[Retro] c'est trop

En fait, le truc qui est bizarre avec cette histoire de préservation, c’est qu’ils reproduisent à l’identique le modèle des bibliothèques, sauf que ça ne marche pas du tout :

  • soit c’est une bibliothèque publique qui sert à partager la culture au plus grand nombre, auquel cas ça m’étonnerait que n’importe qui puisse venir et emprunter une copie de Donkey Kong pour jouer ce soir et promis je vous le ramène dans une semaine
  • soit on traite l’objet comme un objet historique, un manuscrit enluminé dans un monastère, un volume autographe de Montaigne ou Flaubert, mais le support physique du CD, de la disquette ou de la cartouche se détériore beaucoup plus vite que le papier ou l’encre, et la majorité de ces jeux ne sont sans doute déjà plus que des boîtes vides. C’est un peu comme faire une bibliothèque où on garde le sac FNAC et le ticket de caisse plus précieusement que le livre. Et l’autre problème de sens, c’est qu’à part des prototypes ou des jeux tirés à très peu d’exemplaires, ce sont des objets de production de masse, ce n’est qu’une copie de Mario Bros parmi les millions qui existent. Ce qui me mène à…
  • c’est un projet personnel et fétichiste, comme les gens qui chassent les premières éditions de livres, où l’objet (dans lequel le numéro de l’édition est plus important que le reste du texte) prime sur le contenu (donc dans l’idée, aucun problème si la rom est illisible, le fétichisme n’est pas là-dessus). Ce que je trouve intéressant c’est que au lieu d’être un projet personnel, c’est un projet d’une entreprise. J’imagine, de ce que nous savons d’Embracer, que ce genre de fétichisme est partagé par beaucoup d’employés de bas en haut de la chaîne, mais malgré tout, officiellement, ça n’appartient pas à une personne privée, mais à un groupe privé, ce qui est assez novateur.

L’autre question que ça pose, c’est à quel point tu considères que la rom est le jeu. Après tout, les gens qui bossaient sur le jeu ne bossaient pas sur la cartouche que tu as achetée, ils bossaient sur une rom dont la cartouche ne contient que l’image compressée. On peut dire que c’est pareil pour un livre imprimé, l’auteur bossait sur un manuscrit / un fichier Word dont le volume relié n’est que l’image, mais là, c’est doublement éloigné du boulot original, vu que c’est pas le code source, c’est juste la rom compressée commerciale.

Enfin, je réfléchis sans doute trop à un truc qui est juste « la chambre dont j’ai toujours rêvée étant enfant sauf que maintenant je suis milliardaire donc je peux me la construire ».
Ou alors je ne comprends rien et c’est juste un musée de l’emballage.

En l’état, ça ressemble plus à une collection qu’à un projet de préservation. Ca fait de belles photos et une bonne partie du public semble saluer l’initiative - ce qui est toujours bon pour l’image du groupe - mais je ne sais pas s’il faut y voir une finalité autre pour l’instant.

De manière générale le grand malentendu repose là : on présente comme des projets muséographiques ce qui relève avant tout de madeleines de Proust, d’où d’ailleurs une obsession pour l’objet physique, son intemporalité fantasmée (cf le fantasme anachronique de jeux d’antan encore sous blister) davantage que pour son historicité. I can relate parce que ce sont les doudous générationnels de ma génération mais il ne fait aucun doute qu’ils connaîtront le même destin que les collections de petites voitures des baby-boomers : de formidables collections privées qui atteindront des prix d’or au moment où les Charles Foster Kane atteindront l’apex de leur pouvoir financier et de leur nostalgie, avant que la valeur marchande de leurs rosebuds ne disparaisse progressivement avec eux, pour ne plus laisser que des joujoux vieillots que la génération suivante n’aura pas de raison de fétichiser.

