(D’abord, je découvre que la Switch 2 rend le partage de captures d’écran et de vidéos bien plus simples sur son téléphone en partageant directement les photos sur la nouvelle appli Nintendo Switch, ouaaaah, le tur-fu !)
Hypé par le Nintendo Direct de Wreck-it-Donkey, j’ai décidé ces trois dernières semaines de redonner sa chance pour la 6502ème fois à la trilogie originale Donkey Kong Country.
Je suis turbo-client de Donkey Kong d’une manière générale : les deux premiers sur Game & Watch ont littéralement forgé ma prime jeunesse de joueur, l’adaptation Game Boy de Donkey Kong est un de mes jeux préférés, j’ai fini Jungle Beat à 100%, je faisais des blagues sur Stanley the Bugman et Pauline en cour de récré before she was cool, je pleurs à chaque Mario Kart sans Donkey Kong Jr. dans le casting, et même Bura Bura Donkey me file la banane. Je trouve aussi les deux épisodes « Returns » de Retro Studios sur Wii et Wii U, pourtant idéologiquement fortement inspirés par la première trilogie Rare, tout bonnement exceptionnels.
Et pourtant, jusqu’ici, j’ai toujours cordialement détesté la première trilogie Donkey Kong Country. Je les trouvais moches et injouables sur Super Nintendo. Je ne les aimais pas quand je leur ai redonné leur chance sur la Virtual Console de la Wii, ni quand je leur ai re-redonné leur chance sur la Virtual Console de la Wii après avoir terminé Donkey Kong Country Returns, ni même quand ils sont apparus sur l’appli Super Famicom de la Switch.
C’est d’autant plus bizarre que je ne suis pas spécialement réfractaire à Rare d’une manière générale : j’adore Banjo-Kazooie, Slalom est un des jeux NES importants de ma jeunesse, et j’avais largement préféré Diddy Kong Racing à Mario Kart 64, donc on peut même s’entendre sur la question simiesque.
À la décharge de Rare : ❶ j’avais évidemment surtout donné et redonné sa chance au premier Donkey Kong Country, en pardonnant encore moins longtemps le moindre écart aux suivants ; ❷ on m’a toujours promis (@iggy notamment) que c’est surtout le deuxième épisode qui est un très grand jeu ; ❸ et même si je risquais pas de changer d’avis, je voulais quand même au minimum essayer de comprendre plus sérieusement et analytiquement ce qui me pose problème avec ces trois jeux pourtant globalement adorés (enfin, surtout les deux premiers).
Cette fois, j’ai persévéré et pour la première fois, j’ai fini la trilogie Donkey Kong Country. Ou plutôt, la trilogie Super Donkey Kong, vu que j’y jouais sur l’appli Super Famicom. Je doute que cela ne change grand chose, à part que Cranky est sans doute plus drôle dans la V.O. britannique.
SUPER DONKEY KONG
DONKEY KONG COUNTRY
Bouclé à 65%.
Il me semble que c’est la première fois que je dépasse le Boss de l’Abeille. Je ne savais même pas que certains Bosses revenaient, ni que certains décors iconiques, notamment l’espèce de village perché dans les arbres inspiré par le village Ewok d’Endor, étaient recyclés par la suite. Je trouve ça un peu dommage mais je suppose que Rare avait une sacrée pression pour finir le jeu à temps pour Noël 1994.
Je n’aime toujours pas ce premier épisode mais je lui reconnais trois qualités. La B.O. (et même l’environnement sonore d’une manière général) est fantastique. J’aime beaucoup l’enchaînement roulade dans le vide → long saut qui pour le coup fait beaucoup penser à un mouvement de jeu Mario 3D. Et les quatre lettres KONG qui indiquent intuitivement leur positionnement sont sans doute la meilleur idée de grammaire vidéoludique du jeu.
Paradoxalement, je suis moins chafouin envers l’esthétique qu’avant. J’ai toujours trouvé le premier DKC hideux, même à l’époque où tout le monde se paluchait sur ses graphismes, et j’en voudrai éternellement à ce jeu pour avoir salopé près de dix ans de jeux Camelot (de Shining Wisdom à Mario Golf Advance Tour). Avec trois décennies de recul, j’éprouve au moins un minimum de nostalgie.
Je hais toujours aussi viscéralement la physique des persos, le fait que les mêmes boutons servent à trop de trucs différents, le fait que Diddy avance quelques frames quand on appuie sur B, le fait que les persos soient si gros.
