v=Osqf4oIK0E8
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OMNIVORTEX - Diagrams of consciousness
(20/11/2020 - Concorde Music Company)
Formé en 2019, ce groupe finlandais délivre son premier album tout juste un an plus tard et montre un talent phénoménal. En neuf morceaux et soixante-six minutes, Omnivortex se présente d’ores et déjà comme l’un des plus sérieux candidats au passage de témoin entre générations du death metal tel que leurs compatriotes et voisins suédois l’ont sculpté puis ciselé depuis bientôt trois décennies. Qu’il s’agisse de ses variantes mélodiques, groove ou progressives (et d’un chouia de djent ponctuellement chatouillé par quelques accords très bas), le quatuor embrasse les principales branches du death moderne avec un naturel désarmant, positionnant sur le même plan l’exigence de composition et l’efficacité, pour un résultat qui ne souffre aucun reproche d’un bout à l’autre, quand bien même le morceau oscille entre quatre et onze minutes. ‘Diagrams of consciousness’ s’impose comme le meilleur album de death metal de 2020, et comme une découverte de toute urgence par tout amateur du genre digne de ce nom.
https://www.youtube.com/watch?v=io6FGYGnIDI
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ALKYMIST - Sanctuary
(01/05/2020 - Indisciplinarian)
Sludge, post, progressif, dark, gothique, industriel… Le doom metal forgé par Alkymist évoque tour à tour ces différentes appellations, bousculant ainsi toute tentative crédible d’étiquetage. Avec ce deuxième album, les Danois montrent la variété des paysages dont ils nous font percevoir les horizons, mais aussi et surtout l’étendue du formidable talent dont ils disposent pour les dessiner. Guitares exceptionnellement puissantes, riffs judicieux quand ils oublient d’être géniaux, rythmiques lancinantes, gutturalités parfaitement dans le ton et accalmies oxygénantes : le quatuor n’a pas son pareil pour bâtir une atmosphère de tous les possibles, qu’ils soient bénéfiques ou malfaisants. Interludes exceptés, ‘Sanctuary’ est de ces disques qui donnent à ceux qui daigneront lui consacrer de leur temps, l’illusion la plus forte, la plus viscérale et la plus jouissive dont le metal soit capable et que nombre de ses représentants cherchent sempiternellement à retranscrire au mieux : l’omnipotence. Indispensable.
https://www.youtube.com/watch?v=NcEl8amb5X0