Thématique JAUNE cette semaine.
Super Mario Advance 4
Emporté par la hype collective pour Super Mario Bros. Wonder, je me suis farci tous les niveaux de Super Mario Bros. 3 dans sa version GBA, donc celle avec les 38 niveaux inédits, à l’origine débloqués par des cartes à collectionner et le périphérique eReader.
Ces 38 niveaux sont assez chouettes, parfois très retors ou « conceptuels », et introduisent une mécanique de grosses Advance Coins à collectionner, à la façon des Dragon Coins de Super Mario World. À essayer si vous voulez par exemple voir Mario avec la cape de Super Mario World soulever un navet géant du premier Super Mario Advance dans un niveau désertique basé sur les tuiles de Super Mario Bros. 3.
Sinon, pour en revenir à cet éternel marronnier chez les jeunes quadra, j’avais gardé en tête que je préfère Mario 3 à Mario World, mais honnêtement je n’aurais plus été capable d’expliquer pourquoi ; rejouer à SMB3 sans rien zapper avec les flûtes magiques m’a rafraîchi la mémoire. C’est dingue comme quasiment tout ce qui est cool dans World est déjà dans ce jeu, et même 64 lui doit beaucoup (finalement Mario 64 est un peu le fils spirituel de Mario 3, Mario Land 2 et Donkey Kong ‘94).
Le seul gros défaut de cette version, c’est la qualité sonore assez pérave de la B.O., les synthés crachoteurs de la GBA n’étant vraiment pas faits pour le ragtime enthousiaste de Kondo.
The Many Pieces of Mr. Coo
Le Mr. Coo éponyme peut littéralement être découpé en petits morceaux donc je croyais que cela allait être un puzzle game aussi loufoque que complexe ; finalement, il faut plutôt imaginer une espèce de dessin animé interactif façon Brain Dead 13.
Je découvre que c’est adapté d’une série espagnole à succès de courts-métrages sur Youtube. C’est merveilleusement animé et je le recommande à n’importe quel fan (ou pro) d’animation sur ce forum. Les couleurs et la prédominance de fonds noirs au début du jeu rendent aussi fantastiquement bien sur l’écran de la Switch OLED. Essayez au moins la démo.
Par contre, le jeu proprement dit n’est pas très intéressant. C’est donc un point & click très basique où il s’agit plutôt de cliquer au pif pour découvrir avec quoi on peut interagir, découvrir ce que ça fait et parfois comprendre l’enchaînement logique de certaines interactions pour sortir de la scène actuelle.
Le seul aspect ludique que je trouve intéressant est que le jeu tente le pari de se laisser jouer intégralement sans aucun texte (à part le bouquin de hints qui a marqué hints dessus, dommage !). Mais si c’est l’aspect linguistique qui vous motive, je recommande bien d’avantage…
Chants of Sennaar
Gros buzz depuis quelques mois pour ce projet indé français signé chez Focus. C’est amplement mérité, d’autant que c’est le jeu #Bouledefeu absolu de 2023, avec des thématiques de linguistique, d’anthropologie et de différences culturelles dans un univers BD belge ligne claire inspiré par Escher, Möbius et de Chirico. Encore une fois, un jeu sublime sur OLED. (Et encore une fois, y a une démo dispo.)
Je ne savais pas grand chose du jeu avant de le lancer, mis à part son style visuel et qu’il fallait décrypter une langue fictive pour avancer. Je vais procéder par paragraphes pour décrire progressivement comment le jeu fonctionne mais n’hésitez pas à zapper le reste dès que vous êtes concaincu(e)s.
TL;DR: c’est une espèce de Heaven’s Vault en plus réussi car plus concentré, et dans la veine des récents progrès du jeu d’enquête établis par Her Story, Obra Dinn ou Golden Idol.
