{The Souls Still Burn} pour les jeux d’aventure exigeants aux niveaux tarabiscotés, pièges retors, ennemis qui se laissent contourner et espaces de répit où l’on dépense son XP

Dans la foulée du DLC d’Elden Ring, histoire de me laisser de l’espace avant la sortie de Star Wars Outlaws, j’ai lancé Star Wars Jedi: Survivor. Si vous ne connaissez pas bien la série Star Wars Jedi d’EA et que vous pensez que je me suis trompé de topic, c’est un mélange étonnant entre Dark Souls et Uncharted dans l’univers des Ewoks.

On passe une grosse partie de son temps dans des niveaux (relativement) tarabiscotés que l’on simplifie en ouvrant des raccourcis, avec des pièges (pas trop) retors, des stormtroopers qui se laissent contourner et des espaces de répit (ici des lieux de méditation Jedi) où l’on dépense son XP et regagne ses fioles d’Estus galactique au prix du respawn de tous les ennemis hors-Bosses. Un bon exemple du calibrage grand public de Star Wars Jedi par rapport à la recette traditionnelle de Demon’s Souls : on garde la mécanique de « l’ennemi qui t’a tué t’a chourré tes XP » mais il suffit de le frapper une fois, sans même le battre, pour tout récupérer.

À vrai dire, ça ressemble tellement à Souls que je m’emmêlais les pinceaux avec les attaques sur □ et △ donc j’ai rapidos remis les attaques sur R1 et R2.

Par moments, notamment dans l’intro des deux jeux mais aussi dans une grosse partie des donjons, Star Wars Jedi se transfome en Uncharted Oh No No No No No! avec toute la grammaire Uncharted que vous connaissez bien : les escalades scéniques, les acrobaties pas crédibles dans des ruines antiques qui n’attendaient que le protagoniste pour s’écrouler, des puzzles avec des caisses, un compagnon NPC qui balance des vannes etc.

Dans le premier Jedi: Fallen Order, tout cela fonctionnait très bien, et j’avais passé un bien meilleur moment avec ce jeu qu’avec tous les films Star Wars de Disney. L’aventure se passe entre la trilogie I•II•III et la trilogie IV•V•VI, quelques années avant le tout premier film Star Wars de 1977 donc, dans la peau d’un jeune Jedi fugitif, Cal Kestis, qui a miraculeusement survécu à l’Ordre 66 parce qu’il avait piscine ce jour-là. C’était une chouette aventure pour fans de Star Wars avec ce qu’il fallait de mélange entre trucs familiers et nouveautés, et des personnages à première vue têtes-à-claques mais finalement assez attachants : notamment son protagoniste finalement fort sympathique et son compagnon droïde qui est sans doute le meilleur compagnon droïde de toute la saga (et pourtant, c’est un créneau compétitif).

Jedi: Survivor se passe quelques années plus tard et c’est littéralement Uncharted in Space! puisqu’on trouve, dans un vieux temple en ruines, un Shmilblick qui permettrait d’accéder à un lieu mythique soi-disant rempli de trésors et, comme motivation pour Cal, un endroit tellement bien caché qu’on pourrait peut-être y planquer les rares Jedis survivants. Ce qui est cool, c’est que le contexte Star Wars retire en grand partie les accents coloniaux British Museum gênants des aventures pulp que sont Indiana Jones, Tomb Raider ou Uncharted. Enfin, ça saute moins aux yeux, quoi. C’est finalement assez logique puisque Star Wars était déjà la commodification pulp de la Résistance contre les Nazis, sans avoir à gérer le bagage IRL autour.

La grande nouveauté de cette suite sortie en 2023, c’est que les développeurs ont joué à Breath of the Wild. On a donc quelques zones bien plus ouvertes, disons même clairement un mini Open World pour les huit premières heures après l’intro, dans lequel on va trouver des petits monastères Jedi avec dedans des mini-instances de puzzles physiqués de Jedi ou des défis de combats Jedi. Mm… Mmouif ?

Du coup, un saloon malfamé de cette région devient un véritable hub dans lequel on va ramener plein de PNJ qui vont ouvrir divers magasins ou activités secondaires – dont une espèce d’Auto Chess sympatoche mais qui trahit là encore l’époque très spécifique durant laquelle le jeu a été conçu. On va même débloquer diverses montures (principalement un Chocobo à deux plumes du procès pour plagiat) qu’on pourra ensuite chevaucher ou agripper pour accélérer l’exploration un poil pénible à pied, surtout que le système de téléportation reste celui du premier : on ne peut se téléporter qu’entre feux de camp et que depuis un feu de camp. Ça fait mal juste après Elden Ring.

Et « ça fait mal juste après Elden Ring », je pourrais le coller à chaque paragraphe, parce qu’arrêtons la diplomatie : rien ne va. Rien. Ne. Va.