Mais surtout, j’ai enfin pigé ce qui ne me plait pas dans ce jeu : c’est un putain d’eurotrash platformer Amiga déguisé. A force de persévérance dans les niveaux les plus retors, j’ai soudainement visualisé des après-midis passés à suer sur Chuck Rock et James Pond II. Bon sang ! Tout fait enfin sens. Évidemment que Greg Mayles & co. sont allés designer un jeu exactement comme ceux que les anglais bouffaient à tire-larigot sur Spectrum, ST et Amiga.
Des jeux vicieux et remplis de pièges indevinables au premier essai, avec des secrets pas faits pour être trouvés intuitivement, des sauts millimétrés pour montrer qu’on a dompté une physique complètement claquée, des persos trop gros… Même le côté « démo technique aux dépends du gameplay » fait soudainement sens ! Je comprends que le jeu ait cartonné en Europe mais c’est incroyable que Rare ait réussi à faire gober ça aux pays NTSC.
Sinon, la carte du monde complètement flinguée. On aurait cru que le problème était réglé depuis Super Mario Bros. 3, mais non.
SUPER DONKEY KONG 2
DONKEY KONG COUNTRY 2: DIDDY’S KONG QUEST
Bouclé à 85% avec 32 pièces DK.
Effectivement, je dois reconnaître qu’il y a plein d’améliorations par rapport au précédent. L’ergonomie a été revue (on utilise maintenant A pour les actions spéciales et X pour changer de perso), la signalétique est plus claire, les sprites sont plus lisibles et opèrent une meilleur démarcation du perso jouable et du compagnon, même la carte du monde un peu plus réussie. Dixie et Diddy sont plus similaires que Donkey ne l’était avec Diddy, mais les deux persos sont relativement agréables à manipuler.
Globalement, le level design est plus affûté et ses idées plus intéressantes. J’aime beaucoup par exemple le détail du galion de K.Rool qui rend hommage aux lianes de Donkey Kong Jr., la plus grande variété des animaux et de bien meilleurs stages les concernant, les bonus plus intéressants, ou l’arrivée du quiz qui deviendra un classique de Rare.
Je ne savais pas que le célèbre niveau Bramble Blast, puis l’iconique premier niveau des abeilles (screenshot ci-dessus), puis le niveau des montagnes russes s’enchaînaient directement. Ça m’a rappelé quand Astro Bot enchaîne ses trois meilleurs niveaux (la souris puis le casino puis un autre truc que j’ai oublié). Les décors sont aussi objectivement nettement plus jolis, mais malheureusement, même le filtre plutôt réussi de l’appli NSO ne semble pas retranscrire la claque que certains effets devaient donner sur CRT.
Passant un meilleur moment que sur le premier, j’ai du coup réalisé un des rares bons côtés de l’héritage eurotrash platformer de cette trilogie = il n’y a pas de timer pour finir le niveau. C’est tout con mais c’était encore peu commun sur consoles à l’époque, par la faute de l’école arcade japonaise. L’idée de rajouter des indices payants chez Cranky est d’ailleurs bienvenue pour contrer le problème toujours présent des secrets parfois trop ésotériques.
Restent quelques problèmes rédhibitoires : des mécaniques / interactions pas claires au premier coup d’oeil, encore beaucoup de pièges à connaître par coeur, des hitboxes franchement chelous… C’est aussi ce jeu qui l’a fait réaliser que mon nemesis principal n’est pas la taille des persos ni leur contrôle mais la caméra du jeu, que je trouve constamment mal placée et parfois mal scriptée. Il y a aussi quelques enchevêtrements de sprites relous où le bouton Y, qui sert à la fois d’attaque et de chope d’objet, donne la priorité à la mauvaise action.
J’ose espérer que je ne vais pas à l’encontre de la vox populi : DKC2 me semble surtout bien plus difficile que le premier. À partir du boss du vautour fantôme, ça devient zinzin, j’avais l’impression de jouer à Ghouls’N’Ghosts et de devoir apprendre tous les patterns ennemis par cœur. Pas convaincu que ce degré de challenge colle avec la recherche d’autant de secrets dans les niveaux. Les deux Donkey Kong Returns ont su trouver le bon équilibre challenge / secrets une décennie plus tard.
D’ailleurs, j’aurais apprécié plus de clarté sur les stats de complétion en plein niveau (vérifier combien de pièces ou quelles lettres KONG j’ai déjà chopées) mais comprends que je demande du comfort de 2010 à un jeu de 1995. Content de l’avoir fait et encore plus content de ne jamais avoir à y retoucher.
SUPER DONKEY KONG 3
DONKEY KONG COUNTRY 3: DIXIE’S DOUBLE TROUBLE
Bouclé à 67% avec 29 pièces DK.