Après, il y a ce qui relève davantage de l’histoire, et là c’est le boulot des historiens de transformer ces objets en objets d’études, en clés de lecture de la compréhension du monde, probablement en concentrés du zeitgeist de la fin du 20e siècle, l’âge d’or du modèle consumériste américain, de la société du divertissement, de la mondialisation, de l’électronique et informatique grand public et du tout-plastique. D’une certaine manière ces objets cesseront d’être intéressants pour leur immuabilité fantasmée, cet élixir de jouvence qu’on s’obstine à en faire en tentant coûte que coûte de les protéger contre l’usure du soleil, de l’humidité, de la poussière et du temps, pour apparaître pour ce qu’ils n’ont jamais cessé d’être : une singularité historique, un instantané d’une époque née de la culture de l’innovation et d’une conception schumpeturienne de l’histoire, vouée dès leur naissance même à devenir obsolètes. Ce n’est même pas dire que ces jeux ont vieilli, qu’ils ont été remplacés par plus modernes, etc. ; ils sont eux-mêmes les produits de la culture de la nouveauté et les marqueurs d’une époque pour qui la scansion du temps - news, previews, reviews - était une perpétuelle course en avant, une culture de la surenchère et une érotique de l’imminence. De ce point de vue, il importera peu à l’historien que telle ou telle boîte soit cornée ou pas, c’est le métatexte qui l’intéressera. L’immaculité des boîtes, elle, ce sera l’objet de l’historien et anthropologue des mentalités des années 2010, celui qui se demandera dans 100 ans pourquoi en pleine catastrophe écologique des humains des pays les plus riches emplastiquaient des cartouches vouées à devenir quoiqu’il arrive dysfonctionnelles.

Quant à la mortalité, je ne suis pas sûr qu’elle soit à quarante ans une question de bedoune qui devient flasque et d’ailleurs les jeux vidéo c’était mieux avant ; c’est aussi se poser la question de la transmission, qui n’est pas tout à fait la même que celle de la préservation, et ne plus seulement réfléchir en termes de madeleines de Proust que l’on voudrait mettre pour l’éternité sous verre, et davantage de témoignage et de sens et de clés de lecture que l’on voudrait transmettre au train d’après. Je ne suis pas sûr que les collectionneurs de petites voitures l’aient fait ni que les muettes carcasses en tôle de leurs Citroëns de poche d’antan nous aient franchement expliqué grand chose de l’époque dont nous héritions, car après tout il n’a jamais été question que nous en héritions, ni de leur matérialité, ni de ce qu’elles disent de leur temps, mais nous ne sommes pas obligés de reproduire la même chose, de léguer des bibelots borgnes à nos suivants.

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Pas sur la notion de long terme débattue ici, mais j’avais demandé à un collectionneur de jeu ordis s’il était sûr que tous ses jeux en disquette étaient bien fonctionnels.
Il m’a dit qu’il s’en foutait, que ce qui lui importe est que l’objet physique, son manuel, et son packaging soient dans le meilleur état possible. Que c’était ça qu’il collectionnait.
J’imagine que l’idée est que si quelqu’un veut refaire le jeu, il aura les images de disquette, et l’émulateur qui va bien, mais il pourra avoir en main le vrai manuel, qu’il aura sorti de la vraie boîte (avant que je temps fasse sont effet sur ces artefacts donc).
Et possiblement pour lui autrement d’avoir des étagères bien remplies de ces pièces de musée.
(j’espère ne pas avoir déjà raconté cela ici)

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Sans aucun doute la plus grosse annonce de ce TGS avec le retour inespéré de Psychic 5, c’est Cannon Dancer qui va lui aussi connaître le tout premier portage de son histoire au delà de l’arcade.

Il aura même droit à une improbable édition limitée mais je suppose que tel est le business plan d’un bidule aussi niché dans les petits coups.

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En parlant de l’Elizabeth II l’Egret II Mini, un nouveau firmware est sorti.


Très chouette épisode un peu spécial de U Can Beat… (c’est celui d’il y a deux semaines) consacré à Shadowgate et avec la participation d’un de ses deux développeurs originaux (!), Dave Marsh.

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Sans remettre en question vos arguments pertinents sur la bonne manière de préserver les choses, et comme le pointait l’article du journaliste de Vice, c’est surtout un investissement de plus d’un groupe avec trop de milliards en poche.

Un peu comme ces fonds qui montent au capital de potentielles licornes, la ressource jeu-vidéo vintage semble bankable vu qu’elle s’amenuise naturellement, que la demande est toujours forte et qu’il y a des possibilités de débouchés économiques avec ces loots, même en dehors de la simple revente avec bascule: soit dans l’espoir de tomber sur la pépite dont l’IP est rachetable à faible coût, soit pour disposer sur place des boites, notices, assets promo, documents de dev, révisions ou protos qui serviront à agrémenter les ressorties.

