Demain, c’est loin… Du coup, je vous rajoute aussi quelques rattrapages de circonstance pour les Oscars de cette nuit.
Napoleon
La bio vitef’ de Napoléon, de son premier exploit militaire à son deuxième exil.
★☆☆☆ Beaucoup ont chié sur Napoleon pour son inexactitude historique; c’est pas tant ça qui me sort du film que ❶ Joaquin Phoenix (48 ans à l’époque du tournage) en jeune premier tombant fou amoureux de la MILF Vanessa Kirby (35 ans), et ❷ le film est trois fois plus long, trois fois moins juste et trois fois moins divertissant que les deux parties de Napoleonic Wars: Oversimplified sur Youtube. Ça la fout mal pour tonton Ridley. Essayez plutôt de voir celui d’Abel Gance.
Quel Oscar il va avoir : trois nominations techniques et surtout une petite chance pour la catégorie Best Production Design qui récompense généralement des techniciens bien installé•es dans la profession.
Quel Oscar il mérite : euh, celui des chevaux ? C’est un film extraordinaire de mise en scène des chevaux, des galops de chevaux et des morts de chevaux.
Kimitachi wa dō ikiruka (Le Garçon et le Héron)
Dans la campagne japonaise de la seconde guerre mondiale, un jeune garçon japonais vit son propre Alice au Pays des Merveilles en pourchassant un héron dans un monde onirique à la logique aléatoire.
★★★☆ Remplacez la psychosexualité pédophile de Lewis Carroll par le désir œdipien de Miyazaki de niquer n’importe quelle figure maternelle dans son sillage. C’est le meilleur Miyazaki depuis longtemps – notez que j’aime pas grand chose de sa prod depuis 20 ans donc ça ne me coûte pas trop de le dire – mais surtout grâce à Honda Takeshi, le véritable MVP du film. Un chef d’œuvre d’animation au service d’un film qui semble conçu en écriture automatique.
Quel Oscar il va avoir : ça se joue entre lui et Across The Spider-verse pour Best Animated Feature.
Quel Oscar il mérite : aucun des deux n’arrive à la cheville de The First Slam Dunk, mais bon.
Mars Express
Une détective privée et son coéquipier androïde tentent de résoudre un crime aux ramifications politiques inattendues, sur la planète Mars terra-formée du XXIIIème siècle.
★★☆☆ Je suis très content que ce genre de film et de nouvelle IP puisse exister en 2023. Je suis moins fan du film en lui-même. Le scénario est un peu teubé et l’univers ne tient pas la route au premier visionnage. Mais si je l’avais vu quand j’avais eu douze ans, j’aurais sans doute adoré, surtout qu’il étale un nombre de « j’ai la ref’ » à la limite du ridicule (pour un adulte) = sans doute très très cool (pour un gosse qui les découvre).
Quel Oscar il va avoir : rien, c’est pas encore sorti aux USA. Je suppose qu’il visera une nomination l’année prochaine.
Quel Oscar il mérite : ça dépendra de la concurrence en 2024 mais j’y crois pas trop.
Rapito (L’Enlèvement)
Inspiré d’un fait divers assez maboule, l’enlèvement politique d’un gamin du ghetto juif de Bologne par l’État Pontifical pour en faire un bon petit catholique, dans une Italie en plein Risorgimento.
★★★☆ J’ai trouvé ça fantastique mais très théâtral et très lancinant. J’ai surtout eu l’impression de ne pas avoir mon permis sur l’Histoire italienne et notamment celle des juifs italiens.
Quel Oscar il va avoir : rien, c’est Io Capitano (parait-il excellent) qui est nominé pour l’Italie dans la catégorie Best International Feature cette année.
Quel Oscar il mérite : la photo, sans doute. Ce film est une peinture.
Anatomie d’Une Chute
C’est l’histoire d’un type marié qui tombe d’un chalet de trois étages. Mais l’important, c’est pas la chute, c’est l’implosion de son mariage.
