[Les champs de Pivot] Le stupéfiant topic des 漢字, de l'ετυμολογία et des 𓀀𓋍𓉏𓅢

Un poilou old (pile prépandémie), mais plein d’amour pour cette liste des 10 nouveaux mots ou expressions virales en Chine en 2019. Où l’on apprend comment on dit « hardcore » en chinois, et, surtout, que l’équivalent à notre seum est un fort drolatique monstre-citron.

https://www.whatsonweibo.com/top-10-of-chinese-state-medias-buzzwords/

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J’avoue que traiter quelqu’un de “Sour lemon goblin”, ca peut poser son homme : je prends !

Tiens, une anecdote dominicale « kanji et jeux vidéo » pendant que je range mes bouquins et monte des étagères avec l’aide de cette merveilleuse perceuse-visseuse Hychika (merci bébé comment faisais-je sans toi ?).

Le 大技林 daigirin (« grande forêt des astuces ») était une collection de codes secrets, trucs et astuces publiée par Tokuma Shoten depuis 1989 et affiliée à ses différents magazines JV (Famimaga, PC Engine Fan, Megadrive Fan etc.). Typiquement, le premier numéro de chaque nouvelle année contenait un cahier spécial bonus recueillant tous les trucs et astuces connus pour les jeux du constructeur ou de la bécane concernés.

Par exemple ci-dessus, le numéro de PC Engine Fan paru pour lancer l’année 1994 (daté comme de coutume pour le mois de février donc un mois en avance comme je l’ai souvent expliqué) contenait ce cahier Daigirin‘94 consacré aux jeux PC Engine.

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En complément de ces bouquins, Tokuma Shoten éditait une ou deux fois par an un omnibus recueillant toutes les astuces de toutes ces machines dans un tome qui dépassait allègrement les mille pages pour environ ¥980. En 1996, par exemple, le Daigirin automnal dépassait les 5000 jeux et les 9000 astuces.

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Il me semble que j’en avais déjà parlé ici il y a une dizaine d’années (sans l’aspect linguistique qui vient) mais ce bouquin était également une mine d’information pour les joueurs import car il avait pour seconde utilité de recenser toutes les dates de sorties de jeux sur toutes les consoles – y compris pour les jeux dont le bouquin ne donnait pas d’astuce – à une époque où l’on ne pouvait pas encore confirmer ce genre d’info facilement via un Internet encore balbutiant. J’avais pris pour habitude d’éventrer le bouquin pour n’en garder que l’index des sorties et il me reste même quelques cadavres sur les bras. Quelle belle étagère, ma foi ! Hychika !

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Le 技 au milieu du nom 大技林, est habituellement lu waza quand on le laisse tout seul et peut grosso modo se traduire “technique”, “truc”, “astuce”, “art” etc.

Dans ce cas précis, son apparition fait référence au terme 裏技 urawaza, le terme japonais le plus commun pour parler d’astuces de jeux vidéo mais aussi, dans d’autres contextes, le terme employé pour parler d’une technique cachée, d’une astuce de pro ou d’une botte secrète. Vous voyez l’idée.

Cependant, si l’on voulait être pédant, on corrigerait l’info précédente car dans ce cas précis, 技 fait plus spécifiquement référence à ウル技 uruteku, contraction de ウルトラ技 urutorateku (« ultra technique »), qui était le nom de la très populaire section trucs et astuces du magazine Famimaga (Family Computer Magazine) de Tokuma Shoten – à tel point qu’urutorateku était quasiment synonyme et interchangeable avec urawasa au plus haut de la folie Famicom.

Ici, 技 est donc – non sans un brin d’espièglerie –arbitrairement censé être lu teku (abréviation de « technique »), ce qui contitue une forme de gairaigo. Si vous avez bien suivi, on vient de voir en quelques paragraphes trois façons fluides et complètement différentes de lire le même kanji pour parler du même bouquin.

kanji lecture (groove de lecture)
gi (on-yomi)
waza (kun-yomi)
teku (gairaigo)

Le nom du bouquin a sa propre histoire rigolote. 大技林 daigirin (donc « grande forêt des astuces ») est une parodie du 大辞林 daijirin (« grande forêt des mots »), un dictionnaire édité par la célèbre librairie Sanseidō, particulièrement réputée dans le milieu éducatif et universitaire.