Ça peut paraitre disproportionné mais c’est Embracer ; ça m’étonnerait d’ailleurs qu’ils se contentent de racheter du dead stocks de jeux communs chez des revendeurs locaux, certains particuliers possèdent des pièces inestimables, introuvables, indumpées, voire non-cartographiées. En tout cas, il y a un objectif latent de faire de la moula d’une manière ou d’une autre, je ne vois pas ça comme une simple collection uniquement bonne pour les PR ou un geste philanthropique visant à mettre à l’abri d’un bunker d’Europe du Nord ces artefacts avant l’hiver nucléaire.

En attendant d’en savoir plus, et puisque DMA parlait de la suprême importance du flacon, j’ai réalisée il y a quelques heures une cascade que je n’avais pas répétée depuis 1997 et ce GoldenEye N64 en version Benelux: j’ai acheté un jeu d’une console que je ne possède pas (encore).

La Conquête du Monde/Conquest of the World sur VIDEOPAC/Odyssey² (1981,1983 pour la VF)

Faisant partie de ces jeux hybrides lorgnant vers le jeu de plateau, permettant ainsi de palier les lacunes techniques de la machine pour offrir une expérience ludique de qualitay, et conçue par Ed Everett (Intel) et Linda Everett (Hewlett Packard, puis Microsoft jusqu’à la Xbox OG), cette 41e cartouche de cette obscure librairie est un vrai ravissement pour les yeux. Dommage que mon smartphone soit si nul en photo, il faudra me me faire confiance.

La boite intacte me faisait déjà de l’œil en vitrine mais, lorsque le vendeur a dévoilé son contenu, on a tous les deux senti une certaine émotion au milieu de ces centaines de boites semi-vides PS4 et Switch.

  • Manuel en couleur sur papier glacé, entièrement localisé et illustré dans la veine du key art
  • Jetons intacts (on sent le cadeau de Noël à un gamin trop jeune qui voulait juste jouer à Glouton et Voraces)
  • Plateau aesthetic et aimanté

Et bien, c’est beau.
Le soft est bien sûr jouable en ému mais je serais totalement passé à côté sans cette présence physique.

Comme je ne suis ni conservateur, ni même collectionneur, seulement un joueur curieux, je léguerai mon exemplaire à la BNF lorsque mes derniers condensateurs auront leaké.

Apparemment, La Quête des Anneaux vaut également le détour. Quelqu’un connait un peu la ludothèque Videopac et saurait m’aiguiller?

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Je n’avais jamais fait gaffe au détail que la Sharp SF1 sortait le son en mono, tiens.


Ce week-end, U Can Beat… est d’ailleurs dédié à la version SFC de Final Fight (mais pourquoi rejouer à cette version plutôt qu’à la version arcade aujourd’hui : je sais pas).


Et le DF Retro de ce week-end est consacré au portage SFC de Doom !


Du coup, je m’en veux de briser ce combo mais pour en revenir à la génération précédente, si j’avais su cette astuce étant gamin, j’aurais été le roi du pétrole chez mes potes ayant Super Mario Bros. (car perso je n’avais que Tennis).

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Je rattrape des trucs que j’avais marque-paginé pour plus tard et je réalise qu’encore une fois la SUPER NINTENDO ENTERTAINMENT SYSTEM était décidément dans tous les esprits la semaine dernière…

① Une analyse de l’animation de Final Fantasy IV qui revient justement l’impact du nouveau hardware sur l’animation des sprites.

② Une intro à la « bonne façon » de jouer à Ogre Battle ; l’auteur a des tendances un poil autistiques qui font parfois grincer des dents (le début de la vidéo est mini-pénible et il lui arrive parfois de perdre le fil ou de s’obnubiler sur des détails) mais c’est tout de même très pertinent si la série vous intéresse…

③ … Et d’ailleurs il a enchaîné illico avec Tactics Ogre (version PS1 mais tout ce qu’il raconte vaut également pour les versions Super Famicom et Saturn). Sans grande surprise si vous connaissez un peu le jeu, ça parle surtout squelettes et ANPE.

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L’idée est tout simple et géniale: dans ce hack de Super Mario Bros 3, il faut éviter de collecter les pièces pour survivre —en bon camarade plombier— soit désapprendre une routine de l’ordre du pur réflexe musculaire.


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Moon Base - Nihon Bussan/Nichibutsu - 1979

Moon Base m’interroge et je n’arrive pas à trouver d’info fiable sur sa commercialisation. Il s’agit d’un clone 1:1 de Space Invaders mais rien de très étonnant à l’époque, d’autant Nichibutsu s’était lancé l’année précédente dans un hommage sincère à Breakout (Table Attacker).