★★★☆ J’ai honnêtement pas pigé la hype autour du film, sur le coup. C’est excessivement bien joué – même le gosse et le chien sont brillants – mais le dénouement est un poil absurde, ou en tout cas totalement à l’encontre du réalisme froid du reste du film. Néanmoins, cela a été un plaisir de parler et débattre du film avec plein de gens a posteriori ; j’ai trouvé que ce meta-tribunal vox populi des motivations des personnages se mariait parfaitement avec le propos du film.
Quel Oscar il va avoir : fameusement snobé par la France pour concourir au Best International Feature, ce qui continue de faire ricaner les Anglo-saxons, il va peut-être gagner celui du meilleur original screenplay.
Quel Oscar il mérite : celui du meilleur casting, mais cette nouvelle catégorie ne sera décernée qu’à partir de l’année prochaine. Dans les nominations que le film a vraiment eus, je dirais donc Sandra Hüller en premier rôle féminin.
The Zone of Interest
Les turpitudes bourgeoises des Höss, sympatique famille allemande qui tente tant bien que mal de conserver et enjoliver sa petite maison bucolique pendant que papa dirige le camp d’extermination d’Auschwitz juste à côté.
★★★★ Le pitch est aussi génial qu’un poil trop on the nose ; on est d’accord. Et pendant les trois-quarts du film, je me suis dit qu’on aurait pu faire la même chose dans un court-métrage de dix minutes sans rien perdre du propos. Mais c’est la conclusion du film qui m’a convaincu. The Zone of Interest retranscrit très bien, de mon point de vue, la véritable horreur du nazisme : moins l’horreur frontale des crimes que leur industrialisation banale, où l’humanité des protagonistes perd complètement pied, comme une grenouille qui ne se rend pas compte que bouilloire éthique monte d’un degré à chaque minute. Excellente idée également d’avoir complètement zappé l’intrigue originale du bouquin (une histoire d’adultère entre la mère et un autre officier nazi servant de protagoniste) pour se concentrer sur le père et son quotidien. Une bonne piqûre de rappel avant les élections…
Quel Oscar il va avoir : Best International Feature, grâce au sabotage français mentionné ci-dessus.
Quel Oscar il mérite : sans doute Best International Feature, puisque The First Slam Dunk n’est pas nominé, mais je lui aurais surtout filé Best Sound (qui ira sans doute à Oppenheimer).
Godzilla -1.0
Et si, au lieu de passer visiter le Japon en reconstruction des années 1950, Godzilla etait venu foutre le sbeul juste pile à la fin de la Seconde Guerre Mondiale ?
★★★☆ Jusqu’aux dix dernières minutes, je trouvais ce film proprement magistral. Le meilleur Godzilla, et meilleur film de kaiju, de très loin. Cela tenait à quatre décisions : ❶ l’excellente idée de marier plus directement le traumatisme de Godzilla avec le PTSD des militaires japonais ❷ ne jamais rendre l’horreur des invasions de Godzilla glamour ou « cool » ❸ fortement intensifier l’aspect « monstre marin » de Godzilla, avec pas mal de séquences rappelant d’avantage Jaws que les anciens films de la franchise ❹ constamment promouvoir le salut de l’Humanité par la science et la fraternité plutôt que la violence militaire et l’héroïsme d’un homme. Je suis donc un peu déçu par deux détails dans la conclusion qui relativisent certaines de ces décisions et me font penser que je surestimais ses auteurs. Un peu décevant mais pas si grave : le plan de la science échoue et c’est bien l’acte de bravoure d’un pilote japonais armé d’une bombe qui va sauver le Japon. Beaucoup plus gênant : la conclusion complètement teubé avec la meuf qui survit, ruinant quasiment le propos du film. Je ne serais pas surpris si c’était une intervention de dernière minute du studio… Mais bon.
Quel Oscar il va avoir : gros outsider pour l’Oscar des Special Effects derrière The Creator, car Hollywood comme le public américain ont adoré le film.
Quel Oscar il mérite : les Special Effects, je suppose, mais je lui préfère les effets pratiques de Poor Things.