J’ai pas mal précipité cette partie commencée dimanche dernier car la sortie de Bananza devenait imminente et que je commençais déjà à saturer du marathon Rare vers la fin du précédent. C’est dommage car, en me renseignant sur l’utilité des oiseaux à retrouver dans les cavernes de cristal, DKC3 est le seul à avoir un post game digne de ce nom.
Première remarque : tout se valide désormais avec B, ce qui fait très bizarre sur Super Famicom et plus encore avec un jeu Nintendo. Ça donne le ton.
Je sais que DKC3 est le mal-aimé du lot. C’est vrai que cet épisode manque de charisme mais je trouve qu’il améliore tout de même la série sur quelques points.
L’atmosphère globale est très différente, plus chill, avec des niveaux globalement moins stressants dans leur thématique comme dans leur esthétique. Le début est très mou mais ensuite le jeu se concentre sur des décors naturels assez réussis. Les niveaux sous-marins sont carrément magnifiques et on sent plus généralement que la CG a fait un bon de qualité impressionnant en deux ans. La bande-son est beaucoup plus quelconque mais ça tombait bien pour cet exercice car je voulais rattraper des podcasts.
Paradoxalement, passé les premiers stages de mise en jambe, cet épisode propose les niveaux les plus « Nintendo » dans leur philosophie de game design (un niveau = une idée = quatre degrés d’assimilation). Dommage que les idées soient parfois bâclées ou fondamentalement pas assez intéressantes pour soutenir cette grammaire de game design mais, quand ça marche, DKC3 propose certainement les meilleurs niveaux de la trilogie. Et, là encore, je peux croire que les niveaux moins intéressants soient surtout le résultat d’un impératif de sortir le jeu à temps pour Noël 1996.
Je ne sais pas si c’est le début de l’influence Super Mario 64, ou possiblement des restes du fameux Project Dream sur SFC, mais DKC3 est bien plus axé « aventure » que les précédents. On peut se balader librement sur la carte, on doit même l’explorer pour trouver des zones secrètes, le jeu propose un timide embranchement, il y a un inventaire (!) pour mener à bien la quête de troc d’objets de A Link to the Past dans le jeu (!!), la signalétique des niveaux explicite plus habilement ce qui reste à faire, etc.
Le changement le plus intéressant concerne les pièces DK, qui impliquent désormais systématiquement de tuer un ennemi en trouvant comment lui balancer un tonneau en métal du bon côté. C’est un poil répétitif mais je trouve intéressant que le tonneau serve parfois de signal pour nous dire que la pièce DK est pas loin, ou au contraire qu’on trouve l’ennemi mais qu’il faille découvrir comment faire apparaître le tonneau. Encore une fois, on dirait d’avantage un mini-défi propre aux jeux de plateformes 3D.
Reste le cas du nouveau perso, Kiddy Kong. Bon : Il est nul, OK. Ses pouvoirs servent dans trois niveaux à tout péter. Tant qu’à faire, Rare aurait évidement dû remettre Donkey avec Dixie pour compléter le triangle de la trilogie, mais tant pis. J’aurais aimé l’univers du premier avec les idées du deuxième avec le level design du troisième Donkey Kong Country. Ce qui m’amène à…
Pourquoi Retro réussit à mes yeux là où Rare échoue : il font TOUT ÇA tellement mieux. Littéralement tous les compliments que j’ai mentionnés pour ces jeux sont mieux foutus dans les deux épisodes de Retro. Les contrôles sont précis. La camera est irréprochable. Tous les persos sont cools à contrôler. La thématique est cohérente. La bande-son est top. Le déroulement rythmique idéal du niveau est encore plus fluide. Les idées centrales de chaque jeu sont cools. La difficulté est toujours juste. Les secrets sont malins, lisibles et adroitement repartis. La carte du monde fonctionne enfin comme celle de Super Mario Bros. 3. Pas de phase aventure un peu moisie. Pas trop de merdes à collectionner. Le jeu n’a pas été précipité en moins d’un an. Et diantre, ils ont même Donkey Kong jouable dans leurs jeux Donkey Kong !
Mais surtout, je comprends pourquoi les idées de Rare marchent mieux dans Banjo. Je crois que toutes les qualités démontrées par Rare dans ces trois jeux s’appliquent mieux à la 3D. La constante recherche de cohérence thématique et stylistique, les secrets hors-caméra, les persos avec des palettes de mouvement complexes, les puzzles à base de physique, la recherche d’un flow entretenu par l’enchaînement d’actions…
TL;DR : jouez plutôt à Bananza.