Vu hier 君たちはどう生きるか alias LE GARCON ET LE HERON (quelle affiche… et quel titre occidental… l’idée était peut-être de faire un discret renvoi au Roi et l’Oiseau de Grimault?).
Les retours de mes amis m’avaient préparé à un film sympathique mais assez mineur dans la filmographie de Miyazaki, donc pas forcément une déception par rapport à ce qu’on craignait au départ d’une adaptation fidèle du bouquin d’origine (très moralisateur) par notre vieux grincheux favori.
A la place, on a sa version « moi aussi je peux le faire ! » de tropes en vogue ces dernières années, comme les « mondes parallèles » ou encore « l’avenir du monde est entre tes mains mon garçon, on compte sur toi pour le remodeler all according to keikaku ». Pour les mettre en images, Miyazaki est aller débaucher chez Anno Honda Takeshi, un ancien de Gainax qui a trempé dans la plupart des gros longs métrages japonais des années 90-2000 (dont quelques productions Ghibli), et lui a confié la direction de l’animation. Visuellement, cela donne quelque chose de très sympa, un peu plus souple et moins tiré au cordeau que les grosses productions antérieures du studio. La séquence d’ouverture notamment, un incendie dans le Tokyo en guerre, joue avec les codes graphiques plus anguleux et caricaturaux du gekiga et le résultat est saisissant (séquence animée par Ôhira Shinya).
Par contre, le film s’installe ensuite dans un faux rythme et une certaine difficulté à clarifier ses enjeux narratifs qui le rapprochent un peu du Chateau ambulant (qui déjà jouait avec les mondes parallèles sans qu’on comprenne très bien où Miyazaki voulait en venir).
J’ai trouvé que 君たちはどう生きるか s’en sort mieux sur ces plans, mais pas de beaucoup.
J’espérais notamment que l’idée d’une multitude de mondes parallèles soit l’occasion pour lui de revenir un peu sur sa carrière avec des « épisodes » qui renverraient respectivement aux différents univers de ses films précédents (et à leurs thèmes), mais ce n’est pas construit comme ça. Il y a le monde d’origine, et un univers parallèle dans lequel on reste plus ou moins durant toute la seconde partie du film. Certes, c’est bourré de clins d’œil visuels à ses anciennes œuvres (et ses modèles), mais à quelques exceptions près, ça ne va pas beaucoup plus loin que des renvois un peu gratuits qui feront plaisir aux spectateurs (à l’image des conversations « t’as la ref? » que j’entendais autour de moi en sortant de la salle).
Surtout, malgré l’omniprésence d’oiseaux (dont certains absolument tordants, et superbement animés: à eux seuls, ils justifieraient de voir le film), c’est un long-métrage qui ne part pas trop dans l’aérien contrairement au précédent, et explore plutôt la matérialité, notamment les fluides (il y a une obsession sur les fientes assez révélatrice), soutenu par un excellent travail de sound design. Je l’ai trouvé un peu trop « horizontal » (y compris au niveau narratif, on est pas sur le même crescendo que certains opus précédents, mais plutôt une exploration du monde parallèle et de son fonctionnement).
Bref, c’est avant tout un film de divertissement, plutôt qu’un testament artistique et privé comme pouvait l’être le précédent (dont il reprend le point de départ autobiographique, comme pour proposer ensuite une bifurcation vers une « version fantasy » plus light), et ça en fait un film beaucoup plus visible pour le jeune public, mais sans conteste moins marquant pour les vieux comme nous (le « message » autour de l’affirmation des failles constitutives de l’humain ayant déjà été clairement énoncé dans Princesse Mononoke et la fin de Nausicaa en manga).
On peut aussi comprendre que Miyazaki ait voulu finir (?) sa carrière sur cette note plus légère, lui qui a toujours affirmé faire des films « avant tout pour les enfants ».