Vu Spider-Man No Way Home. C’est sympatoche. L’attaque du film, pleine de peps, vaut le coup d’œil, c’est plutôt bien joué dans l’ensemble, et il y a (un peu de) Dr. Strange donc ça ne peut pas être nul de toute façon. Quand même un goût d’inachevé avec ce scénario-prétexte un peu bidon (oh zut tout le monde connaît l’identité de Spider-Man, il faut jeter un sort d’amnésie collective, oh zut le sort a eu l’effet inverse, il y a des méchants !). Franchement on est à ça du filler en jeu vidéo (j’ai d’ailleurs vraiment eu peur à un moment que le film ne consiste littéralement qu’à aller chercher un à un les méchants pour les mettre en prison). Puis ça part en truc un peu plus inattendu (en tout cas pour les trois pelés comme moi qui n’avaient tellement pas capté l’existence de ce film qu’ils avaient réussi à ne pas se faire spoiler. Cela accouche d’une scène façon « Le cœur des hommes » assez inattendue, et franchement rigolote. Pour le reste, hors l’intro au montage remarquable, ça n’est visuellement intéressant que quand Dr Strange est à l’écran, c’est-à-dire pas si souvent.
Au-delà du spectacle lui-même, agréable, discrètement méta(verse) et tout à fait oubliable, le film me paraît intéressant pour deux points. Le premier, c’est sa manière ultra frontale de faire référence à l’ère Trump : Spider-Man est poursuivi par des intox infamantes, la société est divisée entre ses fans et des complotistes (ils sont présentés littéralement ainsi) qui le détestent, et l’unique présence médiatique est celle d’un animateur cynique et rauque dont l’emballage visuel est celui de RT et le style une parodie à peine voilée d’Alex Jones, le mec derrière Info Wars, bastion historique du conspirationnisme d’extrême sur le web ricain. Ça donne rétrospectivement une couleur intéressante à ce Spider-Man en tant que photo d’époque : à la première trilogie des années 2000 qui se montrait fédératrice, le Tisseur y étant le symbole triomphant du New York post-11-Septembre (c’est en tout cas les souvenirs que j’en ai, je ne les ai pas revus depuis), près de deux décennies plus tard, il navigue dans une mégalopole divisée, polarisée, et qui chose étonnante, n’a pas besoin d’ennemi, car elle a enfanté le sien : la défiance et l’anémie sociale. Rien de révolutionnaire évidemment, c’est encore plus facile à raconter en 2021 qu’en 2016, mais bon, ça colore le film.
Politique mis à part, je n’avais initialement pas prévu de voir le film, ni même de Marvel, ayant le sentiment d’avoir très largement fait le tour. Je pense avoir vu un bon 70-80 % des Marvel sortis ces deux dernières décennies. Même ainsi, j’ai réussi à me retrouver largué dans le scénario à plusieurs reprises, la faute à des persos dont l’arc, voire l’existence même m’avait échappé. Je ne saurais dire si c’est la faute du film ou la mienne. Je pense surtout que tout Sony qu’il soit, Spider-Man No Way Home pousse très loin le nouveau contrat de spectateur institué par Marvel : il ne présuppose même plus qu’on puisse aller voir le dernier long métrage en date sans avoir une connaissance globale du Marvelverse, ou un abonnement Disney+, ce qui est devenu plus ou moins la même chose. Je trouve ça aussi fascinant qu’un peu triste. C’est pas mal aussi d’arriver dans un film et de pouvoir tout découvrir sans avoir l’impression de tout rater. Mais c’est peut-être un peu trop cinéma hollywoodien d’avant, et comme l’annonçait subtilement le titre de ce Spider-Man, il n’existe aucun moyen de revenir en arrière.
Matrix Reloaded. Revu en speed. C’est fou comme c’est nul. Jusqu’à ses vingt dernières minutes, le film se contrefout de sa propre mythologie, c’est juste un bête film d’action un peu kitsch dont les seuls moteurs sont les bons sentiments, un chara design tape-à-l-oeil et la performance volontiers cabotine de Lambert Wilson. À un moment, j’en suis arrivé à la conclusion que Matrix et Star Wars sont des jumeaux inversés : Matrix premier du nom est la la prélogie explicative réussie d’une duologie (?) d’action-SF dont tout le monde se carre, là où Star Wars 1 est la prélogie explicative dont tout le monde se fout d’une trilogie d’action SF réussie. Je me demande ce qui se serait passé dans un monde où leur ordre respectif de sortie aurait été inversé.
Matrix Resurrections. Vu sans avoir trouvé le temps de revoir le 3 en entier (ça aurait pourtant aidé). Et… Boarf. La première demi-heure très méta et franchement autoparodique m’a mis de très bonne humeur, la suite m’a achevé d’ennui. C’est ni un remake ni un reboot, juste une suite qui joue, parfois habilement, parfois moins, de son univers pour retomber sur ses pattes d’un point de vue scénaristique. À la limite, le film a le bon goût de parfois surjouer l’autocitation, mais ça ne maquille pas assez une ironique sensation de déjà-vu - et, surtout, plus embêtant, de rien a raconter. Franchement, à certains moments, passé le petit jeu un peu méta du début, et dès que l’on sort de la matrice, ça devient aussi générique qu’une trouzieme suite de Terminator. C’est du cinéma de collage, avec des motifs réassemblés, un peu comme une Star Wars VII (quelques moments d’autodérision salvateurs en plus). Accessoirement, j’ai également été un peu dérangé par le changement de style de Lana Wachowski, qui filme beaucoup plus en lumière naturelle et a renoncé à l’étalonnage verdâtre et les contrastes appuyés qui ont fait la signature de la trilogie. En soi je m’en fiche, je ne suis pas conservateur ni très attaché à cette dernière, c’est juste que je n’y vois aucune justification scénaristique probante (ok je sais il y en a une mais on ne va pas se mentir, c’est plus une explication commode qu’une véritable raison). J’ai parfois eu l’impression d’être devant des plans de Cloud Atlas ou Sense8, pas Matrix - c’est d’ailleurs assez assumé. Du reste je ne suis pas un très grand fan du cinéma des Wachowski, que je trouve assez dégoulinant de mièvrerie, et ce Matrix 4 ne m’a pas fait changer d’avis. Et je vous passe sur les répliques sorties de nulle part (wtf le rant du Merv) et le TGCM permanent des scènes dans la matrice. Quelques bonnes surprises quand même : la présence et la performance de Neil Patrick Harris dans un rôle aussi inattendu que taillé pour lui ; et quelques scènes visuelles de robot sympathiques quoique très secondaires.
Plus en profondeur, j’ai un peu eu l’impression de voir un film d’autocongratulation de Lana, une œuvre à l’autogloire des Wacho, qui se moque davantage du fandom et de la Warner que de leur propre œuvre, certes majeure dans le paysage de la pop culture mais enkylosée dans un premier degré, un fatras de métaphysique de pacotille et un héritage interlope qui quitte à faire dans le méta, laissait un peu plus de place à l’introspection critique.