J’ai commencé les fêtes sur le même menu que d’habitude : plein de jeux petits ou moyens, certains que j’avais envie de jouer depuis longtemps, d’autres un peu inattendus mais qui ont surgit dans une liste de jeux ici ou là, et hop hop hop, essayer de me faire au moins un jeu par jour.
Bon, le premier problème était bien sûr Minstrel Song qui a fini l’année avec la plus grosse boule de comfort food possible dont j’ai eu du mal à me détacher.
De là, j’ai fait Nobody saves the world, des mecs de Guacamelee. C’est un Link-to-the-past like, avec un personnage qui peut se transformer en un tas de choses (cheval, limace, magicien, tortue, chevalier, etc), chaque forme ayant des capacités spécifiques en combat, dans une carte rectangulaire qui s’ouvre progressivement au fur et à mesure qu’on trouve les médaillons.
J’avais fait le premier Guacamelee il y a bien longtemps, et Nobody me fait un effet similaire au souvenir que j’ai gardé de celui-ci : c’est très joli, ça se contrôle bien, la musique est super, par contre, en vrai, osef un peu. Enfin, pas jusque-là, mais le jeu a suffisamment peu de friction pour ne pas avoir de raison de le lâcher, mais j’aurais préféré davantage de raisons intrinsèques de continuer.
Dans un jeu normal, je me serais attendu à une progression à la Zelda jusqu’au bout : chaque donjon donnerait une nouvelle forme, et les formes auraient des pouvoirs de déplacement qui permettraient d’atteindre des trésors ou des zones nouvelles. Mais non ! À part le rat qui peut se faufiler dans les tunnels et les quelques créatures comme la tortue ou la sirène qui peuvent nager, toutes les formes offrent des possibilités similaires et ne diffèrent réellement qu’en combat. On les récupère progressivement en jouant, selon un système d’achievements : chaque forme a une liste spécifique (utiliser tel coup X fois, tuer 5 gars d’un coup avec telle attaque, combiner la forme avec telle capacité d’une autre forme X fois, etc). Chaque achievement réussi donne de l’XP à cette forme, et quand elle a un certain niveau, hop, on peut débloquer la suivante.
Du coup, paradoxalement, le jeu consiste moins à explorer ou à combattre qu’à remplir ces achievements. Ça fait une série de micro-objectifs constants donc on a toujours l’impression de progresser, mais de la façon la plus vaine qui soit : au lieu de progresser parce qu’on a battu un donjon coriace et qu’on a gagné un nouvel objet utile, on ne progresse que parce que les barres se remplissent, et elles débloquent d’autres barres qui se remplissent aussi, et ainsi de suite. L’autre incidence que ça a sur le combat est qu’il n’est là que pour remplir les barres de progression : le jeu n’a aucune pénalité de mort, on reprend juste à l’écran précédent et c’est tout, du coup lorsqu’on trouve une situation idéale pour farmer certains achievements (une suite d’ennemis qui permet d’aligner des combos, ou faibles à certains éléments qu’il faut utiliser X fois pour une forme, etc), on se retrouve simplement à courir dans le tas, marteler le bouton de l’action demandée jusqu’à ce que le gang de monstre ou le personnage meure, et on recommence jusqu’à avoir rempli tous les achievements demandés ou qu’on a fini le donjon par mégarde. C’est une bonne chose que le jeu n’ait pas de pénalité plus lourde parce que je pense que ça aurait juste rendu le jeu plus frustrant sans régler le problème au coeur du design.
Après… ma foi, je l’ai fini. Cette suite de micro-objectifs m’a quand même tenu jusqu’au bout. Au final, c’est un bon jeu à podcasts, j’imagine ? J’ai fini toutes les archives de Maintenance Phase et de If Books Could Kill, donc, merci Nobody saves the world finalement.
J’ai continué avec quelques jeux pas particulièrement notables, jusqu’à ce que je décide de ré-essayer Crusader Kings. J’avais longuement essayé le 2, regardé des heures de tuto, essayé tous les points de départ conseillés, et je n’ai jamais vraiment réussi à saisir la bête et à m’amuser vraiment.