Le monde ouvert est assez inintéressant et difficilement navigable ; on ne voit jamais bien loin devant soi, il y a toujours une colline ou un plateau sinueux qui fait chier, sans doute parce que le moteur galère à afficher et simuler trop de trucs loin devant. Le level design des « donjons » est petit bras, juste après Shadow of the Eldtree fouyaya, avec des raccourcis franchement bidons : trois fois sur quatre, c’est une corde magique ou un câble de rappel sorti du trou du cul d’un bantha qui relie les zones entre elles ; c’est franchement peu inspiré et rarement recherché. Comme la caméra et la physique doivent gérer trois jeux différents à la fois, on est jamais totalement satisfait manette en main. Pendant les combats, ça bouge pas bien. Pendant les phases Uncharted, les animations et les squelettes des personnages galèrent à s’accrocher correctement. Pendant l’explo monde ouvert, le héros a l’air d’avoir de l’arthrite. Y a des putains de puzzles de force Jedi avec des boules à jeter ou à faire venir vers soi, c’est nuuuuul, et des fois, les boules sont des mines et faut se dépêcher avant qu’elles nous explosent dessus et c’est archi-nuuuuul. J’aurais largement préféré que le jeu se concentre à bien faire les phases Uncharted et les phases Dark Souls, mais les devs ont clairement pêché par gourmandise.

On grattait à peine la surface des problèmes : ce jeu a été fini à la pisse. Il y a des bugs hallucinants sur PS5 (et j’avais lu que c’est l’enfer également sur PC ?). Pourtant, purée, je suis bon public, certainement pas le mec le plus exigeant sur la technique ou le framerate. Mais là, c’est réellement un problème critique pour la progression ! Dans n’importe quelle zone un peu trop ouverte (même si on se trouve dans un boyau ou un couloir de cette zone), les textures ont parfois un mal fou à se charger, ce qui pose problème quand toutes les phases d’exploration se font sur la foi des textures du mur ou du plafond pour comprendre sur quoi on peut grimper.

Il arrive aussi que les boutons ne marchent plus, ou que le héros ne s’accroche plus, ou que l’on sorte des limites du terrain. Je vous spoile : ça fait neuf heures que je joue, je suis sur la deuxième planète et j’abandonne. Mon perso est tombé d’une rambarde alors qu’il devait attraper un stormtrooper pour une embûche automatique, façon Uncharted, qui normalement tue l’ennemi sur le champ. Sauf qu’au lieu de mourir, Cal Kestis a survécu à sa chute et est désormais insensible aux Hitboxes. Je suis passé Out of Bounds, j’ai zappé des scripts et atteint la zone suivante de cette planète avant enfin que le jeu me fasse tomber dans les abysses au bout de cinq minutes… Pour me faire recommencer Out of Bounds indéfiniment. Stop.

La « vraie » sauvegarde existe encore et elle n’est pas si loin, environ vingt minutes derrière. Mais c’était la dernière chance que je laissais au jeu, car j´ai gardé le pire pour la fin.

Je vous ai mentionné plus haut que j’avais changé l’association des touches pour copier les contrôles des Souls. Du coup, j’ai les attaques sur R1 et R2, et j´ai foutu les pouvoirs Jedi (par défaut sur R1) sur L2. Le jeu s’en accommode fort bien, sauf pour UN TRUC : le domptage des animaux par la télékinésie Jedi, qui s’effectue contextuellement avec le même bouton que les autres pouvoirs Jedi. Ça arrive pour la première fois via une cinématique après environ 4〜6 heures dans la progression, et les développeurs ont oublié de reconfigurer le bouton pour cette action précise. C’est la scène avec le piaf que j’ai prise en photo ci-dessus. Le jeu te dit « appuie sur L2 » et rien ne se passe, softlock.

Vous allez charitablement penser « pas grave, suffit d’appuyer sur R1, le bouton par défaut ? » Nan ! Ça marche pas non plus. On ne peut dompter les animaux qu’avec le pouvoir Jedi quand il est spécifiquement configuré sur le bouton R1. Du coup, comme plein de gens ont reconfiguré les touches en mode Dark Souls, ça fait un an que ce bug afffecte plein de joueurs et n’a jamais été fixé !?!?!? Saperlipopette !

Vous allez (re)charitablement penser « bon, c’est craignos, mais ça n’arrive qu’une fois ? » Non ! NOOOOOON malheureux, à partir de là, le jeu te prend pour le Docteur Klein, on passe son temps à résoudre des puzzles à base de poulets géants qu’il faut faire venir sur des plateformes, des brontosaures de merde qu’il faut appeler comme des ascenseurs, et faut remapper le BOUTON R1 À CHAQUE FOIS PUTAIN ARGH. Voilà pourquoi j’étais sur les nerfs. Rien. Ne. Va. Tout dans ce jeu est presque bien mouiiiii mais ça pourrait être 30% mieux fini, manque juste six mois de polish et de patches mais ça fait plus d’un an que le jeu est sorti !? Il y a ici tous les red flags d’une relation toxique ; j’arrête les frais maintenant avant que ces bugs relous arrivent à un moment bien plus critique, sinon je vais péter ma télé.

Dommage, le scénario est pas mal et je trouve qu’il assume bien son statut de « suite » avec des persos familiers qui se retrouvent après quelques années et ont tous un poil changé entre-temps. Et le jeu m’a reconforté dans l’idée que le mix sonore d’Elden Ring est flingué. Dans Jedi: Survivor, aucun problème, le son est même fort pratique pour aider à se repérer face aux dangers ou pour trouver des bidules cachés. La musique est fantastique – excellent facsimilé de John Williams par Stephen Barton et Gordy Haab – et les ennemis droïdes (ceux d’Episode I qui font Rodger Rodger) qui servent fréquemment de menu fretin ont des dialogues franchement désopilants si on ne les zigouille pas trop vite. Tout cela me fait bien de la peine pour tous les gens qui ont fait du si bon boulot de leur côté.

4 « J'aime »