Nihon Bussan qui, à ses début en tout cas, avait l’air d’être une drôle de boite pas hyper à cheval avec le copyright, je ne sais pas si un historien s’est penché sur ce milieu interlope du JV japonais dans les 70’s/80’s, il y a de quoi écrire plusieurs tomes de 500 pages chacun. Trop tôt peut-être?

Je lis qu’il y a eu un accord avec Taito mais les infos glanées indiquent de manière contradictoire un paiement de licence fee avant et après la commercialisation du jeu.

En tout cas, les visuels promo en ont profité pour se faire lifter sur la suite de l’exploitation au Japon et USA. Étonnant, les premières versions étaient pourtant impeccables…

Ah bah bravo, on admet franco qu’on ne lit pas les articles conseillés par @Lagi donc, c’est du propre !

https://medium.com/super-jump/tits-and-tiles-the-nsfw-history-of-strip-mahjong-44c86db03ee

Si en plus! Article passionnant. Mais lorsque je parlais d’interlope, je pensais surtout aux copies de code, aux exploitations borderline de salles d’arcade, aux intimidations entre compagnies ou relations avec les organisations mafieuses.

En tout cas, merci de l’avoir re-pointé, l’auteur suggère que l’accord avec Taito pour Moon Base s’est fait après le lancement commercial, je vais rester sur cette timeline plus plausible que celle indiquée sur la page Wikipédia de Nihon Bussan.

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La grosse annonce de Konami au TGS était donc une compilation Gensō Suikoden I&II HD Remaster qui étonnamment ne se contentera pas de porter (par exemple) la collection PSP mais fait office de véritable adaptation avec des assets HD pour les illustrations, une mise en scène des combats retravaillée et un nouveau moteur pour la carte du monde. Ça sort sur PS4, Xbox One, Switch et PC en 2023.

IGN a eu droit à une petite exclu avec du gameplay de Gensō Suikoden II.

@nova Chouette vidéo ! Nagashima Mitsuto avait déjà contribué à un des meilleurs entretiens du bouquin The Untold History of Japanese Game Developers Vol. 2 de John Szczepaniak.


Une vidéo (sous-titrée en anglais) sur les petits détails assez incroyables de Metal Slader Glory, le jeu Famicom qui a failli causer la banqueroute de HAL Laboratory.


Une partie complète et traduite de Chindōchū!! Pole no Daibōken sur Wii, iconique « faux jeu rétro » de Sega qui est donc devenu lui-même un vrai jeu rétro. Si vous ne vous remettez pas le contexte, le jeu était commenté en direct par un faux « pote agenouillé à côté devant la télé » et on pouvait d’ailleurs utiliser le haut-parleur de la Wii Remote pour écouter les commentaires séparément du son du jeu sur le téléviseur.

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Je n’ai pas trouvé de topic dédié au téléphone, l’objet, mais au final quoi de mieux que ce topic rétro pour un téléphone portable au look si rétro de celui de nos grands-mères dans les années 70s ?

Les options Digital Wellbeing de votre smartphone vous affichent avec effroi que vous déverrouillez votre téléphone plus de 150 fois par jour ? Vous sentez que vous perdez le contrôle et voulez vous reprendre en main ?

Mais un dumb phone de base c’est quand même super moche et ne peut être fait pour vous.

Quitte à vivre une détox du smartphone, autant la vivre pleinement et avec panache ! Avec un téléphone si mignon que vous pourriez répandre cet élan tout autour de vous.

Bonus, vous aimiez McGuyver ? Vous avez déjà bricolé votre borne d’arcade maison ? Alors le Rotary est fait pour vous et il est dès à présent en précommande ici.

Bon par contre ça pique un peu, il vous en coûtera 423,34€ pour la France et les premières livraisons sont prévues pour novembre. Mais ce qu’il est tout mimi en vert d’eau quand même. :heart_eyes:

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Une interview avec un des développeurs de Raibow Arts et qui a travaillé sur un certain jeu inspiré par un certain plombier…

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Mon analyse perso: Karen Cheryl et Hugo Délire ont précipité la fin du rotary phone en France.

Dans les commentaires:

rholala ce jeux je voulais essayer à l’époque mais dans ma famille on avait encore le téléphone avec le cadrant qui tourné (pour les plus vieux qui se souviennent ^^) !

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Mec tu fais chier. Comment ne pas donner des sous à cette femme ? J’en suis toujours à me demander quelle couleur j’aurais pu prendre. Hum.

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Cela fait aujourd’hui 20 ans que Rare est passé sous le giron de Microsoft.