Contre vents et marées, après cinq essais infructueux, j’ai enfin terminé 13 Sentinels: Aegis Rim il y a quelques semaines. C’est un pseudo point & click narratif de science-fiction – en gros : « Monte dans le robot, Shinji ! » x 13 ados – avec quelques phases de RTS. On peut au choix se concentrer sur l’aventure ou le RTS, mais l’avancée d’un mode finit inévitablement par être bloquée si l’on n’a pas assez rattrapé l’autre.
Le RTS est plus exactement une espèce de Tower Defense assez peu complexe dans le fond (nos Gros Mechas défendent une base contre différentes vagues d’ennemis) comme dans la forme (tout est symbolisé par des icônes en seize polygones façon Uplink ou carte du monde sur un RPG PS1). Contre toute attente pour quelqu’un comme moi qui abhorre d’habitude les Tower Defenses, les phases de RTS sont étonnamment digestes et – diantre – sympathiques ; c’est plutôt la partie bla-bla qui réclame un peu de courage et de volonté shōnen pour aller au bout.
Le scénario est un fourre-tout de références pop culture SF des années ’80-’90. C’est clairement assumé : chaque adolescent•e représente non seulement un stéréotype de ce genre de délire, mais aussi un trope narratif en vogue dans la SF des quarante dernières années. E.T., Terminator, Macross, Evangelion, tout y passe, tout le monde a droit à son clin d’œil.
Mais comme tous ces scénarios individuels se mélangent et se croisent dans ① une grande conspiration inter-temporelle ② racontée dans le désordre et ③ en fonction de quel gamin on veut incarner ensuite, il faut vraiment s’accrocher au début (d’où mes nombreux abandons précédents) et ne pas lâcher l’intrigue sacrément tarabiscotée – j’ai compté, il y a un perso qui alterne quatre identités différentes au fil de l’intrigue.
Toutefois, je reconnais que la BDD interne du jeu est super bien foutue pour suivre et recontextualiser les aventures parallèles des treize protagonistes sur cinq époques distinctes, et on retombe encore et toujours dans l’inévitable référent Database Animals qui cimente l’analyse de la culture Otaku depuis plus de deux décennies. Ce livre vous parlait déjà de ce jeu vingt ans avant qu’il n’existe.
Il y a un parallèle intéressant à tisser entre 13 Sentinels, sorti en 2019 sur PS4 puis en 2022 sur Nintendo Switch, et deux jeux d’aventure japonais iconiques de leurs époques respectives : Metal Slader Glory (1991) et Steins;Gate (2009). (Dommage que Metal Slader Glory ne soit pas sorti en 1989, c’eût été meta-thématique.)
Comme Metal Slader Glory, 13 Sentinels est un jeu d’aventure SF avec des gros robots et des sentiments, aussi béni que maudit par une ambition visuelle démesurée (c’est vraiment giga-giga-beau), qui a pris beaucoup trop de temps et d’énergie et de factures pour sortir, et failli faire couler son développeur en chemin. Contrairement à Metal Slader Glory, 13 Sentinels a fini par être un énorme succès pour Vanillaware, et c’est mérité car c’est à la fois un bien meilleur jeu et une bien meilleure histoire que Metal Slader Glory.
Comme Steins;Gate, 13 Sentinels est un visual novel à peine interactif avec des voyages dans le temps qui utilise sciemment les tropes de la culture Otaku pour raconter un truc sur la culture Otaku. Contrairement à Steins;Gate, j’ai trouvé le scénario de 13 Sentinels plus palpitant, sa digestion de la pop culture plus pertinente, et ses personnages plus attachants. Steins;Gate a pour lui d’être un objet sans doute plus fascinant à psychanalyser pour ce qu’il raconte à son insu sur les complexes de son public ; je ne suis pas certain de trouver 13 Sentinels aussi riche à critiquer dans l’absolu – un mois plus tard, honnêtement, je n’en ai déjà plus grand chose à foutre.
