Il y a des trucs sympatoches dans le Spider-Man multiverse (enfin, surtout une scène rigolote, plus l’intro impec et un passage Dr Strange complètement DrStrangesque), mais 1/ faut avoir suivi toutes les aventures principales et secondaires pour tout capter 2/ comme tout machin à base de multiverse, il y a un côté TGCM permanent un peu facile et fatigant. 3/ Il y a un moment où ça semblait scénaristiquement tellement foireux que j’avais l’impression d’être dans un spin off en JV, dans lequel on peut s’autoriser un découpage à la Megaman, avec des persos et des zones complètement déconnectés les uns des autres. Mais dans l’ensemble j’ai trouvé ça très dispensable.
Récemment, j’ai vu: Nightmare Alley. C’est top, et de loin le meilleur film que j’ai vu au cinéma ces deux dernières années (ce qui le place donc, je crois, si je calcule bien, 1er sur 5, GG Del Toro). Non, sérieusement, c’est très bien. Un cinéma de gueule et d’ambiance, qui d’un côté recrée les foires aux étrangetés des cirques de l’entre-deux-guerre, pour mieux derrière décocher sa bile sur les mécanismes de la crédulité et ceusses qui sont passés experts pour jouer des autres et de leur envie de croire. Faut-il le préciser, on y suit un fuyard au passé trouble qui se découvre une vocation de mentaliste, dont il s’énivre peu à peu. C’est incroyablement actuel, et en même temps ça a la patine d’un film qui aurait pu être fait il y a 20 ans ou dans 20 autres sans que ça vieillisse. Plein de scènes d’une intensité remarquable, un casting grand luxe, une noirceur jubilatoire, une photo lugubre et décalée à souhait, une histoire maîtrisée de bout en bout… Non vraiment, c’était très bien, je recommande.
After Life. Ecoutez, jugez-moi, mais je connaissais mal Ricky Gervais, passé son sketch dévastateur aux Golden Globes. Je n’aurais sans doute jamais donné sa chance à cette dramédie sur le deuil si madame n’avais scandaleusement joué son joker « c’est mon tour de choisir », et franchement, c’était bien. Déjà, c’est court, trois saisons de six épisodes de vingt minutes, il devrait presque y avoir des lois pour que ce soit le format règlementaire. Ensuite, c’était fin, touchant, émouvant sans être tire-larme, drôle quand la gravité s’installe un peu trop. Je crois que j’apprécie beaucoup le fait que la série soit capable de passer de vannes sur Kierkegaard à des blagues idiotes à base de prouts. Il y a un côté très c’est comme ça la vie ©, des moments de grâce qui succèdent à du vaudeville grotesque ou l’inverse, des hauts et des bas, des persos dégoulinants de défauts et pourtant attachants, à l’image du gimmick récurrent de chaque épisode ou presque, un reportage pour la feuille de chou d’un coin paumé d’Angleterre sur un habitant dont le fait de gloire est d’avoir un fils qui joue de la trompette avec les narines ou qui croit voir des portraits d’hommes célèbres dans un dégât des eaux. C’est terriblement et délicieusement pathétique, et pourtant jamais tout-à-fait moqueur. Et puis, on s’attache à cette bourgade systématiquement filmée en trois-quatre plans fixes récurrents, toujours ensoleillée, on se croirait parfois dans un diorama. La seconde saison, la plus fleur bleue, est à mon goût la moins intéressante, mais il y a vraiment plein de moments très beaux dans la 1 et la 3.
Big Bug. Je. Qu’est-ce que. Pourquoi ? Ok, les interviews de Jeunet prévenaient que ce serait bizarre. Mais quand même, je m’attendais pas à cette espèce de sitcom AB Productions avec des robots Bonaldi. Et, franchement, je n’aurais pas été coincé dans un train, je ne sais pas si j’aurais tenu plus de quinze minutes. J’ai beaucoup dû me forcer, même si la fin est moins pire. C’est incroyablement cringe. Le plus étonnant, c’est que c’est voulu: tous les persos sont plus tête-à-claque les uns que les autres, et il n’y a aucun doute possible sur le fait que c’est voulu, mais quand même, qu’ils sont tête-à-claque. Les robots uncannyvalléent à n’en plus quoi faire et on ne peut pas le leur reprocher, c’est quasiment littéralement dans le cahier des charges de cette comédie en huis clos, qui, devinez quoi, s’interroge de manière très novatrice sur le propre de l’humain. Je retrouve Jeunet sur le jeu d’acteur volontiers naïf et caricatural, époque Amélie Poulain, et cette manière de filmer très signature, grand angle collé au bout du nez en légère plongée, couleurs saturées et grands yeux éberlués, ce n’est même pas du théâtre mais un aquarium parlé. Non, vraiment, le côté rassurant est que ça a été voulu pour être bizarre, et c’est un peu rassurant que ça existe. Mais alors qu’est-ce que c’est douloureux à voir. D’autant que, et désolé Jean-Pierre, mais tu es désormais un gros boomer, les dialogues « oh la la dans le virtuel tu peux pas embrasser les filles » c’est juste pas possible, les blagues lubriques permanentes c’est juste pas très drôle, et tes références qui se veulent malines à la pandémie qui pue le gasoil et la saucisse d’un convoi des libertés, ben on s’en passe en fait. Bref, ma seule fierté est d’être allée jusqu’au bout et de pouvoir vous dire : « je me suis sacrifié pour vous, j’ai pris la balle à votre place, mais si vous franchissez cette porte malgré tout, vous aurez été prévenus ». Allez, heureusement qu’il y a deux robots et demi qui sont cools.
Peaky Blinders. Je suis très en retard à la fête, ça faisait des siècles que je voulais me lancer après en avoir régulièrement entendu le plus grand bien, mais j’ai eu beaucoup de mal à rentrer dans les deux premiers épisodes, très arides. J’ai rien contre les reconstitutions historiques, mais je suis pas expert du Burmingham de l’entre-deux guerres, et la série n’a manifestement aucune pitié pour ceux qui n’ont pas fait leurs recherches. Par contre, une fois qu’on rentre dedans, pfioupfioupfiou, quelle démonstration ! La photo est à tomber par terre, avec des compositions, des cadrages, des jeux de lumière et d’atmosphère à en pleurer de puissance ; un jeu d’acteur redoutable ; une ambiance poissarde à souhait ; des dialogues écrits au cordeau malgré quelques petites facilités scénaristiques, et à chaque regard caméra Cillian Murphy me fait douter de ma sexualité. J’en suis qu’à la fin de la saison 1, je savoure comme il se doit comme un bon whisky irlandais bien tourbé, en priant pour que la suite soit du même tonneau (vous l’avez ?).