Pourquoi j’ai acheté le 3, alors ? Parce que je suis con, OK. Mais donc, le 3 était là, j’avais rien à faire, le Steam Deck était en charge donc j’étais obligé de revenir sur mon desktop, donc, allez, ça fait 1 an, le jeu a été patché, y’a eu quelques DLC, voyons voir.
Eh ben ÇA Y EST ! Je suis dans la matrice, le déclic s’est fait, et je m’amuse ENFIN !
J’ai commencé en Irlande comme dans le 2, et les deux couches du jeu ont enfin fonctionné pour moi. De mon petit duché, j’ai sauté d’un comté à l’autre, repoussé des raiders viking, magouillé pour faire excommunier mon voisin et lui prendre son titre, marié ma petite-fille en Cornouailles pour obtenir un soutien logistique, et enfin fondé le royaume d’Irlande. En tant que jeu de stratégie « peignons la carte en monochrome », ça a enfin cliqué.
Et en tant que jeu de rôle, je n’ai pas surjoué le meme « lol je vais assassiner toute ma famille et épouser la mère, la femme et la fille de mon ennemi tout en baisant ma propre sœur », j’ai pris le personnage tel qu’il était formé et j’ai role-play comme je pense qu’il aurait réagi. Du coup, mon règne n’a pas eu de moments incroyables à poster sur Reddit, mais j’ai quand même fait et défait quelques alliances, me suis fait trahir par mon cousin qui a fini dans mon cachot, ai été déçu par mon fils qui était proprement médiocre, donc je l’ai marié à une fille brillante pour tenter d’avoir plus de chance à la génération suivante, j’ai ensuite souffert une terrible opération chirurgicale qui m’a laissé castré (terrible malus de réputation, mais aussi aucun risque d’avoir davantage de fils, donc mon héritage/territoire ne sera pas partagé), et, pressé de finir l’établissement du royaume avant ma mort parce que j’avais 0 confiance en mon fils, j’ai aligné les batailles jusqu’à ce que par pure chance, mon idiot de fils meure en combat et que mon seul héritier soit un petit-fils à peine né, avec plein de bons bonus, que j’ai donc choyé pour pouvoir me remplacer dignement à ma mort. L’excitation inespérée que j’ai eu en lisant la notification que « mon fils a perdu un bras dans la bataille et la gangrène a emporté ce qu’il restait » m’a vraiment surprise, je ne m’étais pas rendu compte que j’étais plongé dans le côté narration émergente du jeu autant, j’en ai profité pour usurper le duché de Mann pour l’occasion tellement j’étais jouasse.
J’ai du mal à déterminer exactement pourquoi cette fois ça a marché, alors que la sauce n’avait jamais pris dans le 2 malgré mes nombreuses tentatives. J’imagine que d’abord, Paradox a bien compris que le côté jeu de rôle était la facette saillante de CK2 qui le séparaient du reste du catalogue, et ils ont donc renforcé cet aspect en simplifiant le reste (en gros, j’imagine que si on veut faire la guerre, on a Hearts of Iron, si on veut la simulation économique hardcore, on a Victoria, si on veut le jeu Civ-like qui fait un peu tout on a Europa Universalis, donc aucune raison de forcer CK3 à concurrencer les autres jeux sur leur terrain).
Le jeu n’est pas particulièrement simple, mais j’imagine que mes tentatives avortées m’ont au moins préparé à savoir où regarder pour trouver les infos, comprendre les actions importantes, et le degré qui a été simplifié est justement celui que je n’avais pas réussi à saisir, donc je suis juste au sweet spot. Ça reste quand même un jeu assez différent d’autres 4X en termes d’interface, avec une masse de nombres qui progressent très lentement par inertie plus qu’autre chose.