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Le bouquin avait fait jaser lors de sa première édition en 1988 car, jusqu’ici, le dictionnaire 広辞苑 kōjien d’Iwanami Shoten était resté la seule véritable référence nationale dans le domaine linguistique depuis son apparition au début du XXème siècle. Tokuma Shoten avait donc eu l’humour de parodier Sanseidō pour son propre « nouveau dictionnaire » (d’astuces) un an plus tard.

Notez que dans les années 2000, Tokuma Shoten a également sorti un successeur spirituel au 大技林 daigirin nommé le 広技苑 kōgien, parodiant cette fois le nom du leader du marché des dicos au Japon.

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Très intéressant, merci ! Puisqu’on parle de dico, je me posais justement la question l’autre jour, est-ce qu’il y a au Japon comme en France ce marronnier annuel des mots qui font leur entrée dans le dico ? Et est-ce qu’il y a un équivalent nippon à feu Alain Rey et au Robert historique ?

Pardon, je t’avoue que j’en ai pas trop suivi l’actu universitaire mais nos dicos sont annualisés en France ?

Je sais que c’est un évènement important pour chaque nouvelle édition du Kōjien (y avait eu tout un bazar autour de la définition un peu bancale choisie pour le terme LGBT la dernière fois) mais la septième et dernière édition physique date de 2018, et la précédente datait de 2008, donc ça survient à peu près aussi souvent qu’une nouvelle version de Donjons & Dragons.

Ah bah oui. Et je parlerais clairement pas d’actualité universitaire mais commerciale, c’est vraiment le modèle FIFA, avec à chaque sortie une mise en avant dans la campagne RP des nouveautés (lexicales) et une presse plutôt avide, car c’est souvent vu, à raison mais non sans biais importants, comme un reflet de l’évolution de la société. Exemple :

C’est peut-être franco-français, je trouve pas beaucoup d’articles équivalents dans les médias anglais, ou alors, étonnamment, dans des trucs pas franchement intellos comme The Daily Mail.

Y a plus ou moins l’équivalent en espagnol aussi même si c’est plus institutionnel.

Je ne m’étais jamais posé la question, mais il y a une différence entre « Firefighter » (quelqu’un qui fight le fire) et « traveller » (quelqu’un qui travel).
https://twitter.com/dtmooreeditor/status/1569366666844192769

IMPORTANT UNICODE NOTICE:

The character « ꙮ » (U+A66E) is being updated in version 15.0.0.

Because it doesn’t have enough eyes. It needs to have three more eyes.

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Le moment où on découvre qu’on est juste pas au niveau dans son champ professionel et qu’on doit remettre toute sa vie en perspective : on m’a appris ce matin que Ru Paul’s Drag Race passait au Japon, et qu’un génie absolu a sous-titré le mot « Condragulations » en « おネエでとう ».
Je suis en train d’écrire ma lettre de démission et je regarde le monastère le plus proche pour passer le reste de mes jours en contemplation silencieuse sur les erreurs de ma vie.

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J’ai appris le mot ぶりっ子 (Burikko) aujourd’hui

Se dit d’un fille qui fait semblant d’être timide pour se rendre mignonne.
Peut être employé dans un contexte péjoratif.

Les forceuses là.

J’aime bien parce que c’est très proche de « Bourricot », une autre insulte bien française.

Je ne trouve pas des masses d’info mais à priori, le projet livresque d’Éric Viennot autour de la formidable histoire de Marc Liblin…

…ce Vosgien du XXe siècle (1948-98) apparemment doué de prescience et de xénoglossie puisqu’il s’est mis à parler la langue ancienne du peuple Rapa qui lui venait en rêves, dont le périple jusqu’à Rapa Iti a fasciné feu-Viennot qui lui a consacré une enquête feuilletonnante ainsi qu’un documentaire de 52" qui devrait lui aussi voir le jour prochainement…

…sortira le 27 octobre 2022.
Chez Michel Laffon par contre, donc sans doute un format France Loisirs et une couverture indigne.

Les intervenants ne sont pas à la hauteur mais Viennot raconte élégamment le projet et les connections avec sa propre vie et sa lecture du monde dans cet entretien de mai 2021.

