Dommage de ne pas avoir posté vos réactions dans le topic animation car je trouve le film Super Mario Bros plus intéressant sous cet angle que pour son scénario.
D’abord, en vrai fan, je suis allé voir le film dimanche à New York. Votre manque d’implication me déçoit !
J’ai passé un bon moment parce que la quasi-totalité des critiques cinéma autour de moi, environ 7 ans de moyenne d’âge, étaient proprement extatiques. Un peu la même vibe que lorsqu’on passe au Nintendo Store de Tokyo, ou dans n’importe quel endroit dont les murs réverbèrent l’aura d’une masse d’enfants ravis d’être là.
C’est d’ailleurs une très bonne chose que le film soit hardcore focalisé sur la limite des 90 minutes, quitte à prendre des décisions drastiques pour enchaîner le script. Genre : introduire les karts comme moyen de locomotion naturel des Kongs, c’est absurde dans le scénario et ça engage le gros coup de mou de l’œuvre mais c’est très efficace pour les besoins du produit. J’espère que le succès monumental du film va renverser la tendance chez Disney à éterniser ses long-métrages.
Comme @AB-user j’ai surtout aimé le premier tiers du film, grosso modo jusqu’à l’entraînement chez Peach qui marque le basculement dans l’enchaînement nawak des scènes et beaucoup moins intéressant question scénario. J’applaudis la comparaison de @sopinambour avec le côté set pieces du design d’un jeu Super Mario mais je ne crois pas que ce fut fait exprès.
En parlant de lecture généreuse du film, je veux bien avaler que c’est un souci de fidélité à la marque, ou une incroyable bravado iconoclaste de la part des scénaristes désirant se libérer du Mythe du Héros, mais le truc qui me turlupine le plus, c’est l’absence total de character development de tous les personnages. Au mieux, Mario a amélioré son statut social et a gagné le respect de son père ? Euh, et le clébard est fier de Luigi ? À part ça, les persos n’ont pas évolué d’un iota du début à la fin de l’intrigue ; ce sont exactement les mêmes avatars tels qu’ils et elles ont été introduits dans le film.
Heureusement que ces personnalisations sont justement très réussies, façon 「Saturday Morning Cartoon」plutôt que 「chef d’œuvre de Pixar」, notamment grâce à un excellent boulot sur les animations-clefs des persos.
Je pense que la foule va surtout retenir Koopa/Bowser, a fortiori en VO avec la performance de Jack Black, mais c’est surtout le personnage de Peach qui m’a impressionné. C’est le cliché #girlboss du moment mais j’ai trouvé cette interprétation du personnage bien plus réussie que la plupart des récents persos féminins du même genre chez Disney/Pixar, qui semblent constamment avoir été conçues dans une éprouvette par un comité marketing pour répondre à un besoin de la marque Disney Princess (à part la gamine de Turning Red).
Peach me semble par exemple bien plus crédible et riche, dans ses animations comme dans son synopsis, que les deux sœurs de Frozen. C’est sans doute le plus mystérieux et le plus subtil de tous les persos du film, avec des motivations cohérentes mais sans s’éterniser ou verser dans le pathos : en quelque chose comme 120 secondes d’exposition cumulées ① on pige pourquoi elle est spéciale aux yeux de son peuple ② on pige pourquoi c’est un perso humain chez des champignons ③ on pige pourquoi elle a immédiatement une affinité naturelle avec Mario et ④ on pige pourquoi c’est elle le Obi Wan Kenobi du film. Et super taf sur le langage corporel du perso, fortement inspiré par sa version Smash Bros.
D’ailleurs, j’aimerais bien revoir un supercut de l’introduction de chaque perso, même mineur, car il me semble qu’à chaque fois les équipes de McGuff ont réussi à leur trouver un gimmick ultra-personnalisé et personnifiant pour immédiatement faire transparaître l’essence du personnage : l’intro de Kamek, l’intro de Mario, l’intro des frangins, l’intro de Toad, l’intro de Cranky, l’intro de DK etc.
C’est dans ces moments de mimique pure, façon « film muet qui doit faire comprendre immédiatement en trente secondes qui sont les gentils et les méchants » que je trouve le film au top. Du coup, le meilleur moment de cinéma de ces 90 minutes est probablement la scène de travelling 2D à Brooklyn, qui rappelle à la fois les jeux Super Mario évidemment, mais aussi le cinéma physique de Buster Keaton.
À part cette scène, le storyboard est globalement un bon cran en dessous des derniers grands Pixar (on est très loin du brio de Toy Story 4 par exemple), mais j’ai par contre été impressionné par l’effort de composition des scènes, notamment au Royaume Champignon. On a l’impression d’être transporté dans un monde qui existe bien au delà du confinement de la caméra. Un film d’animation que j’ai donc préféré sur la forme que le fond.