Dans une espèce de citadelle fortement inspirée par le mythe de la Tour de Babel, on incarne un protagoniste anonyme qui va essayer de grimper au sommet de la tour. Pour avancer, il va falloir résoudre des puzzles principalement basés sur la compréhension du language fictif de la population locale. Il s’agit d’idéogrammes organisés via une grammaire très basique, et le joueur peut attribuer à chaque idéogramme ses propres intuitions concernant leur traduction (comme le GO affiché en gris ci-dessus).
Une fois qu’on a découvert suffisamment d’idéogrammes ayant un lien logique entre eux, et généralement prouvé via une petite énigme qu’on a grosso modo compris le sens des mots en question, le jeu propose de les associer à des images dans un bouquin pour vérifier la compréhension des joueurs. Les mots identifiés correctement sont ensuite traduits « officiellement » par le jeu avec un texte blanc, pour éviter de trop planter le joueur. Ainsi, pour reprendre l’exemple ci-dessus :
Je sais que YOU et DOOR sont corrects, j’ai déjà induit précédemment que le troisième idéogramme veut dire un truc du genre GO et je n’ai pas encore découvert le deuxième idéogramme, mais je vais désormais déduire avec cette phrase que c’est un truc du genre « négatif » / « non » / CANNOT . Évidemment, le jeu est suffisamment malin pour jeter quelques fausses pistes par-ci par-là. (Je précise que le jeu est traduit en français.)
Là où le jeu devient vraiment brillant, environ une heure dans l’aventure, c’est quand on découvre que la strate suivante est gardée par une autre peuplade, avec un langage différent, une logique grammaticale toute aussi basique mais légèrement différente, mais aussi une structure sociale très différente. Et rebelotte à chaque strate. Il va donc falloir réapprendre successivement le langage et la culture de chaque peuplade pour avancer, chacune ayant une compréhension personnelle du sens de la Tour qu’on grimpe, via une perte d’information et de communication progressive à chaque strate.
Et comme les différents peuples ne se comprennent pas, ils sont infoutus de se parler, et donc ils se détestent, ou ont au minimum une lecture complètement différente de leur situation ou de l’importance de mêmes objets ou rôles communs dans leurs sociétés. Il va donc falloir ensuite s’improviser interprète entre les différents autochtones, sachant par exemple que le pluriel, la déclinaison négative ou le placement du sujet dans la phrase ne fonctionnent pas forcément pareil.
À ce titre, le détail le plus pertinent et réaliste de cette odyssée linguistique, c’est que les mots n’ont pas forcément d’équivalents 1:1 dans chaque langue, ou ont tellement dévié de sens au fil des strates que la traduction d’un mot devient parfois insolite ou indevinable à trois ou quatre degrés de séparation, et pourtant logique dans l’héritage panculturel fictionnel qu’on a depuis apprivoisé.
Quelques défauts, trois fois rien. Ça se termine sur une espèce de twist faussement malin, qui n’a pas grand intérêt vis-à-vis du propos du jeu, et sert plutôt de dernière galipette tagada boum boum parce que les devs ne savaient pas trop comment boucler de façon spectaculaire. Une simple erreur de jeunesse. Dans le même ordre d’idée, la dernière strate est étonnamment simple et presto comparée aux précédentes ; c’est d’avantage une sorte de grand knowledge check pour vérifier qu’on a bien appris les langues précédentes sans foncer ni forcer trop de puzzles. Dommage car c’est peut-être la structure linguistique la plus intéressante de toutes. Mais je chipote : excellent petit jeu – encore un en 2023 ! – avec la bonne perpective du sujet abordé, la bonne ergonomie, le bon prix et la bonne durée de vie (huit heures et c’est plié).
Je suis bien sûr fort curieux de la traduction du jeu, vu les évidents défis de vocabulaire, de grammaire et de syntaxe associés au concept du jeu, et j’hésite à le relancer en espagnol, en japonais ou en chinois. J’attends vos retours si vous le faites en français.