#xenoglossie
#xenolalie

Fin d’une époque d’Internet : le site de traduction automatique Excite Honyaku, l’équivalent japonais de Babelfish, va fermer ses portes le 31 octobre, après 22 ans de bons et loyaux services (le copyright clame 1997 mais je crois que c’est pour le site dans son ensemble, et non la page de traduction). Ce n’est pas une grosse perte au quotidien face à Google Translate et DeepL mais c’était un des pionniers du genre.

Forcément lié au topic donc je poste ici, j’ai très hâte de voir l’issue de ce match diplomatique.

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Hello,

Une personne sur GP s’amuse à traduire les bio de Street Fighter et elle a besoin d’un coup de main niveau Chinois et Art Martiaux, peut être que quelqu’un ici ( @Iggy @sopinambour ? ) peut lui filer un coup de main ?

Citation
Les amis je lance une bouteille à la mer: est-ce que quelqu’un s’y connaît un peu, ici, en arts martiaux chinois ? La bio de Chun-Li est truffée de mots de vocabulaire spécifique à ce domaine et il est souvent difficile de trouver le mot correspondant en français, voire même de comprendre ce que ce mot désigne !

Citation
弾腿: prononciation chinoise: TánTuǐ

長拳: prononciation chinoise: Cháng quán, japonaise: chôken

J’ai trouvé quelques éléments de réponse dans cette vidéo mais je ne suis pas sûre de saisir s’il s’agit d’arts martiaux à part entière, de « sous-branche », ou de techniques propres à plusieurs styles de combat. Je ne sais pas non plus s’il existe une traduction officielle de ces termes où si les noms chinois sont conservés en France, à l’instar des arts martiaux japonais.

Nous avons aussi le mot 震脚: prononciation chinoise Zhèn Jiǎo

D’après cette page, ce serait une technique de « piétinement » du Bajiquan:

Accessoirement j’ai aussi eu affaire au mot 実戦カラテ « jissen karate » que j’ai vu traduit comme « karate contact » sur plusieurs pages françaises. Le terme « jissen » était déjà apparu dans une bio de Dan. Je l’avais traduit, je crois, par « combat réel », mais si il existe un traduction officielle, je suis prête à corriger tout de suite !

Autre chose: est-ce que le mot « sifu » (maître), s’emploie tel quel parmi les pratiquants d’arts martiaux chinois en France ? Pour ma part, je ne me souviens pas avoir entendu d’autre terme que « maître » pour désigner les pratiquants d’un art martial de haut niveau.


Si vous voulez répondre en direct c’est par là

Sinon, avec votre autorisation, je posterai la réponse pour vous

Merci pour elle pour votre aide

Ce sont soit des écoles de Wushu (le vrai terme pour Kung-Fu), soit des noms de formes (Tao, ou Kata en Japonais).

Autre chose: est-ce que le mot « sifu » (maître), s’emploie tel quel parmi les pratiquants d’arts martiaux chinois en France ? Pour ma part, je ne me souviens pas avoir entendu d’autre terme que « maître » pour désigner les pratiquants d’un art martial de haut niveau.

Ce terme s’emploi tel quel. Exemple.

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Merci Ono ! Je me permets de transmettre sur GP

Le Jissen Karate (karaté full contact) est mis en opposition avec le Dentō Karate (karaté traditionnel).

Voici le même article en anglais.

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Merci Chaz !

Question Pivot x tokusatsu : dans « 鋼鉄の巨人 怪星人の魔城 », comment vous traduisez 怪星人 ? Mon premier réflexe a été de dire « Martiens », mais c’est pas 火星人 c’est tricher. « Petits hommes verts », de manière plus large ? Je ne trouve pas le composé dans les dicos en ligne ni Imiwa?, je subodore une création poétique, mais « les Shadoks » ce serait méchamment surtraduire.

En bonus, l’affiche.

Si je traduis le plus littéralement possible par « Le Géant de fer : le château ensorcelé des hommes venus d’une planète fabuleuse », j’ai à peu près bon ? Ca fait un peu lourdingue, je comprends que ça ait été rendu en français par un « L’attaque des soucoupes volantes » franchement plus passe-partout et efficace.

Je n’ai pas mon permis de traducteur mais j’aurais juste dit un truc du genre « le château maléfique des extra-terrestres » ; pourquoi se compliquer la vie ? Le terme usuel français ne fait pas vraiment de distinction entre un immigré « venu de l’Espace » ou « venu d’une autre planète » mais grosso modo cette deuxième interprétation est l’intention manifeste du titre.

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