The Holdovers
Noël 1970 en Nouvelle-Angleterre : un gamin doué mais turbulent se retrouve coincé seul au pensionnat avec un prof de tutelle relou et la matronne de la cantine.
★★★☆ J’ai été assez déçu à la sortie car j’en attendais trop. À froid, c’est un chouette conte de Noël, tout le monde joue bien, pas de problème. Les relations des gosses qui accompagnent le héros au début du film m’intéressaient d’avantage que le rapport du protagoniste avec son prof ; j’aurais préféré une espèce de Breakfast Club pendant Noël avec toute une bande de gosses. Mais surtout, je crois que j’en ai soupé des années 70, a fortiori romantisées et dépolitisées à ce point. J’aurais voulu ce pitch avec des gosses et les problématiques de l’éducation en 2024.
Quel Oscar il va avoir : le meilleur second rôle féminin pour Da’vine Joy Randolph, qui a gagné tous les prix de meilleur second rôle cette saison.
Quel Oscar il mérite : bof, DJR est chouette mais j’ai été bien plus impressionné par Emily Blunt (et même Florence Pugh) dans Oppenheimer. Notez que Robert Downey Jr. aura à coup sûr le pendant masculin donc ça fera « DJR » et « RDJ » côte-à-côte au palmarès.
Theater Camp
L’été turbulent d’un camp de vacances de théâtre pour enfants acteurs, dont la patronne (criblée de dettes) subit un infarctus et se voit remplacée inopinément par son fils youtubeur complètement teubé.
★★★☆ Tout l’inverse du film précédent. Aucune hype, seulement à moitié convaincu par le pitch, choix « c’est court et y avait plus rien d’autre dans l’avion ». Ils m’ont eu au forceps. Ce film pue l’amour pour les acteurs, les enfants acteurs, et le théâtre. Le film est sincèrement assez bancal : ça commence comme un faux-cumentaire façon The Office et, comme n’importe quel de ces faux-cumentaires (à part C’est Arrivé Près de Chez Vous), le film oublie au bout de 20 minutes que c’est censé être un documentaire… Pas grave, tout déborde d’un enthousiasme contagieux. Les véritables protagonistes du film, un « couple » de profs qui n’osent pas s’avouer leurs véritables ambitions et névroses professionnelles , m’ont bien plus touchés que le personnage de Giamatti dans The Holdovers.
Quel Oscar il va avoir : rien, ce film est passé inaperçu.
Quel Oscar il mérite : rien, faut pas déconner.
Poor Things
Dans une Europe Steampunk fantasmagorique, une Fiancée de Frankenstein nommée Bella, vierge comme une page blanche, découvre le Monde, les contradictions morales de la Société, sa sexualité et son identité.
★★★☆ En gros : « et si Barbie avait été réalisé par Jeunet et Caro en 1993 ? » Je n’ai pas vu autant de Fish Eye depuis La Cité des Enfants Perdus, qui a énormément inspiré le film. C’est try too hard à gogo et je comprends totalement qu’on puisse passer à côté, mais j’ai passé un bon moment dans cet univers et je me suis souvent marré – l’humour du film est piquant. Par contre, je suis franchement surpris que le film n’ait pas subi un énorme backlash car c’est finalement un message beaucoup moins féministe que Barbie, qui plus est écrit et réalisé par deux vieux mecs, pour une morale saluant finalement la victoire de la petite bourgeoisie et du couple hétérosexuel conventionnel sur toutes les aspirations larvées de libération sexuelle, socialo-politique et économique de l’héroïne. Mais puisque c’est Emma Stone qui a produit le film…
Quel Oscar il va avoir : tout plein d’Oscars techniques, costumes, peut-être décors et maquillage. Emma Stone est aussi l’une des deux favorites pour le rôle de meilleur actrice principale.
Quel Oscar il mérite : j’aurais donné les décors (= Production Design aux Oscars) à Barbie et les costumes à Poor Things, perso. Mais je vois bien Poor Things gagner les deux.