Je pense que, comme partout, cela varie énormément entre les boîtes (et les industries) et que chacun cherche encore la bonne formule.
Ça a été un énorme problème et choc culturel au Japon, probablement encore plus qu’ailleurs dû à la ritualisation de la vie de bureau et de ses codes. (Je suppose que la Corée vit un truc relativement similaire mais je connais moins.)
Par exemple, cela a complètement chamboulé les cérémonies de bureau d’intronisation et de départ d’employés, l’arrivée des « nouveaux » en avril et les premiers mois qu’ils et elles passent ensemble, ce qui forge aussi la culture des sempai/kōhai et l’importance de faire partie de la même année de promotion qu’un autre employé.
Cela a aussi annulé deux années consécutives de fêtes de fin d’année pour les départements, un moment socio-culturellement bien plus important qu’ailleurs mais aussi un énorme coup dur économique sur le business local de la restauration.
D’un autre côté, cela a je crois fichu un grand coup de balai sur des idées préconçues concernant les horaires de travail, et c’est arrivé justement en pleine remise en cause du pointage horaire à la japonaise suite au scandale de karoshi chez Dentsu. Donc je crois que cela a fait avancer les choses, notamment pour les jeunes parents et en particulier les jeunes mères qui auront sans doute moins de pression sociale les incitant à quitter le boulot afin de s’occuper de leurs gamins.
Le télétravail a aussi remis en cause le rôle de certains mid-managers et l’intérêt de certains meetings, un peu comme partout, mais peut-être de manière encore plus flagrante.
Ceci dit, je ne crois pas du tout à une normalisation à long terme du télétravail.
Déjà, au niveau de la densité urbaine et de la qualité des infrastructures de transports publics, la situation est sans commune mesure avec l’Amérique du Nord. Ensuite, bosser à la maison casse les couilles de pas mal de monde, dans des baraques pas pensées pour ça, et bien plus petites que le pavillon américain moyen. Sans parler du fait que plein de Japonais n’ont pas du tout envie de passer plus de temps avec leur famille, ni que leur coinjoint•e soit constamment au courant de leurs activités.
Et c’est un constat plus global mais le télétravail est juste pas aussi efficace et tangible que le contact humain. Comme le prédisait cyniquement un type en parlant d’Electronic Arts « vous verrez que le télétravail sera beaucoup moins populaire quand les gens restés à la maison auront été oubliés à la prochaine vague de promotions ».
Par contre, je ne doute point que cela va rester une solution viable pour certains métiers (genre les programmeurs) et grandement favoriser certaines situations spécifiques ou temporaires (handicaps, employé qui doit retourner s’occuper de sa famille, etc.).