Mais, en somme, 13 Sentinels est un peu la Good Ending, à tous les niveaux, de ces tentatives de jeu d’aventure SF meta racontées par la même génération de créateurs depuis les années 90.
J’étais surtout déterminé à finir 13 Sentinels pour enchaîner directement sur le jeu suivant de Vanillaware, Unicorn Overlord, mais cet enfoiré de @Tristan a eu la mauvaise idée de relancer Monster Hunter Rise trois ans plus tard et donc…
… Finalement, on a passé une grosse partie de nos week-ends récents sur Monster Hunter Rise: Sunbreak, la grosse expansion de Rise sortie en 2022.
Instant vieux chieur boomer : j’ai une forte nostalgie pour la vieille formule Monster Hunter, la besogne de la préparation à la chasse et l’emmerdement nécessaire minimum qui rendaient la victoire plus belle. Ici, c’est le Fast Food de Monster Hunter, tout est presque pratique. PRATIQUE ! Cet adjectif !? Dans mon Monster Hunter !? Heureusement que l’interface des menus reste nécronomiconienne…
La forteresse portuaire de Sunbreak est sans aucun doute le hub le plus efficace de la série, y a plein de moyens de farmer les streums qu’on veut super vite, certaines armures pas trop dures à pécho sont complètement pétées, les chats sont devenus des pro gamers, la limite de temps n’a plus aucun sens tant on dérouille les monstres trois fois plus vite qu’avant. J’ai l’impression de participer à l’industrialisation de la chasse aux monstres et que des activistes de protection des animaux vont bientôt venir s’enchaîner sur le mât de mon bateau.
Je déconne à peine : comme la série essaie tant bien que mal de justifier scénaristiquement l’évolution ludique de Monster Hunter, on retrouve à peu près la même propagande utilisée par les géants de l’agroalimentaire ou l’industrie de la pêche à la baleine dans le discours des royaumes récents. C’est une étude scientifique, on fait ça pour leur bien, et de toutes façons y a trop de monstres, et croyez bien qu’il sont tombés malades, ils risquent de contaminer les autres, et rassurez-vous qu’on décime tout ça aussi respectueusement qu’efficacement. Ça passait un peu mieux quand il fallait quinze tentatives pour taper un Tigrex qui semblait réellement capable de raser ton petit village paumé dans la montagne.
Résultat : on a probablement fait en 400 heures ce que je n’aurais pas pu faire en 4000 heures sur PSP. Rien qu’avec les temps de chargement de l’UMD pour chaque zone, faut dire… Une fois les lunettes roses de la nostalgie retirées – probablement parce qu’elles m’empêchent d’équiper une gemme Niveau 4 pour gonfler le dégât des flèches explosives quand un monstre volant est énervé contre moi – Monster Hunter Rise Sunbreak est vraiment un chouette chouette chouette chouette jeu (avec des chouettes).
C’est donc le meilleur hub. La nouvelle carte Citadel est ma carte préférée de toute la série : jolie, variée, relativement pratique car tout est relié, sympa à explorer avec des tonnes de secrets. C’est sans doute (@Tristan ?) la meilleure version pour chacune des armes de la série, même si la Great Sword a vraiment du mal à suivre tant le jeu est devenu plus mobile. C’est sans doute la meilleure sélection de monstres ; on pouvait reprocher à MH World d’avoir trop de Wyverns et ici, y a presque à l’inverse trop de matous mais je trouve quand même la sélection super variée et bourrée de MVP : on a quasiment les meilleurs streums de 2ndG, les meilleurs streums de 3rd, les meilleurs streums de 4G, les meilleurs streums de XX/ Generations Ultimate et les meilleurs streums d’Iceborne dans le même jeu. Et les nouveaux streums sont tops aussi. C’est sans doute la meilleure bande-son de la série. Enfin bref, ça tue (des monstres).
J’ai quand même joué une cinquantaine d’heures à Unicorn Overlord mais on en reparlera une autre fois.