La majorité du budget est donc passée dans le renforcement du rôlisme, et c’est un beau succès. Chaque personnage a son modèle 3D simpliste mais identifiable, qui grandit et vieillit, montre les blessures, maladie, défigurations et lèpre, avec des animations minimales pour donner un côté vivant à la chose, et l’interface a été élargie pour mieux pouvoir cliquer à l’infini dans les arbres généalogiques, les relations de pouvoir ou de clientèle, et donner à chaque trait de personnalité un poids plus « réel » qu’une simple modification aride « ce trait donne +1 à telle stat mais -2 à telle autre ». De nombreux petits évènements permettent de vivre les moments de la vie où le personnage et son entourage gagne des traits positifs ou négatifs de façon organique, et la customisation a été très approfondie, avec chaque personnage ayant une passion (un arbre de compétence, mais cool), une tradition culturelle que l’on peut modifier mais qui nous influence en retour, une religion qui peut aussi être influencée si l’on décide d’usurper le pape ou créer sa secte (il faudra que je joue un musulman pour voir comment ils ont géré l’Islam), un rayonnement de sa maisonnée, et enfin une tradition dynastique, chaque élément influençant les autres tout en fonctionnant en fond à son propre rythme très lent, avec une implication « c’est des évolutions générationnelles, votre personnage ne peut avoir qu’une influence mineure sur elles, mais votre arrière-petit-enfant en récoltera les fruits si les générations entre temps ne foirent pas la succession ».
Le système qui cristallise le mieux l’identité affirmée du jeu se trouve dans le premier DLC, qui permet de tenir sa cour (oui, c’est un jeu Paradox, on va avoir des pluies de DLC pour les 10 prochaines années sur ce jeu)(et c’est tant mieux)(encore qu’apparemment le DLC le plus récent est pourri donc je l’ai skippé).
Quand on arrive enfin à être roi, on peut donc visualiser sa propre salle du trône, que l’on peut customiser avec des objets ayant un sens (bannière dynastique, cadeau des voisins, trophée de guerre, objet d’art créé avec notre patronage, etc), décider combien d’argent on veut investir dans quelle mesure d’ostentation pour en assurer la splendeur (qui est aussi une mesure de son rayonnement et de sa puissance, donc c’est important de projeter plus de splendeur que la vraie puissance de son royaume ne mérite pour être pris au sérieux), et surtout, les courtisans, qui jusque-là n’étaient que dans des menus, apparaissent physiquement, en train de discuter entre eux (Et parfois on peut écouter leurs conversations et découvrir des secrets, comme quand j’ai découvert qu’un de mes chevaliers faisait la cour à la veuve de mon fils) ou en train de présenter des doléances ou des requêtes diverses au pied du trône. C’est peut-être un peu dommage que ce soit limité aux rois et aux empereurs, parce que c’est probablement le seul truc du jeu qui « pousse » à augmenter son domaine jusqu’à atteindre le titre, mais j’imagine que ça aurait été vraiment trop difficile de faire ça aussi pour les petites baronnies et les évêchés au fin fond de la campagne.
Je crois que les scénarios les plus absurdes du 2 ne sont pas (encore ?) dans le 3, donc pas d’invasion aztèque, d’invocation de Cthulhu ou de pape cheval. Mais la quantité de saynètes est déjà gigantesque (les royaumes catalans peuvent avoir un évènement unique où ils peuvent inventer l’horchata !), la variété de paramètres fait que la même scène peut se dérouler différemment selon son personnage, les personnages ont une vraie identité et jouer « contre son rôle » augmente le stress du personnage, et bon, c’est un jeu qui va recevoir une extension tous les 6 mois donc ça ne fera qu’augmenter tant que Paradox ne chie pas dans la colle.
Le 2 avait mélangé les extensions territoriales (ça déconnait déjà quand ils ont ajouté l’Inde, à la fin ils ont carrément ajouté les Song), les développements rôlistes (le Judaïsme, la peste noire, Charlemagne) et les enrichissements de système (le nomadisme, les républiques marchandes).
Beaucoup de ces éléments sont déjà dans le 3, donc les expansions seront probablement davantage des approfondissements d’éléments existants (C’est déjà le cas de l’Islam : le 2 avait ajouté l’Afrique du nord dans un DLC avec la possibilité de jouer un musulman, alors que dans 3, c’était possible dès le début, mais un DLC a spécifiquement renforcé l’expérience musulmane tout en enrichissant la péninsule ibérique et en ajoutant des finesses sur les hybridations inter-culturelles). Je suis vraiment curieux de voir comment le jeu sera dans 10 ans.
Mais surtout, j’ai l’impression d’avoir enfin vaincu un ennemi notoire, j’arrive enfin à m’amuser à Crusader Kings, j’avais abandonné tout espoir, c’est la fête ! Qui sait, en 2028 j’arriverai peut-être à m’amuser à Monster Hunter ?